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Aide toi, le ciel t'aidera, de François Dupeyron
Black à l'âme dans la cité
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 30/11/2008
Michel Amarger
Michel Amarger
Félicité Wouassi
Félicité Wouassi
Black Mic-Mac, de Thomas Gilou, 1986
Black Mic-Mac, de Thomas Gilou, 1986

Périodiquement des réalisateurs français s'intéressent aux communautés noires qui se démènent dans la cité. Thomas Gilou a ouvert le bal avec Black Mic Mac, 1986, comédie remuante qui a révélé Isaac de Bankolé, Félicité Wouassi, Cheick Doukouré… Une suite, pilotée par un autre cinéaste, a moins diverti en enfilant des scènes plus typées. Depuis l'intérêt pour le milieu black se retrouve en périphérie de plusieurs fictions qui le traversent comme un lieu de passage plus banalisé, ou le survolent pour rester branchées. A l'inverse, François Dupeyron choisit de s'y arrêter pour réaliser Aide toi, le ciel t'aidera.

Le virage peut surprendre chez un auteur réputé pour avoir dirigé un duo de stars, Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, dans son premier film, Drôle d'endroit pour une rencontre, 1988. Puis avec Un cœur qui bat, 1991, La machine, 1994, Dupeyron a signé des histoires bien inscrites dans la société française, avec en point d'orgue, La Chambre des Officiers, film en costumes, romantique, sur les blessures de la guerre. Ses personnages déchirés, les difficultés de communiquer, entravées par la vie sociale, les dialogues qui surgissent soudain pour briser l'ordonnance du quotidien se retrouvent en arrière plan de sa nouvelle fiction, située dans la cité des Mureaux, en banlieue parisienne.

Au centre de l'action, il y a Sonia, incarnée par Félicité Wouassi. Cette Africaine rayonnante fait l'aide ménagère en affichant sa devise : "Il y a toujours une solution". Pourtant autour d'elle, les problèmes se multiplient. Son mari, joueur invétéré, dilapide les économies de la famille avant de rendre l'âme, le jour du mariage de sa fille. Son autre fille révèle à Sonia qu'elle est enceinte de sept mois et sans père disponible. Du côté des fils, ce n'est pas mieux. L'aîné qui fait le dealer, est régulièrement coursé par la police qui veut le coincer à sa majorité. Le cadet s'évade en marchant sur le toit de l'immeuble, jusqu'à déraper.

Sonia échappe à cette agitation en visitant un vieux voisin blanc. Il l'aide à enterrer son mari puis retrouve à son contact et en la frôlant, une sensualité perdue qui illumine ses derniers jours. Mais Sonia comme le lui rabâche sa copine coiffeuse, est en manque d'homme. Le seul qui l'attire est justement l'amant de sa copine. Sonia résiste, étouffe ses frustrations, conquiert son indépendance économique à la force du poignet, tente de mettre de l'ordre dans le désarroi familial, jusqu'à son émancipation finale.

Le combat de la pétulante Sonia repose sur les épaules solides de son interprète. Félicité Wouassi est au centre de l'image, captant la lumière qui valorise sa peau dorée, jouant la battante familiale ou la femme qui n'ose lâcher sa sensualité, avec la même conviction. Le rôle marque le retour en force de la comédienne d'origine camerounaise, qui a fait quelques apparitions dans le cinéma français depuis Black Mic Mac, et qu'on retrouve cette année, en coiffeuse, dans Cliente de Josiane Balasko. Propulsée en haut de l'affiche par le Burkinabé Idrissa Ouédraogo dans Le cri du cœur, puis par l'Ivoirien Henri Duparc avec Rue princesse, en 1994, Félicité Wouassi a du tempérament.

La présence des acteurs noirs familiers du milieu parisien, Mata Gabin, Fatou N'Diaye, Jacky Ido, permet à François Dupeyron de s'appuyer sur leur abattage pour essayer de trouver un tempo africain. Mais leur prestation est éclipsée par le jeu nuancé de Claude Rich, en voisin décrépi, revigoré par la peau de Sonia. Comme lui, le réalisateur semble vouloir régénérer son inspiration en promenant sa caméra pour toucher une famille black. Tout en y projetant ses thèmes, Dupeyron valorise l'affirmation de soi dans un monde hostile, multipliant les références à la bienveillance divine. La résonance morale qui s'en dégage fait alors basculer la comédie joyeuse dans le discours convenu.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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