AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 382 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Les jardins de Samira, de Latif Lahlou
Une cinématographie affranchie entre audace et poésie
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 17/11/2008
Meriam Azizi
Meriam Azizi
Latif Lahlou
Latif Lahlou
Sana Mouziane
Sana Mouziane
Mohammed Khouyi
Mohammed Khouyi
Mohammed Khouyi
Mohammed Khouyi
Sana Mouziane
Sana Mouziane
Malek Akhmiss
Malek Akhmiss
Les jardins de Samira (Samira Fi Dayâa), 2007, Latif Lahlou
Les jardins de Samira (Samira Fi Dayâa), 2007, Latif Lahlou

Présenté le 6 novembre au Parlement européen, dans le cadre de la Semaine arabe en présence du réalisateur et de l'acteur principal Mohamed Khouyyi, Les jardins de Samira, 3ème long métrage de Lati Lahlou n'a pas manqué d'impressionner le public, et pour cause. L'acte de se pencher sur un phénomène social tabou où le cinéma est choisi comme langage de mise à nu s'est avéré méritoire. Comme instrument, une caméra déliée de tout préjugé, une caméra à la fois intime et pudique mais ô combien expressive. Dans une société de plus en plus exigeante et humiliante, Samira, une jeune belle femme, se refuge dans le mariage conventionnellement synonyme d'une protection assurée et durable. Dans son empressement et pour satisfaire son entourage, le choix est limité. Seule issue immédiate, un prototype courant : un homme riche et affectueux. Devant l'absence de la deuxième condition, Samira, révoltée ne peut que porter son intérêt sur le jeune Farouk, un proche du mari, désigné pour l'aider dans les taches ménagères.

La fiction évoque un malaise social calfeutré dans le non-dit et le caché. La tache est donc rude. Comment démasquer un mal qui gangrène à force de sévir dans l'ombre ? Toute dans une simplicité majestueuse, l'histoire se tisse à travers une lecture psychologique pointue et éveillée. Rien n'échappe au "monstrateur" si bien que la construction caractérielle et comportementale de chaque personnage est une réussite à l'écran. La modernité de l'approche repose sur la prédilection du suggéré plutôt que sur le dialogue souvent logorrhéique dans la tradition du cinéma arabe. C'est là où le film sort du lot.

Un huis clos

Pour bien cerner les personnages, capter le moindre geste, transmettre les sensations les plus latentes, intérieurs en huis clos et gros plan forment les deux procédés stylistiques de la narration visuelle. Les péripéties centrales prennent place dans un décor qui se résume en une maison dont on devine l'isolement de la ville. Cependant, la caméra ne se prive pas de jeter son regard sur l'extérieur. Un montage parallèle rend compte d'un deuxième lieu, des champs travaillés par des ouvriers sous le commandement du notable en l'occurrence l'époux de Samira. Quelques plans nous font visiter la ville où se rend parfois Samira sous l'œil suspicieux de son mari.

Un film hymne à la femme

Après un long silence observé dans un climat de tension suffocante, Samira lâche finalement le mot se délestant d'un lourd fardeau. C'est la séquence qui marquera le début de la fin. Exaspérée par la froideur de cette personne étrangère censée occuper le rôle de son mari, dans un élan d'audace elle lui lance un matin au petit-déjeuner "tu as vu un médecin ?" C'est le moment où le spectateur accède à leur vie intime. Le mal est détecté, le secret est finalement dévoilé. Tout est confirmé. L'impuissance sexuelle est cette gangrène qui engendre la tension, incite Si Driss à fabuler jusqu'à prétendre à ses amis la grossesse de sa femme. Une femme visiblement non soumise. Cette caractéristique est confirmée par des flash-back où l'on voit Samira dans une scène décontractée avec l'homme qu'elle a aimé. Dans l'univers presque carcéral où elle est maintenue dans le luxe, une tierce personne veille à son confort. Farouk, un jeune homme dans la splendeur de sa vigueur et la maturité virile tient un statut délicat. Il est à la fois opposant et adjuvant du couple. Très vite, un jeu de séduction déclenché par Samira s'installe faisant commettre l'interdit. Un deuxième secret, cette fois féminin, est cultivé. La deuxième péripétie, qui précipite le film vers la fin, correspond à la découverte de l'adultère par le mari. Conséquence narrative : un détournement de situation au détriment de Samira qui jusque-là a su s'épanouir en catimini, est incontournable. La tierce personne autrefois adjuvante est maintenant l'ennemi à éliminer. En image, Si Driss renvoie Farouk chez lui. La scène alterne avec celle où Samira pleure l'homme qui lui a fait découvrir sa féminité.

Meriam Azizi

Films liés
Artistes liés
Structures liées