Avec Marc Cortes, Raymond Adam, Tony Fourmann, Medhi Laribi, Simon Abkarian
Alors qu'il est projeté dans 45 salles de l'Hexagone, Khamsa, le nouveau film de Karim Dridi continue sa pérégrination internationale. Il fait halte cette fois-ci en Asie mineure, la Turquie pour être plus précis. Dans le cadre de la compétition officielle du quatrième Festival Euro-Asiatique qui se tient à Antalya, le Franco-Tunisien porte les espoirs de la France.
C'est effectivement de la France et de société multiculturelle, hétérogène et multicolore que le film cherche à parler tout en essayant d'échapper aux clichés et aux stéréotypes. Plusieurs cinéastes français s'étaient déjà attaqués à ce sujet. Ils ont comme point commun une origine elle-même mixte. C'est pourquoi ils mettent en scène des histoires qui leur ressemblent. Nous citerons bien volontiers Le thé au harem d'Archimède (1985) de Mehdi Charef, Gadjo Dilo (1998) et Exils (2004) de Tony Gatlif, ou enfin par Abdellatif Kéchiche : L'esquive (2004) et son tout récent grand succès de ce groupe La graine et le mulet (2007). Chacun s'est intéressé à son groupe ethnique pour jeter un regard sur cette France plurielle à laquelle ils appartiennent.
Bye bye (1995) également de Karim Dridi s'inscrivait dans cette veine-là. Mais il en va tout autrement de Khamsa. Le cinéaste se dit lui-même avoir mûri. Et cette maturité se traduit par cet élan par lequel il se dégage du ghetto de la minorité qui peine à avoir sa place dans la société. La stratégie qu'il aura choisie est de décloisonner les stéréotypes et les concepts. D'où le choix d'aller contre les frontières sociales et ethniques.
Marco, personnage principal de Khamsa est en effet, l'image même de ce réalisateur qui décide se placer sur les limites entre deux milieux : le centre, celui de la société bien pensante, et la marge qui couvre tous ses petits groupuscules de Gitans, d'Arabes, de Noirs Africains, de Chinois etc… Plus encore pour coller à la réalité et la disséquer, Karim Dridi donne à son personnage le même destin que celui de son film ; lui aussi est un être limite. Avec le pendentif en main de Fatma (la "khamsa") et l'air gitan qu'il fredonne, Marco brandit sa bâtardise existentielle étant fils d'un Manouche et d'une Algérienne.
Il est condamné à la perte parce qu'il n'a pas de place circonscrite. Sa belle-mère ne veut pas de lui parce qu'il avait essayé de la brûler. Sa tante le chasse de la maison après la mort de sa grand-mère. Son père, bien que généreux, n'arrive pas à l'accrocher à lui. Il est même tiraillé entre ses amis. Tony a beau le séduire par les combats de coqs afin de l'éloigner des petits voleurs mais il n'y parvient pas. Coyote, lui, le traîne dans ses petits larcins mais devient fou de jalousie dès qu'il sent que celui-ci s'approche trop de Rachi le Maghrébin. Il est l'être qui fait éclater les frontières et il en paie le prix. Il sera condamné à la solitude.
Loin d'être affirmatif et tomber dans le dogmatisme ou les idées toute faites, le film colle à la réalité tout en en donnant une image fraîche et authentique. Les acteurs ne sont pas professionnels, les décors sont naturels et la langue parlée est celle de ces gens laissés pour compte. Le film respire l'authenticité de ce(s) jargon(s) marseillais de sorte que le spectateur est jeté dans ce milieu sans aucune protection. De ce fait il en extrêmement proche. Et c'est là le nœud du style de Karim Dridi : un réalisme qui n'empêche pas du tout la poésie, plus même il l'autorise.
Hassouna Mansouri