AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 363 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Entretien de Fatoumata Sagnane avec Yamory Mansaré, réalisateur
Yamory Mansaré : "Je n'aurais pas passé 14 ans de ma vie dans ce métier pour rien"
critique
rédigé par Fatoumata Sagnane
publié le 29/07/2008
Yamory MANSARÉ
Yamory MANSARÉ
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE

Comme Dieu sait faire les choses. L'homme n'est qu'un instrument pour Lui, Il le manipule comme Il veut et Il dispose de ses jours comme Il l'entend, de ses faits et gestes d'où l'homme propose et l'Omnipotent (Dieu) dispose.
J'ai rencontré Yamory Mansaré pour Africiné cinq jours avant la sortie au CCFG de Bamba, un long métrage dont il est l'auteur, producteur et coréalisateur (avec Alhoussène SANO). Il était fatigué je l'avoue, amaigri, mais comme d'habitude il était très souriant, taquin, plein de jeunesse, battant et entrepreneur. Il m'accorda cette interview que vous allez découvrir avec assez de bonnes ambitions pour le décollage du cinéma guinéen dans sa complexité.
Pour la petite histoire c'était un matin du 29 février 2008 que mon téléphone retentit. Au bout du fil, c'est une amie du théâtre qui me balança la nouvelle avec précipitation en ces termes " Fatou ! Yamos vient de rendre l'âme !" Car, la veille, nous étions là toutes les deux ensemble au chevet du malade, Yamory Mansaré (Yamos pour les intimes) qui nous disait qu'il allait vite se rétablir pour pouvoir assurer la promotion de sa réalisation, Bamba, alors que la mort l'attendait le lendemain.

-Africiné : Bonjour Yamory. Veuillez vous présenter à Africiné.

-Yamory Mansaré : Je m'appelle Yamory Mansaré. J'ai 37 ans. Je travaille à l'ambassade de Malaisie en qualité de traducteur et interprète chargé de l'information. Je suis également comédien au théâtre et au cinéma. Je me suis reconverti dans le cinéma, je fais la réalisation de l'écriture scénarisée, et j'en suis à ma première expérience de produire un film dont je suis l'auteur.

-Africiné : Comment expliquez vous le désintérêt des populations guinéennes aux salles de cinéma, au grand écran ?

-Yamory Mansaré : On a fait du théâtre sur plusieurs années et malheureusement aujourd'hui cette culture n'est pas très ancrée dans la tête des gens. Ils ont perdu l'habitude d'aller au théâtre pour voir les spectacles. En plus, on a qu'une ou deux salles de théâtre où des gens vont et ça aussi c'est en fait les expatriés [les immigrés européens, NDRL] qui viennent voir souvent ou certains accros du théâtre sur le plan national. Parce que tout simplement la population a une mentalité qui est plus centrée sur la télévision. Avec les chaînes de télévision qui fleurissent maintenant là partout dans le monde, on propose toutes sortes de programmes : des variétés, des films, des documentaires…

Donc les gens ont beaucoup tendance à rester à la maison regarder la télé, suivre des films de tous genres ou le théâtre à la télé, plutôt que d'aller dans une salle de spectacle. Tout cela fait que puisque nous sommes des artistes avant tout, on a besoin de montrer notre travail et puisqu'il y a une petite… disons… une similarité entre le théâtre et le cinéma, on a souvent besoin pour certaines productions de transporter ça afin de quitter la scène de théâtre pour un peu venir au cinéma et un peu plus tard répercuter ça sur la télé qui a une influence aujourd'hui. La télé fait partie des mythes des centres urbains.

-Africiné : C'est vous qui allez chercher de l'argent maintenant pour faire jouer des comédiens ou acteurs de cinéma. Comment vous vous sentez dans votre nouveau rôle d'auteur et producteur à la fois, c'est-à-dire n'étant plus devant la caméra mais derrière ?

