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Chahine n'est plus, il est mort le moineau
critique
rédigé par Baba Diop
publié le 05/08/2008
Youssef CHAHINE (1926-2008)
Youssef CHAHINE (1926-2008)
2007 : 47 ans après (Chacun son cinéma)
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1958 : Gare centrale | باب الحديد
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2007 : 47 ans après (Chacun son cinéma)
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1986 : Le Sixième Jour
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1978 : Alexandrie, pourquoi ?
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1958 : Gare centrale | باب الحديد
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1997 : Le Destin | Al Massir | المصير
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1998 : L'Autre - Al Akhar
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2001 : Silence on tourne
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2003 : Alexandrie… New York (Iskendereya...NewYork)
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2007 : Le Chaos | Heya Fawda | إ هي فوض
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Baba DIOP
Baba DIOP

La filmographie de Youssef Chahine est plus que prodigieuse : 36 longs métrages et 5 courts métrages, 5 films en compétition à Cannes. Première participation à la sélection officielle en 1951 avec Ibn Al Nil (Le fils du Nil) alors qu'il n'avait que 24 ans. Voilà ce qui place d'emblée Youssef Chahine, l'Égyptien, parmi les grands maîtres du cinéma mondial. Il vient de mourir à l'âge de 82 ans, le dimanche 27 juillet 2008.

Mon rêve avait été de faire se rencontrer en terre sénégalaise, Ousmane Sembène et Youssef Chahine deux grands maîtres dans leur style. J'avais formulé ce vœu à Chahine lors du cinquantième anniversaire du festival de Cannes en 1997 où il était venu présenter Le Destin, film consacré à la vie du philosophe Averroès qui influença l'âge des Lumières en Occident. Chahine avait obtenu une palme spéciale pour l'ensemble de son oeuvre. Pour toute réponse, Il m'avait simplement dit avec amabilité "Pourquoi pas ?". Cette rencontre n'aura jamais lieu. Youssef Chahine, comme Sembène, a traversé le grand fleuve de sa vie pour un autre ailleurs.

Ainsi, le cinéma africain laisse peu à peu filer les hommes de la première génération. Le cinéaste sud-africain, Lionel Ngankané, est parti, Sembène aussi, Paulin Soumanou Vieyra également, aujourd'hui Chahine. Le premier rang se dépeuple et il ne reste plus que Tahar Chériaa le Tunisien, Timité Bassori, l'Ivoirien et quelques autres compagnons comme Philippe Mory, le Gabonais.

Dans le numéro spécial que la revue tunisienne Cinécrits avait consacré, en 2004, à Chahine venu présenter aux Journées Cinématographiques de Carthage Alexandrie …New York, le critique Tahar Chikhaoui reconnaissait que "Rarement cinéaste au monde, et encore moins dans le monde arabe, n'a porté aussi loin le cinéma comme un art de l'image en mouvement. Le montage est, on le sait, idéologique et/ou lyrique. Chez Chahine, il est la forme de l'expression du mouvement".

Le style de Youssef Chahine est extraordinaire en ce qu'il mélange plusieurs genres dans le même film. Il fait dans l'alliage des genres en ce qu'il mélange comédie musicale, drame et fait alterner plans fixes, champ contre champ et le sublime plan-séquence. A propos de son cinéma, Chahine disait : "Déjà on dit que mes films sont trop difficiles, alors que tout ce qu'on demande au spectateur, c'est un peu d'attention, de concentration… Mais si tu viens chez moi (ndlr : voir mes films), dis-toi que j'essaie de respecter ta tête. Écoute bien et tu ne quitteras pas le cinéma sans rien."

Alors, le cinéma comme école du soir où lieu d'acquisition de savoir ? Voilà un premier rapprochement qui me poussait à nourrir le dessein de réunir dans un même espace Chahine et Sembéne pour le plus grand bonheur des cinéastes sénégalais.

Chahine est né à Alexandrie en 1926 d'un père libanais et d'une mère égyptienne. Il fut très marqué par son enfance dans cette ville où il a appris à parler cinq langues. Formé aux États Unis où il a appris le cinéma, dès ses débuts dans les années 50, il prit l'option d'un cinéma personnel alors que dans son propre pays sévissait la toute puissance des films populaires où la danse et la musique constituaient les ingrédients majeurs. Ce fut une révolution qui se caractérise par l'introduction de récits parallèles, d'une nouvelle façon d'aborder le cadrage et ouvert la voie à un cinéma autobiographique à une génération de réalisateurs arabes. Youssef Chahine insistait sur le fait que son point de référence dans ses films, c'est la séquence finale. Il disait : "Je reviens en arrière, je me dis : est ce que cette séquence a un sens par rapport à tout le récit ? Oui ou non. Sinon, je la jette. C'est un travail de construction."

Chahine n'aimait pas employer le mot militant. Ses films confirmaient une liberté d'expression. "Je dois dire ce que je pense, dénoncer les mensonges." affirmait-il. Dans son film Le destin, il déclarait la guerre à l'intolérance. Son coproducteur Humbert Balsan décédé en 2005 soutenait dans Le film français (Cannes 1997) que "Chahine a le goût de l'indépendance, de la liberté, une capacité d'exprimer son point de vue dans un environnement très contraignant au niveau du discours politique, social et religieux."

Chahine a souvent subi les foudres d'islamistes intolérants. Les menaces qu'il a apprises à dompter : "Quand j'ai été menacé, on a voulu m'imposer des gardes du corps. J'ai refusé… et au lieu de m'enfermer, je suis descendu dans la rue. Là, j'étais en sécurité. Car l'homme de la rue m'a toujours mieux compris que tous les pouvoirs. Pour moi, l'Autre ne constitue pas une menace, c'est une occasion d'aimer davantage". Après avoir été cinéaste maudit et traîné dans la boue, en 1996, le festival du Caire lui avait décerné le titre de metteur en scène historique du monde arabe.

Chahine était l'année dernière au festival de Venise où il montrait son dernier film Le chaos (Heya Fawda) coréalisé avec son jeune compatriote Khaled Youssef. Interné au mois de juin à l'hôpital américain de Neuilly où il avait été transféré d'urgence dans le coma, victime d'une hémorragie cérébrale, Youssef Chahine avait été de nouveau transféré dans son pays pour y mourir.

Baba Diop

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