AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 364 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Petite réflexion autour du colloque international de l'art contemporain et les nouveaux médias
Casablanca (Maroc), du 21 au 26 avril 2008.
critique
rédigé par Bouchta Farqzaid
publié le 11/08/2008

I. En guise d'introduction

Pour les organisateurs du Festival international des arts visuels et les nouveaux médias (FAN), la notion de "contemporain" "s'applique à un art qui prétend toujours renouveler les formes traditionnelles de la création" (1). Lors d'un colloque, auquel ont participé des artistes des critiques, des universitaires et des cinéphiles, moult axes ont été abordés. Cette rencontre était une occasion idoine pour réagir à des thèses négativistes, telle que la "nullité de l'art" avancée par Jean BAUDRILLARD (2), entre autres.
En effet, beaucoup de critiques pensent que la vidéosphère, comme l'appelle Régis DEBRAY (3), est une ère paradoxale, en ce qu'elle contient en elle-même la mort de l'art. Ainsi, fin de l'homme, fin de l'Histoire et fin de l'art semblent être des questions inhérentes à notre contemporanéité.

II. L'art contemporain

Art actuel, art technologique, art en mouvement sont autant de nominations pour le même produit. Pour reciter Jean BAUDRILLARD, il faut rappeler que pour lui, l'art est tombé en crise du moment qu'il s'est trouvé incapable de suivre le processus d'innovation accomplie au sein de la télévision. Cette innovation se traduit, à dire vrai, dans trois aspects, à savoir : l'instantanéité, la simultanéité et la multiplicité. Aussi, la fin de l'art est due au fait que ce dernier "a épuisé, semble-t-il, tous les thèmes. C'est pourquoi, il est souhaitable que cet art s'oriente dans le sens de "l'interaction"" (4). Artistique, ce mode d'expression doit être cela même où toutes les frontières deviennent poreuses en vue de pallier à ce "déficit du sens".

a) Image et temps

Pour Edmond Couchot (5), l'apport de l'art réside en ceci qu'il permet de mettre en scène deux temporalités fort différentes, celle de l'imageur et celle du regardeur. Celles-ci sont différées dans la photographie et le cinéma, mais simultanées à la télévision. A cet égard, il serait bon de rappeler que Roland BARTHES parle, à propos de la photographie, d'une troisième temporalité qu'il qualifie d'historique. Loin de signifier le temps, cette photographie le devient. Dans La chambre claire (6), ce phénoménologue désinvolte, cite notamment une photo d'August SALZMAN, dans laquelle celui-ci donne à voir le chemin de Beit-Lahem : un sol pierreux et des oliviers. La conscience du récepteur se trouve troublée par la superposition du temps de l'operator (imageur), du temps du spectator (regardeur) et celui de Jésus CHRIST.
Partant, la crise de l'art est due probablement moins au "manque de valeur esthétique" qu'à une exclusion de ce qui fait l'essentiel de toute forme d'expression, c'est-à-dire l'Histoire ou encore l'Homme.
Par ailleurs, l'art vidéo est une forme artistique qui s'inscrit dans une ère de foisonnement numérique, qui lui permet de mettre en exergue une nouvelle expérience par rapport et au temps et à l'espace. En mettant en scène un "temps en puissance", la vidéo devient, par là même, l'art de la non-linéarité et des bifurcations par excellence.

b) Image et mouvement

Il est vrai que la photographie, la télévision, le cinéma et la vidéo n'ont pas le même statut, dans la mesure où ces expressions artistiques offrent un traitement particulier du réel. Analogique ou virtuelle, l'image note soit une immobilité des êtres (dessin, peinture, photo) soit un mouvement (dessin animé, cinéma, vidéo).
Mais, à voir de très près, on constate que le mouvement, dans cet art cinétique, n'est qu'une illusion d'optique, moirages ou autres. C'est pour cela que Roland BARTHES insiste sur une nouvelle phénoménologie de l'image cinématographique, à laquelle Gilles DELEUZE a consacré un essai époustouflant (7) où il somme le spectateur à s'investir dans le temps filmique à travers l'excitation de ses fonctions sensori-motrices.

III. Pour conclure

Par rapport aux autres formes d'expression, il y a lieu de reconnaître que l'art vidéo, en puisant dans des nouvelles technologies, reste un outil qui participe à la transformation du champ visuel, tant au niveau de ce qui est perçu qu' au niveau du mode de la perception. Par conséquent, il doit être doté d'une stratégie fort adéquate pour "responsabiliser" et l'artiste et le récepteur, d'autant plus qu'il constitue aujourd'hui une prise en charge de l'imaginaire et des affects, et qu'il est à la portée de tout le monde.
En somme, qu'est-ce que la création, dans un temps où il est trop difficile de faire le partage entre ce qui est "art" et ce qui ne l'est pas ?

"Choquer", "provoquer" et "innover", oui. Mais, comment et à quel prix ?

Bouchta FARQZAID