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Les coopérants, de Arthur Si Bita
Si Bita épinglait déjà les fonctionnaires corrompus
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 17/10/2008
Jean-Marie Mollo-Olinga
Jean-Marie Mollo-Olinga
Les coopérants
Les coopérants
Gérard Essomba © Jean-Marie Faucillon (Festival d'Amiens 2007)
Gérard Essomba © Jean-Marie Faucillon (Festival d'Amiens 2007)
Sango Malo, de Bassek Ba Kobhio, 1991
Sango Malo, de Bassek Ba Kobhio, 1991

Sur 10 numéros du quotidien Le jour, nous proposons une série relative aux 10 films camerounais à succès. Il y est question d'anecdotes et de petites histoires ayant émaillé leur tournage. Vous allez certainement vous interroger sur les critères retenus pour sélectionner ces 10 films. De but en blanc, nous vous répondrons qu'ils sont subjectifs. Néanmoins, qu'il vous plaise de savoir que certains journalistes basent leur système d'évaluation sur le total des entrées, d'autres sur le nombre de prix remportés, et les derniers sur la qualité intrinsèque des œuvres produites. Nous avons tenté le pari de prendre en compte tous ces critères. Et si nous ouvrons notre série par Muna Moto de Jean-Pierre Dikongué Pipa, ce n'est guère parce qu'il est le meilleur d'entre eux ; c'est tout simplement parce qu'il faut bien commencer quelque part, bien que ce film fasse partie, aujourd'hui, des œuvres majeures de la cinématographie africaine ; un classique en somme..
J-M.MO.

En 1983, son film Les coopérants qui a coûté 155 millions, est le plus cher de l'époque au Cameroun. Pourtant, son réalisateur a failli lui préférer un autre.

Arthur Si Bita disposait de deux scénarios. Le premier, prêt, La 40ème épouse, était une adaptation du Mvet Oyeng d'un certain Ossomo, écrite par Eno Belinga. Le deuxième, dit-il, "était un questionnement sur comment faire pour écrire un film sur une idée politique dont le mot d'ordre était "Révolution verte". Pour que je sois financé par l'Etat, révèle-t-il, il fallait coller le sujet à la réalité politique. C'est ainsi que je me décide à écrire un scénario sur la révolution verte. Pour magnifier le paysan et l'arrière-pays". Naît alors, en 1983, Les Coopérants, son premier long métrage, une fable moderne sur sept étudiants ayant accepté d'abandonner leur confort citadin pendant les vacances. Ils s'intègrent à la communauté d'un petit village de forêt. À travers des histoires d'amour, des chansons et même une enquête judiciaire, ils dénoncent les agissements de Nti, un haut fonctionnaire à la retraite. Arthur Si Bita recevra, pour ce film, 135 millions de l'Etat camerounais à travers le Fodic, et 20 millions de la coopération française.

Le film rassemble les bonnes idées politiques de l'époque, et qui, du reste, demeurent d'actualité : lutte contre le tribalisme ; promotion du service civique national de participation au développement et du développement auto-centré, etc. Pour les porter, Arthur Si Bita fait jouer des artistes mûrs, histoire d'exalter la grandeur du Cameroun. Des têtes d'affiche du sport (Manga Onguéné), de la chanson (Marthe Zambo, Archangelo de Moneco et Marie Archangelo, Tokoto Ashanti, Anne-Marie Nzié, Georges Anderson), et du théâtre (David Endéné, Tadié Tuéné, Daniel Ndo, Essindi Mindja, Stanislas Awana) sont convoquées. Ils aident, par la suite, à faire vendre le film. Un film qui sera victime de Dame Anastasie.

Le financement des Coopérants sera conditionné par la suppression du personnage de "Nti", un fonctionnaire corrompu. "Il ne fallait surtout pas dire que c'est un ancien fonctionnaire. J'avais donc dû remplacer "fonctionnaire" par "ancien combattant". Mais, une fois mon financement obtenu, j'avais remis "fonctionnaire". Cependant, à Ebolowa, dans la villa du colonel Guillaume Mbomback où nous tournions, avec l'autorisation officielle du ministère des Forces armées, la séquence de l'arrestation de Nti, où intervenait un nordiste, un gendarme en mission est venu s'enquérir de ce que je faisais avec des armes pourtant chargées de balles blanches, une Jeep, bref, tout l'arsenal militaire qui m'avait été prêté. De plus, il m'a posé la question de savoir si je n'allais pas au devant des problèmes, parce que je montrais une image négative des fonctionnaires, en faisant arrêter Nti qui avait détourné de l'argent. Je lui ai répondu que je faisais un film qui colle à la réalité. Aux autres de réagir comme ils veulent, parce que si on l'arrête, c'est que la morale est sauve, les institutions de la République aussi. De toutes les façons, quand je monte le film à Paris, le 6 novembre arrive, et il sera vu sous un jour nouveau", raconte Si Bita.

Jean-Marie Mollo Olinga

Article paru dans le quotidien Le jour (www.lejourquotidien.net)

Prochain article : Sango Malo de Basseck Ba Khobio

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