-Yamory Mansaré : Vous savez, ce sont des choix, c'est-à-dire qu'on n'est pas tenu d'être tout le temps devant ou derrière la caméra, on peut faire le tout ensemble. Il y a beaucoup de choses qui peuvent arriver à la fois qu'on puisse faire. On ne décide rien à l'avance. On peut commencer par quelque chose et avec le temps, au fur et à mesure, essayer, devenir, être scénariste. Je peux être réalisateur ; je peux apprendre le montage ; je peux faire de la régie lumière ou son. Voilà pour le théâtre et le cinéma c'est un peu ça. Toutes les deux disciplines restent des arts de spectacles.
En résumé, on commence par quelque chose et ensuite on essaie d'être polyvalent, indépendant dans le travail qu'on fait. Comme vous pouvez le constater, il y a des personnes réellement impliquées dans l'œuvre cinématographique audiovisuel et dans le théâtre aussi. Et donc parfois, on est obligé de se suppléer. Dans cette perspective là, on est obligé aussi d'apprendre beaucoup de choses à la fois. Il ya beaucoup de différence, c'est-à-dire il y a le plancher et puis il y a la salle et l'écran d'où la différence. Dans les deux cas, il y a l'interprétation, il y a la comédie, c'est là leur point commun.

-Africiné : Vos propositions par rapport à la réouverture des salles de cinéma en Guinée ?

-Yamory Mansaré : Ça c'est une problématique que tu es entrain de poser là qui nécessite beaucoup d'analyses et à plusieurs niveaux.
Pour le moment, il reste évident que le cinéma ou le théâtre n'est point financé à part comme je le disais au départ la floraison des chaines de télévision avec de multiples formes de programmes proposés aux téléspectateurs. Et donc les gens, du coup, ont perdu le goût d'aller dans les salles de spectacles pour voir le théâtre ou le cinéma.

Dans le contexte guinéen, vous le savez, ce problème là on l'a subi, ce qui a causé la fermeture de beaucoup de salles de cinéma. Actuellement, il n'y a que le MIMo (salle de cinéma située à 18km du centre ville) qui propose vraiment des films. Les autres salles sont fermées depuis des années. En outre, ces salles sont actuellement en rénovation pour servir à d'autres fins notamment comme centre commercial, d'autres servent à des salles de spectacles et pour des projections ponctuelles que nous cinéastes organisons de temps à autre. Donc pour parler véritablement de salles de cinéma sur le territoire guinéen, si je ne m'abuse il n'y a qu'une seule et unique : le MIMO qui fonctionne. En outre, le MIMO est situé dans une zone enclavée de la capitale où l'accès de la route principale à la salle de cinéma est très difficile, donc les gens n'ont pas toujours le courage de s'y rendre. Aller au cinéma aussi c'est un plaisir, c'est une culture, c'est une façon de se détendre avec une personne qu'on aime, les amis avec lesquels on veut être. On peut aussi expliquer la fermeture des salles de cinéma par le manque de production au niveau national, tout simplement parce que les producteurs locaux n'ont pas suffisamment de moyens. Ils ne sont pas subventionnés, structurés par l'État ou d'autres personnes privées qui pourraient des mécènes pour le développement du cinéma.

Puisque c'est quelque chose qui ne produit pas immédiatement les intérêts, on n'a pas envie de mettre de l'argent dans le cinéma, on a plutôt tendance à préférer investir dans le riz ou dans le commerce généralement. Donc cet aspect là aussi paralyse un peu l'audiovisuel guinéen et du coup on prend des coups. Les quelques producteurs locaux qui sont sur le terrain préfèrent vendre leurs œuvres à l'extérieur du pays, destinées à la communauté africaine, en Europe, aux États-Unis et à travers l'Afrique. Donc tout ça, ce sont des problèmes.

Tant que l'État, à travers ses structures comme l'ONACIG (office national du cinéma de Guinée) par exemple, n'arrive pas à créer un environnement légal qui favorise la création et la production audiovisuelle même pas en termes de subvention mais en termes de soutien institutionnel aux gens qui veulent produire, on va toujours rencontrer des problèmes. Mais une fois que l'ONACIG réglemente, favorise, encourage cette production audiovisuelle ou cinématographique, il y aura des producteurs locaux avec leurs moyens qui viendront essayer de faire des productions et vulgariser ça au niveau national.

Peut-être que cela peut inciter les propriétaires des salles de cinéma transformées aujourd'hui en magasins à les rouvrir parce qu'il y a un engouement populaire pour la création locale. Les gens ont envie de voir ça. Actuellement quand vous voyez le marché guinéen, il est inondé de films nigérians, ghanéens, burkinabés, ivoiriens, il n'y a pas de raison que les populations n'aiment pas ça. Et d'autres aussi produisent sur le plan local, mais ils ne préfèrent pas vendre ici parce que tout simplement les distributeurs locaux sur le plan national aussi n'accordent pas de respect et de sérieux aux propositions qu'ils font aux producteurs.

