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Entretien avec Landrine Agbokpazo, comédienne
Landrine Agbokpazo, la force de l'espoir
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 25/11/2008
Hassouna Mansouri
Hassouna Mansouri
Landrine Agbokpazo
Landrine Agbokpazo

Béninoise de naissance et issue d'une famille de comédiens, Landrine est comédienne de profession. Elle s'est mise à la production dans le petit marché d'un Togo qui, comme partout et peut-être plus, vit sous le poids de la télévision. Après ses études d'art dramatiques en France finies, elle fait de petites apparitions comme celle du court métrage d'Emma Krief. Alors qu'elle joue dans la série Les Griots de la passion, elle veut se mettre à la production cinématographique et audiovisuelle. Son parcours est aussi celui de tous ces jeunes africains qui cherchent à percer dans un milieu de plus en plus difficile.

Comment réagis-tu à cet intérêt du pavillon Cinémas du sud aux films de la femme en Afrique à l'occasion du 61ème Festival de Cannes ?

Pendant le Festival de Cannes c'est le seul espace qui s'occupe de nous, qui met nos intérêts en valeur et qui nous permet de nous rencontrer entre nous, C'est l'endroit où nous sommes tous réunis. C'est un endroit aussi où nous pouvons suivre des conférences et diffuser le peu de choses que nous arrivons à produire ou à réaliser dans cet espace de projection.

À ton avis pourquoi cet intérêt spécial à l'égard de la femme professionnelle de cinéma, d'une manière générale pour la femme en Afrique ?

Je crois que cela s'inscrit dans cette volonté de reconnaître les femmes africaines. Contrairement à nos collègues européennes, nous travaillons toujours dans l'ombre. Nous faisons le même travail, nous avons le même parcours, mais nous sommes toujours mises en arrière-plan. Pour une fois, ce pavillon nous met en devant pour dire : "Les voila, elles sont là"

Comment es-tu arrivée au cinéma ? As-tu suivi une formation particulière en cinéma ou, comme c'est souvent le cas en Afrique, de comédienne? Es-tu venue du théâtre avant de passer au cinéma ?
J'ai fait des études cinématographiques en France à l'EICAR. Par chance, j'ai été élue meilleure actrice de mon école aussi. C'est mon école qui, d'ailleurs, m'a fait reconnaître du festival en me permettant d'y venir il y a quelques années. La formation que j'ai eue m'a permis par la suite de mener des expériences de création théâtrale au Togo avec les enfants dans le cadre scolaire.

Pourquoi t'es-tu mise à la production ? Est-ce parce que tu es riche, ou bien parce que tu as tes propres entrées aux sources de financement ?

Mais non ! Je vois qu'aujourd'hui si on veut attendre que quelqu'un nous produise et nous aide à exprimer les idées qu'on a, on ne trouvera pas. Ils ne nous font pas travailler ici en France, nous les étrangers et / ou d'origines africaines. Il n'y en a pas beaucoup de nous sur les productions d'ici. Nous nous sommes retrouvés donc pour nous mettre ensemble afin de produire nos propres œuvres et montrer que nous sommes capables, que nous avons un savoir faire, comme eux. Il est temps qu'on leur montre que nous sommes comme eux. C'est un peu dans cet esprit que je me suis mise à la production. Il y a tant de gens qui ont besoin de s'exprimer parce qu'ils ont appris ce métier, ils ont du talent et des choses à dire, des émotions à partager. Si ces gens-là ne travaillent pas, on ne peut pas savoir qui ils sont. On ne peut pas venir et dire "Je suis actrice". Actrice de quoi ? Comment ? Tu as fait quoi ?

Tu es une productrice militante donc. As-tu un engagement pour la cause féminine ou pour celle du cinéma africain en général ?

C'est pour le cinéma africain en général. Nous sommes tous logés à la même enseigne. J'en connais plein qui sont des producteurs. Mais quand ils approchent un fonds d'aide, on exige d'eux vingt ans à trente ans d'expérience. Ces gens qui ont tant d'expérience, il faut bien qu'ils forment des jeunes pour qu'ils puissent prendre la relève demain. Bientôt il n'y aura personne pour produire le cinéma africain.

Quelle est la situation du cinéma togolais actuellement? Comment vont la production, l'exploitation et la formation ? Est-ce que les jeunes arrivent à trouver un espace propice à leur émergence ? Les femmes trouvent-t-elle un espace pour s'exprimer ou bien ont-elles des problèmes spécifiques en termes de production et de visibilité ?

Notre cinéma et en crise c'est le moins qu'on puisse dire. Beaucoup ont baissé les bras à force de courir et de se casser la tête sans rien avoir. Aujourd'hui il y a quelques collègues qui se sont réveillés. Ils se sont mis ensemble et ont mis en place des structures de production. Mais évidemment ces jeunes ont besoin d'être aidés pour pouvoir émerger et s'exprimer.

Et les femmes comment se situent-elle par rapport à ces conditions de production et d'expression ?

Il y en a de moins en moins qui se lancent dans le cinéma. Il y a encore quelques jeunes acteurs et actrices, mais sincèrement c'est encore une toute petite minorité. Ils pensent qu'il n'y a pas d'espoir. Je ne suis pas d'accord. Tant qu'on est là, avec nos idées, nos sentiments, il y aura de l'espoir. De mon côté j'essaye de les pousser à se battre pour que demain le Togo puisse s'en sortir.

propos recueillis par
Hassouna Mansouri

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