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Les Saignantes, de Jean-Pierre Bekolo Obama
Cameroun, où penses-tu ton avenir ?
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 07/11/2008
Jean-Marie Mollo Olinga
Jean-Marie Mollo Olinga
Jean-Pierre BEKOLO OBAMA
Jean-Pierre BEKOLO OBAMA
Jean-Pierre BEKOLO OBAMA
Jean-Pierre BEKOLO OBAMA

Après Dikongué Pipa, Les saignantes de Jean-Pierre Bekolo est le deuxième film à avoir été primé, à un niveau élevé, au Fespaco.

C'était en mars 2007, à Ouagadougou, où il remportait, avec Les Saignantes, l'Étalon d'argent de Yennenga. Ses films se caractérisent par une écriture scénaristique singulière. Le cinéaste camerounais prend plaisir à juxtaposer des histoires dans ses oeuvres, quand il ne les superpose pas. Avec Les Saignantes, Jean-Pierre Bekolo s'inscrit dans un genre nouveau non seulement pour lui-même, mais aussi pour le cinéma camerounais. Projeté en avant-première continentale dans le cadre du Festival international du film de quartier de Dakar, dont il clôturait la 7ème édition, le 20 décembre 2005, Les Saignantes a été dédié par Jean-Pierre Bekolo à Djibril Diop Mambety, le précurseur d'une certaine recherche esthétique du cinéma africain. Et comme pour se situer dans la même veine, il se projette dans l'avenir, et réalise un film sinon futuriste, du moins d'anticipation, autant sur la forme que dans le fond.

Dans un pays où tout le monde est "en train de perdre la tête", dans un pays sans avenir, comment est-il possible de faire un film d'anticipation ? Dans un pays où on ne peut pas enquêter, comment faire un film policier ? Ces questionnements, symptomatiques de la quadrature du cercle, ne constituent-ils pas une dénonciation implicite du décalage entre les prétendues "grandes ambitions" des gouvernants, et le vécu quotidien de pays aux fondations érigées sur du mou ? Comment alors s'en sortir, sinon en réalisant un pont entre soi et soi-même, en utilisant toutes les armes en sa possession, conditions, entre autres, pour exister ? Les Saignantes, pour une question de fierté nationale mal placée (on y aperçoit un drapeau du Cameroun, on y reconnaît certains endroits), a failli être censuré par les autorités du ministère camerounais de la Culture. Ils reprochaient au film d'être "pornographique" et de s'opposer au régime en place. Fort heureusement, le ministre de l'époque, Ferdinand Léopold Oyono, en avait décidé autrement, après moult tractations. Et ce ne fut d'ailleurs pas la seule opposition à ce film !

La première était venue des cinéastes mêmes. Jean-Pierre Bekolo Obama, répondant à une de nos questions, disait : "Le prix que ce film a remporté à Ouagadougou a posé comme une espèce de standard. Les collègues qui l'ont combattu ont été les mêmes qui ont été obligés de l'intégrer parmi les films de référence. Il a ouvert quelque chose, c'est-à-dire qu'après la résistance, il a été accepté. C'était la première victoire pour moi".

Et s'expliquant sur sa cinématographie, il révèlera : "Avec Les Saignantes, j'explore l'idée d'un cinéma d'anticipation et de projection. Ce qu'on pourrait appeler en anglais "cautionnary cinema", un cinéma qui veut tirer la sonnette d'alarme. Et sa forme se veut un contact avec une certaine jeunesse africaine qui rejette sa propre image, son propre cinéma, à raison. Ce film se veut aussi "empowering", c'est-à-dire qu'il doit renforcer l'estime de soi, malgré la situation glauque qu'il décrit. Chaque fois qu'on parle de l'Afrique, on en parle au passé et au présent. Jamais de l'avenir. Pourtant, cet avenir sera là, surtout pour les jeunes. Et ce qu'on en fera sera ce qu'on aura pensé aujourd'hui. Connaissez-vous l'adresse de ce bureau où on pense l'avenir dans nos pays ? L'urgence est de le créer. Et ce serait encore mieux si le cinéma pouvait y jouer un rôle important". Au fil de ses films, Bekolo se présente comme un théoricien du cinéma, qu'il a étudié auprès de Christian Metz.

Jean-Marie Mollo Olinga

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