Quand vous mettez par exemple 50 millions dans une production, et que vous partez voir un distributeur, il vous propose 50 millions... On ne peut pas accepter les choses dans ces conditions là. Alors qu'en Europe et aux Etats Unis, on peut banalement amortir ce coût sur une certaine période donnée. Donc c'est tout ce qu'il faut faire.

-Africiné : Que dire du numérique par rapport au 35 mm ?

-Yamory Mansaré : En ce qui concerne le 35mm et puis le numérique, dans tous les cas de figure c'est une facilité que les nouvelles technologies de l'information et de la communication nous offrent nous autres cinéastes pauvres qui ne disposons pas de gros moyens de production. Donc avec des petits budgets on peut se servir de ces facilités là pour pouvoir produire sur Super DIVX ou bien DV ou encore HDV qu'on peut éventuellement avec des ambitions avoir dans les laboratoires et avoir une qualité acceptable par tous.

Parce qu'aujourd'hui il faut reconnaitre qu'avec le retard qu'on accuse on ne peut pas produire comme ça se fait à Hollywood. Mais bon, Hollywood ne s'est pas développé aujourd'hui, c'est sur plus de 50 ans. Cannes, c'est sur plus de 50 ans. Le festival de Cannes devrait commencer en 1939, mais avec la guerre le festival a eu des balbutiements. Finalement c'est en 1946 qu'ils ont pu commencer. Il y a eu tout un chemin, il y a eu des capos, des garçons qui ont été vraiment des mécènes pour soutenir la réalisation. Aujourd'hui, ça fait plus de 50 ans, plus d'un demi-siècle que ça marche comme ça. Mais ça n'a pas commencé tout d'un coup. Nous aussi, on doit faire le copier-coller. Ce qu'on n'a pas ici, on doit aller prendre ça chez les autres, adapter à nos réalités et essayer d'évoluer.

Calculer sur le long terme. On ne peut pas le faire immédiatement, on n'a pas de base. Depuis les indépendances jusqu'aujourd'hui on n'a pas de base. Donc on doit pouvoir faire ces bases là d'abord avant de pouvoir espérer des choses. On ne doit pas rejeter le numérique. Quoi qu'il arrive, on doit considérer le numérique. C'est ce qui nous arrange pour le moment.

-Africiné : Vous allez sortir BAMBA, le 22 février prochain. Pouvez-vous nous parlez de ce film et de cette écriture. ?

-Yamory Mansaré : BAMBA, c'est un scénario que j'ai commencé à écrire il y a quelques années, environ 2 ou 3 ans environ. Mais j'ai vu et revu le scenario à plusieurs reprises. Je l'avais fait lire par des amis, par des ainés, des personnes d'expériences qui connaissent un peu l'écriture scénarisée au cinéma.J'ai essayé de lire aussi certains bouquins pour essayer d'améliorer beaucoup la qualité de l'écriture. Et donc ça symbolise tout simplement la lutte de la jeune fille.

Il est question de la condition de la jeune fille dans les sociétés africaines, en Guinée particulièrement (je prends l'exemple puisque je suis Guinéen), donc c'est toute cette lutte de la jeune fille pour son épanouissement intellectuel moral pour son indépendance que j'ai essayé d'écrire ça.
C'est le parcours d'une jeune fille qui quitte son village au terme de ses études primaires pour aller continuer ses études secondaires en ville, à Conakry chez sa tante. Mais arrivée là-bas, après avoir vécu l'épreuve de l'excision au village, elle sera confrontée aux différents aspects des centres urbains : le viol, le banditisme, la corruption etc., puis le mariage forcé et précoce quand sa tante va lui imposer un quinquagénaire. Donc c'est toute cette lutte qu'elle mène pour résister à ça, pour faire dos aux traditions qu'on appelle aujourd'hui stupides de nos sociétés.

-Africiné : Quelles ont été vos motivations par rapport à Bamba ? Est ce que vous avez une raison particulière, ou c'est tout simplement pointer un doigt accusateur sur la société par rapport à ces pratiques néfastes ?

