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Pièces d'identité, de Dieudonné NGANGURA Mweze
À la recherche des identités perdues
critique
rédigé par Simon Mbaki Mazakala
publié le 04/11/2008
Simon MBAKI MAZAKALA
Simon MBAKI MAZAKALA

Fiction/ 1991 /93 minutes

L'organisation internationale de la Francophonie (OIF) vient de mettre à la disposition des CLAC (Centres de lecture et d'animation culturelles) d'Afrique des DVD des films africains afin de permettre leur visibilité auprès du public. Le centre Wallonie-Bruxelles de Kinshasa a profité de cette occasion pour donner la possibilité aux structures de base de diffuser ses films. Quant au centre culturel français de Kinshasa, la Halle de la Gombe, il a organisé dernièrement un cycle Ngangura au cours duquel Pièces d'identité a été projeté au public kinois en présence du réalisateur.

Gérard ESSOMBA, l'acteur principal du film Pièces d'identité de Ngangura Mweze, arborait, en sa qualité de ROI Mani Kongo, une toque et des colliers de perles merveilleusement agencées et stylisées ainsi qu'une canne sculptée harmonieusement. Après avoir cédé ses attributs royaux à des tierces personnes pour surmonter une situation financière difficile, il s'écrie : "ce sont là mes pièces d'identités". Qu'on ne s'y trompe pas. Il n'était pas inquiété par ses papiers qui étaient en ordre. Mais ses effets artistiques faisaient fonction de identité culturelle.
Dans la fiction de Ngangura, une multitude d'identités semblent être perdues. Elles sont recherchées par des personnages qui bravent les temps, les époques et les lieux divers.

Une passe tragique :
Par son souci de quitter le Congo-Zaïre, ancienne colonie belge, pour se rendre en Belgique, ancienne puissance coloniale, à la recherche physique de sa fille MWANA, envoyée là-bas pour étudier et qui ne donne plus signe de vie pendant 20 ans. Comment est-ce que lui Mani-Kongo, Roi des Bantandus dont "le clan n'a jamais fait du mal à personne" peut-il être finalement confronté à des turpitudes ignobles ? Même les prêtres catholiques ne s'émeuvent en rien de son calvaire.

Une passe historique :
Jouant sur un rappel de l'histoire de la colonie avec un fond d'archives filmées, le réalisateur force Mani Kongo à se souvenir des moments d'alliance belgo-congolaise.
Pourtant à l'époque coloniale, l'inauguration de la statue du Roi Léopold II à Léopoldville actuelle Kinshasa, était célébrée avec enthousiasme par des Belges et des Congolais. Ceux-ci, "les évolués", ont même visité la Belgique sur invitation officielle pour l'exposition universelle de 1958. C'était des moments de liesse populaire, de joie et de communion entre les peuples.

Cette alliance connaîtra une rupture. Les images sur cette rupture historique sont insérées lors du jour de l'indépendance du Congo-Belge le 30 juin 1960, lorsque un écervelé s'est emparé du sabre du Roi Baudoin Ier, Roi des belges. Celui-ci, ébahi, assistait impuissant aux efforts des militaires et de la garde républicaine qui tentaient de le récupérer.

Y a-t-il une similitude entre ces pièces d'identités représentées par la toque royale congolaise et le sabre royal belge ? On peut en convenir par cet insert qui montre la cérémonie d'intronisation du Roi Mani Kongo où Ngangura en personne joue un rôle de censeur en faisant penser aux images d'archives.

Une passe comique :
"C'est quoi un Mani Kongo ….. un Sorcier ?" Cette interpellation fait entrer en lice dans un casting approprié des "coloniaux belges" dont les souvenirs identitaires de leur passage au Congo se noient dans la bière. Heureusement pour Mani Kongo qui est introduit dans ce foyer par le chauffeur de taxi mulâtre. Le roi Mani Kongo y retrouve une âme de grand père envers un jeune blanc. Le chauffeur de taxi ne cesse de regretter le fait de ne pas connaître son lieu de naissance quitté précipitamment par son père en y abandonnant sa mère noire.
Raison pour laquelle les Congolais de Belgique ont investi le quartier d'Ixelles appelé communément Matongé où les descentes de police sont fréquentes et les bagarres régulières.

Finalité de compréhension :

Le film de Ngangura est une source d'observations judicieuses et lyriques des relations entre Congolais et Belges vivants en Belgique. Les uns ont envahit la terre de leurs "oncles" (noko) pour diverses raisons de survie. Les autres regrettent toujours leurs temps glorieux des "mundele".

Dans cette évocation des liens tissés antérieurement en terre congolaise, on peut paraphraser le commissaire de police, le dernier administrateur de territoire qui dit : "on est fait pour se rencontrer".
L'apport des images d'archives révèlent les rêves intemporelles de Mani Kongo dans l'accomplissement d'une œuvre civilisatrice commune des deux peuples. N'en déplaise au personnage de "viva wa viva", le sapeur "sauveur de l'humanité" qui n'est autre que le petit comparse vivant des larcins. Ni du père Mosantu et de la Mère supérieure qui tout en reconnaissant la valeur de la chefferie coutumière en RD Congo, tournent Mani Kongo en ridicule.

Toutes les étapes du film Pièces d'identité concourent à la compréhension de ces recherches d'identités opérées par les personnages incarnant à merveille les rôles typiques dont la réalité pourrait faire fonction.

Mbaki Mazakala Simon

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