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Banc Jaaxle, de Massamba Ndiaye
L'Eldorado, si loin si proche
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 04/11/2008
Fatou Kiné Sène
Fatou Kiné Sène

Quatre jeunes sénégalais expriment leur désir de partir en Europe. Cette envie nourrit le court métrage du réalisateur sénégalais Massamba Ndiaye, qui a remporté le premier prix "fiction" au Clap ivoire d'Abidjan le 6 septembre dernier.

Le drame du jeune sénégalais Bouna Wade et de deux Guinéens morts dans le train d'atterrissage d'un avion inspire le réalisateur Massamba Ndiaye. En 2002, il décide alors de produire un court métrage fiction sur l'émigration. En huit minutes, le film Banc jaaxlé, qui a remporté le 6 septembre dernier, le premier prix "fiction" au Festival-concours Clap Ivoire d'Abidjan, montre à quel point les jeunes sont hantés par le désir de partir.

Faisant face à la piste d'atterrissage de l'aéroport Léopold Sédar Senghor, quatre jeunes hommes, âgés entre 20 et 35 ans, assis sur un banc regardent défiler les avions. Le regard perdu vers cet horizon, le premier jeune homme sur les lieux, habillé en tee-shirt de couleur rouge et pantalon jean fume sa cigarette. Sa vision déprimée trahit le désespoir qui l'anime. Un plan serré sur son visage fait découvrir des yeux affamés. Le réalisateur ralentit l'image pour mieux décrire la souffrance physique du jeune anonyme. Un autre le rejoint sur le banc. À la différence du premier, il renvoie l'image d'un intellectuel chômeur. Lecteur du journal Le Soleil, il informe son compagnon de l'article sur le "Syndrome Bouna Wade" relaté dans la presse. Deux autres jeunes complètent le quatuor du Banc jaaxlé ("banc du désespoir", en wolof). L'un est guitariste, l'autre, muni de sa radio, est rappeur. La venue de ce dernier sonne comme un déclic dans le film. Les acteurs sourient pour la première fois. Ils étaient crispés et sans dialogue, rendant le film muet depuis le commencement. Car, ils s'exprimaient par le regard et les gestes. Ils éclatent de joie à l'annonce par la "radio de l'espoir", du souhait par la France d'accueillir de jeunes émigrés africains. Mais vite l'atmosphère triste du début reprend le dessus, après l'énumération des conditions d'entrée en France. L'émigré doit avoir une carte professionnelle, un compte bancaire, une prise en charge, etc.

Ce film réalisé en 2002 tirait déjà la sonnette d'alarme sur ce qui, quatre ans après, sera le drame des jeunes Africains. La vague des pirogues de fortune qui ne cessent de déverser leurs lots de malheurs sur les côtes espagnoles. Le désarroi des familles qui attendent le signe de vie d'un fils embarqué dans les pirogues, bravant l'Atlantique. Cette envie grandissante des jeunes s'est traduite par la forte émigration clandestine. Plus qu'un constat fait par le réalisateur sur l'émigration, le court métrage va plus loin et explore le mirage de l'Europe qui habite les fils de l'Afrique. L'émigration ne concerne plus seulement les gens sans qualification, ni sans formation. Les intellectuels et les artistes expriment leur envie de partir vers l'Eldorado. Mais en suivant de prêt le film, l'on a l'impression que le réalisateur réconforte les jeunes dans leur option de partir. Les images mettent plus l'accent sur la vie de misère de ces derniers. Ils sont laissés à eux-mêmes. Le message est véhiculé par l'expression corporelle des acteurs. Car, Banc Jaaxlé est un film muet. Un court métrage qui rappelle les débuts du cinéma.

Fatou K. SENE

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