-Yamory Mansaré : Tout à fait ! Tu as marché sur ma langue ! C'est exactement ce que j'allais dire. Ce sont des valeurs, des causes pour lesquelles je trouve que les gens ont raison de se battre.
Ce sont de multiples formes de violence que subissent les femmes au nom de certaines traditions. Elles sont obligées de se taire sur ça. Ça fait extrêmement mal. Vous ne pouvez pas savoir, sauf quand vous vous mettez à leur place.
Ou alors sauf quand le Tout puissant vous dote d'une certaine sensibilité pouvant ressentir ce qui se lit ou qui se sent sur le visage de cette jeune fille, de cette femme là. À moins que cette personne n'ait le courage et la volonté de vous expliquer ou se confier en secret.
Donc on ne peut pas aujourd'hui mettre en retrait, exclure la femme. Elle reste la mère, la sœur, mais également la conjointe, c'est-à-dire qu'on ne peut pas vivre sans elle et vice versa.

C'est indispensable on doit vivre ensemble les l'uns et les autres et dans une certaine harmonie. Pour qu'il y ait cette harmonie là, il y a des droits qu'on doit respecter de part et d'autre. Voilà c'est aussi certaines femmes aujourd'hui qui sont transformées à prendre en charge leur personne à savoir qu'elles ne peuvent pas avoir leur indépendance si elles ne l'exigent pas.

-Africiné : Et le tournage, comment ça s'est passé ?

-Yamory Mansaré : Dans de très bonnes conditions. Le montage également.Par ailleurs, avec les problèmes qui étaient dans le pays [les violents troubles politiques qui ont secoué la Guinée en 2006-2007, NDRL], on a connu des retards. Mais qu'à cela ne tienne, on a pu quand même respecter notre chronogramme dans une certaine mesure. Devant l'impossible nul n'est tenu. Les retards qu'on a accusés étaient presque raisonnables.
Et aujourd'hui, le film sort le 22 février ; que ça parle de la condition de la jeune fille et tout récemment le 06 on avait célébré la journée internationale sur l'excision ; qu'au mois de mars, le 08 du mois, il y aura la fête internationale des femmes ; je me dis que tout ça coïncide, ces évènements d'envergure et la sortie de Bamba, cela contribuera à valoriser la femme et les jeunes filles dans nos sociétés.

-Africiné : Est ce que vous avez bénéficié d'un financement externe quelconque à part l'appui de vos amis ?

-Yamory Mansaré : Non je n'ai pas eu d'appuis. Il faut dire aussi que je n'ai pas demandé.

-Africiné : Parce que vous êtes riche quelque part, ou c'est juste se démarquer des autres cinéastes ?

-Yamory Mansaré : Non, c'est loin de tout ça. Je suis pauvre matériellement mais très riche en motivation, en détermination. Et du coup quand on veut on peut.
Je sais les difficultés qu'il y a derrière les subventions. Il y a beaucoup de complications, beaucoup de données, de dossiers à constituer, il y a beaucoup de personnes qu'il faut voir. Des fois, on perd beaucoup plus de temps dans cette administration là que dans le travail, qu'on doit faire ce qui est l'essentiel. Voilà donc les démarches que j'ai entreprises. Je considère que j'ai eu à travailler pour rendre ce projet là réel aujourd'hui.

Je n'ai eu que du soutien des amis avec qui j'ai travaillé. Maintenant que j'ai fini le travail, possible que les gens s'intéressent à ce que nous avons fait. C'est un travail d'un an. Et une fois que c'est intéressant, on discutera pour parler de la diffusion large si ça répond aux causes que nous défendons. Nous irons vers certaines personnes.

Pour le moment on essaie de montrer ce qu'on peut faire. On ne va pas faire que des discours, on ne va pas faire que des critiques, on ne va pas faire que des analyses. On va proposer et faire avancer le domaine, pour créer une industrie du cinéma en République de Guinée. C'est possible ! Et ça demande des moyens mais pas de gros moyens comme certains le pensent.
On peut faire avec les moyens que l'État peut mettre à notre disposition. Pour le moment on n'a rien mais qu'il nous propose quelque chose, sur la base de quoi nous pouvons essayer de partir.

-Africiné : Alors comment qualifiez-vous cette première expérience ?

