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Entretien avec Baba Hama, Délégué Général du Fespaco, par Gervais Hien
"Les désagréments enregistrés pendant les festivals sont une invite à les réduire."
critique
rédigé par Gervais Hien
publié le 10/11/2008
Gervais Hien
Gervais Hien
Baba Hama
Baba Hama
Baba Hama, le cinéaste sénégalais Mansour Sora Wade et Baba Diop, critique sénégalais (Cannes 2004 : Cocktail CFI) © www.cinemasfrancophones.org
Baba Hama, le cinéaste sénégalais Mansour Sora Wade et Baba Diop, critique sénégalais (Cannes 2004 : Cocktail CFI) © www.cinemasfrancophones.org
Baba Hama, Mansour Sora Wade et le critique sénégalais Baba Diop (Cannes 2004) © www.cinemasfrancophones.org
Baba Hama, Mansour Sora Wade et le critique sénégalais Baba Diop (Cannes 2004) © www.cinemasfrancophones.org

"Onze ans sept mois trois jours !" C'est par cette précision algébrique que l'ancien Délégué Général du Fespaco, M. Baba HAMA himself évalue la durée de son mandat à la tête de la plus prestigieuse institution de promotion du cinéma africain. Après le passage de témoin effectué le 29 février dernier, faisons un travelling sur quelques aspects du chemin parcouru par ce dynamique promoteur du cinéma africain.

Africiné : Arrivé en 1996 comme Secrétaire permanent du FESPACO (SP) vous en repartez 12 ans plus tard, après avoir fait adopter le titre de Délégué général du FESPACO (1) qu'est-ce qui nécessitait un tel changement ?

Baba HAMA (BH) : Le changement de titre est intervenu suite à l'érection du FESPACO en Etablissement public à caractère administratif (EPA) le 6 avril 1999 et le décret adopté à la même date portant approbation des statuts de l'établissement stipule à l'article 29 que le FESPACO est dirigé par un Délégué Général nommé par décret pris en Conseil des Ministres sur proposition du Ministre de tutelle technique et qu'il a rang de Directeur général. La dénomination "Délégué général" avait été proposée et retenue pour se conformer à un usage qui a souvent cours dans d'autres festivals.

Lorsqu'une personne ou du courrier mentionne toujours "le SP" comme c'est souvent le cas, au lieu de DG vous ne faites rien pour corriger ? Y'aurait-il une anecdote sur ce point ?

BH : Vous savez, les habitudes ont souvent la vie dure. L'appellation "Secrétaire Permanent" (SP) date de 1972. De 1972 à 1999 cela faisait 27 ans. On ne peut pas empêcher son utilisation et surtout il n'est pas question de refuser de recevoir du courrier simplement parce qu'i est écrit "SP". Par contre les réponses aux correspondances étaient des occasions d'informer subtilement sur la nouvelle dénomination. Donc, on fait quand même quelque chose pour corriger. Je ne pense pas qu'il fallait prendre un décret pour interdire le "SP".

La formation des jeunes au cinéma vous tient-il tant au point que votre toute première édition (1997) fut placée sous le thème de cinéma, enfance et jeunesse ? Quelle en était la motivation ?

Il faut rendre à César ce qui est à César. Quand j'ai pris fonction au FESPACO le 26 juillet 1996, le thème "Cinéma enfance et jeunesse" avait déjà été retenu. Nous étions à sept mois de l'édition de 1997. Les dossiers de presse et d'information étaient mis à la disposition du public. Dans le jargon administratif, on dira que le thème du FESPACO'97 était un dossier en instance. Cela dit, il était bien à propos et les professionnels du cinéma et de l'audiovisuel africains y ont adhéré compte tenu de l'importance voire de l'influence du cinéma sur la jeunesse. Il était surtout question d'encourager la production de films pour cette jeunesse africaine qui courre le risque d'être acculturée à force de consommer des images venues d'ailleurs.

Douze ans après, qu'avez-vous mis en œuvre pour relever ce défi de formation des jeunes.

Trois actions principalement ont été mises en œuvre pour relever le défi de la formation de la jeunesse. La première, il s'agit de la création du ciné club FESPACO qui a fait tellement d'émules que de nombreux lycées et collèges ont créé leur ciné club à Ouagadougou comme dans plusieurs provinces et se sont regroupés en fédération nationale. La deuxième action c'est la création de l'espace junior dans le programme officiel des éditions du festival. La troisième action enfin, c'est l'opportunité donnée à des jeunes Burkinabès de prendre part chaque année à "la classe cinéma" du festival international du film d'amour de Mons et au "jury jeune Emile Cantillon" du festival international du film francophone de Namur. Ce sont deux festivals partenaires du FESPACO qui se déroulent en Belgique.


Six éditions sous votre administration pour promouvoir le cinéma africain, quels sont les acquis promotionnels essentiels que vous laissez à l'Institution et aux professionnels du cinéma africain ?

