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Africa In the picture, Pays-Bas (03-10 septembre 2008)
Clôture en couleur de deuil
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 12/09/2008
Hassouna MANSOURI
Hassouna MANSOURI
Africa in the picture 2008
Africa in the picture 2008

"Même si on devait mendier, emprunter ou voler", c'est avec ce slogan que s'ouvrait le 3 de ce mois "Africa in the Picture", un festival dédié aux cinémas africains et de la diaspora au Pays-Bas. Cette 11ème session serait peut-être la dernière. La commission consultative a donné un avis défavorable quant à la subvention qui faisait vivre cette manifestation. En attendant la décision finale du gouvernement hollandais, le festival s'est déroulé dans un sentiment général imprégné d'une question : espérons ! espérons pas ! Organisateurs et festivaliers partaient donc mercredi dernier après la clôture avec l'idée que peut-être il n'y aura plus jamais de 12ème édition.

Pourtant ce festival, passe une des manifestations qui représentait le mieux le multiculturalisme dont le pays fait l'un des principes fondamentaux de la vie dans une société multicolore. De par sa vocation, au-delà de la référence au continent africain, le festival brasse très large. Son programme fait place certes à des films et invités venant du continent noir et le Maghreb y prend une place de choix, mais surtout la majeure partie est réservée à la diaspora africaine. Celle-ci vient essentiellement des îles qui apportent des couleurs, des senteurs et des rythmes de Haîti à Saint-Martin. Il y a donc les Africains et ceux qui ont l'Afrique dans les gènes. Ceux-ci sont partout en Amérique latine, aux États Unis, en Europe etc.
Les films viennent donc d`origines tellement diverses que l'on ne manque de se demander si le festival ne souffrirait pas d'un problème d'identité et donc de conception. Bien sûr l'Afrique. Le festival présente une sélection de films de plusieurs pays comme le Sénégal, la Guinée, le Congo ou l'Angola. Il peut aussi décider de consacrer un hommage à tel ou tel pays comme l'Éthiopie ou le Nigéria. Il peut mettre en valeur l'identité culturelle du Maghreb. Mais la grande partie de son programme est réservée à la production des îles de l'Atlantique et plus encore aux films de la diaspora américaine, celle des Afro-américains des États Unis.

Mais qu'un festival en fasse l'essentiel de son programme, qui est supposé être africain, cela dépasse la problématique intellectuelle pour devenir un choix de stratégie, ou peut-être de mauvaise stratégie. Dans tous les festivals du monde, le cinéma américain menace de faire de l'ombre aux autres cinématographies du reste de l'univers. Celui d'un petit festival dédié à l'Afrique semble ne pas échapper à cette main mise de la culture américaine, combien même elle serait indépendante de Hollywood, ce qui n'est pas toujours le cas.

Cet aspect est très délicat à démêler. Au risque de paraître justifier la décision politique, il semblerait que ce festival a vraiment un problème de conception si l'on considérait l'esprit de la sélection qui traîne forcément une certaine vision du cinéma. L'on comprendrait plus volontiers qu'un tel festival fasse de la place aux cinémas des îles. Le FESPACO le fait et réussit à garder une harmonie identitaire. L'intégration du cinéma de l'émigration va encore sans discussion. Mais c'est la programmation du cinéma noir américain qui semble problématique. Qu'est-ce qui unirait les jeunes cinéastes de Brooklyn et de la banlieue de Los Angeles aux vidéastes du Nigéria, ou les jeunes du Media centre de Dakar ? En quoi, Spike lee, Morgan Freeman, Eddie Murphy, ou Denzel Washington, pour prendre des cas extrêmes, sont-ils Africains ? Et pourquoi on ne voit pas un Francis Ford Coppola ou un Paul Verhoven dans un festival de films européens ? Ce sont là des questions qui ne peuvent être tranchées en quelques mots, des livres ne pourraient en faire le tour.

Hassouna Mansouri

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