-Yamory Mansaré : C'est une expérience fantastique sur beaucoup de plans, dont celui du tournage, les rapports que j'ai eu avec les comédiens, les techniciens, les encadreurs. C'était une expérience magnifique parce que j'ai travaillé avec les amis mais pas n'importe quels amis.
J'ai travaillé avec les icônes du cinéma guinéen, malgré les petits moyens que j'avais. Ils ont fait preuve d'une telle générosité, amitié ; ils se sont donnés à fond. Et donc, tout le groupe s'est mobilisé, sans oublier d'autres personnes à côté, des amis qui ont mis des moyens à ma disposition pour pouvoir faire de ce rêve une réalité. Surtout leur disponibilité, et quand je parle de générosité c'est par rapport à ça. C'est cette expérience là que je ne vais jamais oublier.

Et je me dis que je n'aurais pas passé 14 ans de ma vie dans ce métier pour rien. J'ai eu de très bons amis. J'ai eu de très bonnes relations et j'ai bénéficié de leur relation.

-Africiné : Quelle forme de relation vous entretenez avec les doyens du cinéma guinéen ?

-Yamory Mansaré : La nouvelle génération que nous représentons, il faut dire tout d'abord que nous sommes les fruits de cette ancienne génération. Nous avons bénéficié des expériences dans une certaine mesure de cette ancienne génération qui avait du talent et qui a encore des connaissances, des expériences à nous transmettre. Nous ne pouvons rien faire sans eux et nous avons intérêt à nous rapprocher d'eux pour apprendre mieux. Et c'est pour cela que moi je me révolte quand je vois qu'on n'a pas pu achever leurs œuvres. Peut être à titre individuel ils l'ont fait eux, mais au niveau de l'État, au niveau des structures qui étaient là-bas parce que toutes les productions qu'ils ont eu à faire, ils l'ont fait au nom de la Guinée. Pour la Guinée, ils ont honoré ce pays. On n'a pas eu de respect pour leur travail, on n'a pas achevé ni gardé leurs œuvres. Aujourd'hui, ce sont des choses qui peuvent êtres montré dans des écoles.

On a une école d'art dramatique, l'institut de Dubréka situé à 50 km de la capitale Conakry. Il ya des choses à montrer aux jeunes étudiants qui sont là-bas. Ce sont ces doyens là qui pouvaient faire quelque chose pour le cinéma guinéen mais ils ont été muselés, neutralisés, traumatisés à l'époque à cause de l'ancien système. Je crois qu'avec le changement de régime, on est passé d'une certaine mentalité à une autre. Ça a créé des problèmes d'adaptation.
Donc ces gens ont été manipulés dans une certaine mesure. Et dans une certaine mesure ils n'ont pas pu montrer et démontrer leur talent en tant qu'artistes mais aussi en tant que défenseurs d'une certaine idéologie soit pendant la première ou la deuxième république, à tort ou à raison ; d'ailleurs pour de bonnes ou mauvaises raisons. Je suis loin de faire un jugement quelconque ; toujours est-il qu'ils n'ont pas joui d'une certaine indépendance dans leur création.

Aujourd'hui, nous sommes dans un environnement où la création ne doit pas forcément tenir compte de certaines mesquineries. Donc nous travaillons ensemble, nous les approchons quand nous avons des problèmes. Et bientôt notre ambition c'est de créer une plate forme où les anciens, les vieux, d'autres de l'extérieur vont se retrouver chaque année en Guinée. Quoiqu'il arrive, on va regrouper des cinéastes, toute personne impliquée dans la production audiovisuelle au moins une semaine, dix jours, dans un mois au cours d'une année pour pouvoir discuter de nos œuvres échanger nos expériences et apprendre des nouvelles connaissances.

Nous avons un projet dans ce sens là sur lequel on va travailler tout au long de l'année. On va soumettre aux autorités concernées et voir s'ils vont réagir. Si ce n'est pas le cas, de toutes les façons nous mènerons notre combat.
Et notre combat, sur cinq ans, c'est de créer une industrie du cinéma en Guinée pour qu'au niveau africain et international, on parle pour un premier temps de festival, de rencontre ou de meeting sur le cinéma guinéen à Conakry et à l'intérieur du pays.

Sagnane Fatoumata (Guinée Conakry)

Films liés
Artistes liés
Structures liées