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Le sel de la mer, de Annemarie Jacir
Juive s'il le faut !
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 30/06/2008
Scène du film
Scène du film
Annemarie JACIR
Annemarie JACIR
Affiche Cannes 2008
Affiche Cannes 2008
like twenty impossibles, 2003
like twenty impossibles, 2003
The Satellite Shooters, 2001
The Satellite Shooters, 2001
like twenty impossibles, 2003
like twenty impossibles, 2003
Meriam AZIZI
Meriam AZIZI

La section Un certain regard a cette année choisi de représenter le monde arabe à travers deux pays : le Liban (Je veux voir, réalisé par Joana HADJITHOMAS, Khalil JOREIGE) et la Palestine (Le sel de la mer, "Milh hadha al-bahr", réalisé par Annemarie JACIR). Que le Liban soit présent est devenu presque une évidence mais qu'un film palestinien soit à l'honneur relève du défi. Le conflit israélo-palestinien est depuis un peu plus d'une décennie, majoritairement pour ne pas dire exclusivement, reporté à l'écran par une poignée de réalisateurs israéliens croyant dans l'efficacité du cinéma comme véhicule de paix. Amos Gitaï, Avi Mogravi et plus récemment Eran Riklis en sont les piliers. Annemarie Jacir a donc un double mérite. Celui d'être Palestinienne et celui d'avoir réussi le pari d'enfanter un film sur un sol cinématographiquement sinistré. Elle a écrit, réalisé et produit plusieurs courts-métrages dont A post Oslo history (1998), The Sattelite shooters (2001) et like twenty impossibles (2003). Le sel de la mer est son premier long-métrage.

Sans prétendre dresser une étude comparative, Le sel de la mer fait curieusement penser à The Bubble de Eytan Fox. Il existe deux lieux de rapprochements : les deux films respirent la jeunesse et leur personnage principal, Palestinien, à un moment donné de l'histoire, se fait passer pour Israélien pour pouvoir circuler en toute quiétude.

Cette complexité du rapport identitaire au territoire, Annemarie Jacir la peint foncièrement d'une manière tout aussi authentique que poétique s'écartant de tout excès mélodramatique. Le scénario est l'histoire d'une retrouvaille : celle de Soraya, jeune fille de 28 ans, née et élevée à Brooklyn avec le pays d'où sa famille a été contrainte à l'exil en 1948. Renouer avec ses racines s'avère une épreuve initiatique.

À travers tout le film, le personnage est confronté à une série de situations entravant la réalisation de son désir : récupérer l'argent de ses grands-parents gelé sur un compte à Jaffa et restituer la mémoire de sa famille en rachetant la maison qui leur appartenait. Quoi de plus dérisoire ? Une situation d'autant plus absurde que Jaffa est depuis des années un territoire israélien. Pas de place pour la jeune américaine qui veut réaffirmer sa palestinité quitte à transgresser les lois. Abandonner est hors de question. La témérité de son caractère fait d'elle la décideuse de la bande qui s'est constituée autour d'elle en la compagnie de deux garçons, l'un rêveur et l'autre, Imad, tellement réaliste qu'il finit difficilement par croire à l'aventure. Son idée fixe : quitter ce pays, selon lui, stérile.

Au milieu du film, le personnage de Soraya est complètement métamorphosé. Ce n'est plus la touriste qui subit docilement les interminables et stupides interrogatoires des forces de l'autorité israélienne mais une rebelle obstinément déterminée à arracher sa part.

Le film se transforme en road movie plein de suspense où les aventures s'enchaînent à un rythme endiablé. Braquage de banque à Ramallah suivi de pénétration dans le territoire israélien, déguisés en juifs afin de ramener Soraya à la maison de ses grands-parents, passage au Dawayma, village natal des grands-parents de Imad. Toute cette agitation est symboliquement prétexte à une reconstitution du passé. Imad et Soraya s'arrêtent à chaque étape pour faire resurgir des souvenirs souvent sombres tel que le massacre au Dawayma.

Le pessisme de Imad est relégué en second plan devant l'espoir étincelant de Soraya qui, jusqu'à la dernière minute du film, croit en leur capacité à changer l'ordre du monde. Les quelques batailles gagnées ne signifient pas hélas la victoire. Car la guerre finit par le triomphe de la réalité qui rattrape le rêve et l'achève sitôt.
Malgré la fin triste, une brise d'euphorie souffle sur ce film. Le sourire ironique de Soraya comme réponse aux questions de la police contrastant avec la gravité de la situation signifie qu'après cette épreuve de dépassement de soi, la jeune fille a compris que l'ennemi est déjà vaincu. Où sont donc passer les forces de l'ordre quand elle a foulé le sol de la maison de son grand-père à Jaffa? Quel autre triomphe souhaiter après cet événement ?

Meriam Azizi

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