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Mercedes ou la transgression du langage cinématographique
critique
rédigé par Bouchta Farqzaid
publié le 10/07/2008
Yousry NASRALLAH
Yousry NASRALLAH

Mercedes est le titre d'un film égyptien, qui a été réalisé par Youssri Nassr-El Lah. Ce long métrage est cinématographiquement construit bel et bien selon une syntaxe assez particulière, à savoir le tableautin.


A. La technique du fragment :

En effet, cinq petits tableaux sont à relever dans ce texte-image. Ceux-là se présentent comme des scénettes dont chacune porte un titre :


Scénette - Titre

1 - Noubi

2 - Gamal

3 - Afifa

4 - Les Mortels

5 - Happy End


Ces fragments servent à mettre en crise la narration classique, qui domine dans la production cinématographique égyptienne. Et le noir que l'on insère entre les séquences assimile le film à un texte que l'on lit en passant d'un chapitre à un autre. Le noir a également pour fonction de permettre au spectateur de reprendre son haleine - visuelle -.


B. L'onomastique ironique :

Par ailleurs, l'onomastique stigmatise le travail assez pointu du scénariste. En effet, les noms des personnages sont très significatifs, en ce que sont fort déterminants dans le récit filmique et qu'ils orientent sa lecture, voire son interprétation.

Dans le premier fragment, la caméra est focalisée sur des "biographèmes" d'une femme nommée Warda. La beauté de cette dernière évoque effectivement l'image de la "Fleur" ou de la "Rose", mais qui risque de se faner, telle Warda qui endure les affres du temps.

Même son fils - illégitime ! -, Nouhi, mène une vie difficile dans un monde de miasmes morbides, lequel risque d'exploser. Amnésique, il est interné dans un asile psychiatrique, et essaye de retrouver sa mémoire, qui est éclatée. En confrontant le réel, il se permet toutefois de critiquer le présent et le futur de manière acerbe.

Aussi, Gamal est assimilé à la séquence où l'on assiste à la défaite de l'équipe égyptienne du foot-ball contre les anglais. De ce fait, est- il loisible d'y voir l'échec d'une nation sous la présidence de Gamal (Abdel En-nasser) ?

En somme, tous les s noms des personnages introduisent comme une fissure (un hiatus) entre le signifiant et le signifié. À dire vrai, ils sont très souvent en rapport d'opposition avec les idées que le spectateur peut s'en faire à première vue. Ainsi, Afifa, qui évoque l'idée de la pudeur, est une danseuse débauchée. Quant à Raifa (indulgente ou clémente) est impliquée dans le trafic des organes d'enfants (reins, cœurs…). Même le "Happy end" du dernier fragment est loin d'être une fin heureuse, parce qu'il met en scène le thème de la violence.



C. Pour une portée symbolique :

À en croire le réalisateur, Mercedes est une mère inconnue, mais également une sorte d'idéologie, qui finit par devenir un simple moyen de transport, permettant à des personnages, telles Warda, Afifa, de s'introduire dans un espace de violence.

Le fragment de "Afifa" est un passage où la perception devient tellement confuse. En effet, une femme, qui ressemble à la mère de Nouhi, va être son point de mire et en tombe tragiquement amoureux. A cet égard, ce n'est point un hasard - nous semble-t-il - que Youssri Nassr AL-Lah confie les deux rôles (Warda et Afifa) à la fameuse et brillante actrice Youssra. Cette confusion chez Nouhi a été soutenue, sur le plan du montage, par l'interposition des images de Warda et de Afifa. Le spectateur est en présence d'une abolition du complexe d'oedipe, en ce que Nouhi n'a pas de père à haïr ni à tuer.

Bouchta FARQZAID

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