Le premier acquis c'est la mise en service et l'animation d'un site Internet. Beaucoup ne le savent pas, mais le FESPACO est l'une des premières structures pour ne pas dire la première à mettre en place un site Internet en février 1997. Nous avons également en collaboration avec la Médiathèque des trois mondes (MTM) lancé le projet CinénetAfriK qui est la version électronique des dictionnaires du cinéma africain édités toujours en partenariat avec la MTM. Autre acquis, c'est le renforcement de la section Tv-vidéo par l'introduction d'une programmation à l'attention du public, ce qui a donné plus de visibilité aux œuvres présentées sur ce support. Cette section tend aujourd'hui à être plus importante que la section films.
Dans le domaine de la promotion on peut citer la mise en ligne systématique du Fespaconews et du Fespaconews letter ce qui a accru l'audience de ces deux publications périodiques du festival. D'autres actions ont pu être menées avec le soutien financier du Royaume du Danemark telles que les tournées de promotion des principaux films primés. L'élargissement du palmarès officiel en 2005 participe également de la volonté d'aider à la promotion des films qui le méritent. L'édition par le ministère français des Affaires Etrangères de coffrets DVD des Etalons de Yennenga est un précieux accompagnement de l'œuvre de promotion du cinéma africain par le FESPACO.

Le FESPACO c'est un ensemble de haut et de bas, y'a-t-il eu parfois des moments de frustrations (difficultés) que vous voudriez partager avec les cinéphiles, les festivaliers et le public en général ?

Des difficultés ou des moments de frustrations, il y en a eu. Pas beaucoup, heureusement. C'est un côté jardin que je préfère garder pour moi. Je dirai simplement que c'est assez édifiant dans la compréhension des hommes et des choses.

Vous n'êtes pas toujours compris des festivaliers et professionnels du cinéma. Tenez ! une fois l'un d'entre eux a réclamé la démission du DG, comment vous aviez réagi ?

J'avais simplement pris acte. C'était un coup de gueule légitime. J'étais aussi peiné que lui du fait qu'il n'ait pas pu prendre son avion. C'était en 2001, quand Air Afrique était rentré dans une zone de turbulence. Pour la petite histoire, l'auteur s'est excusé après. Cet incident est révélateur de l'attachement des professionnels au FESPACO et une invite à minimiser au maximum les désagréments.

Autres exigences provenant surtout des journalistes : les innovations, les montants des budgets. Ils en faisaient trop ?

Un peu trop à mon avis. Non pas parce que ce ne sont pas des questions pertinentes, mais parce qu'on a parfois l'impression que la collecte de l'information chez certains confrères ne va pas souvent plus loin que ces deux aspects et comme c'est des questions attendues, ça fait sourire. Au fond, ils n'ont pas tort. Je suis du corps [de métier] et je comprends. Une information, c'est "quoi de neuf ?" Et, la question d'argent, ça intéresse tout le monde. Mais un journaliste qui suit l'évolution du festival peut à l'examen du programme d'une édition déceler lui-même ce qui constitue une innovation, quitte à en demander les motivations. Cela dit, je pense m'être toujours plié aux exigences des confrères.

Vous avez géré un EPA qui offre à sa clientèle des prestations sur un marché restreint. Comment optimiser des recettes et avec quels moyens le faire ? Y avait-il de quoi avoir des insomnies, non ?

Les recettes propres de cet EPA ont été assurées en effet jusqu'à présent à travers des prestations de services. En améliorant la qualité de ces services et en les diversifiant, on pourrait améliorer ces recettes. La vocation essentielle du festival n'étant pas de faire du commerce, il y avait de quoi avoir des insomnies. Mais il y a des performances autres que financiers pour apprécier le fonctionnement de l'Etablissement.

Au fait cette rengaine qui dit que cette EPA n'est pas rentable ou productive, la partagez-vous ?

Les différentes études sur les retombées économiques du FESPACO sont assez éloquentes. Pendant la période du Festival, le FESPACO, à travers l'exécution de son budget, injecte d'importantes sommes d'argent dans divers secteurs de l'économie nationale. Les secteurs directement concernés sont généralement le Transport, l'hébergement, la restauration et les biens et services. Outre le budget proprement dit de la manifestation, il y a ce que les festivaliers eux-mêmes font comme dépenses. Ces retombées économiques ne vont pas directement dans les caisses de l'État encore moins dans le compte de l'Établissement mais on ne peut pas dire qu'il n'est pas productif dans un sens. S'il s'agit de parvenir à un autofinancement, il faudra alors revoir les missions du festival.

Une fois un célèbre homme des médias burkinabè chahutait en disant que la SNC (2) et le SIAO (3) petite sœur et petit frère du FESPACO ont des sièges alors que les choses continuent de traîner pour l'institution de promotion du cinéma africain; qu'en pensez-vous ?

Les sièges n'offrent que des commodités de travail. Le contenu est plus important que le contenant. La preuve, malgré son nomadisme, le FESPACO s'est affirmé au fil de ses éditions comme la plus grande manifestation cinématographique du continent africain. On n'était pas dans un esprit de concurrence. Petit à petit, la "cité de la lumière" est en passe d'être une réalité avec la cinémathèque, fonctionnelle depuis 1995 ; le bloc administratif, inauguré en 2005 ; et la salle de conférence dont les travaux d'achèvement ont commencé.

Enfin vous quittez le monde de la culture pour celui de la santé ; de par votre profil d'homme de lettres et de la communication, le public voudrait mieux comprendre pourquoi cette nouvelle destinée qui détonne un peu d'avec votre profil ?

Ce n'est sûrement pas à moi qu'il faut poser cette question. Elle me donne cependant l'opportunité d'exprimer ma gratitude aux autorités de ce pays pour la confiance qui m'est faite pour servir la nation à cet autre poste de travail.

propos recueillis par
Gervais HIEN

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