Diffusé, une première fois, le jeudi 8 mai 2008, en troisième partie de soirée (soit après minuit) sur France 2, le premier film documentaire réalisé par la jeune Yasmina Adi, fut à nouveau programmé par la chaîne parlementaire LCP *.
Restaurer la mémoire des événements douloureux de mai 45, tel semble être la motivation essentielle de cette jeune réalisatrice née à Saint-Martin d'Hères (Grenoble), de parents algériens qui démonte en 52 minutes l'implacable mécanique répressive. Yasmina Adi retrace l'embrasement et la féroce répression coloniale à travers un récit minutieux et pertinent ponctué par les propos de l'historien Pascal Blanchard et des témoins tels Landrum Bolling (reporter-New york), Amrane Bedhouche (Sétif), Saci Benhamia (Guelma) et chawki Mostefaï (Alger), etc... Les autorités françaises avançaient le chiffre de 1.500 morts musulmans alors que durant plusieurs mois, l'armée, la milice, et les civils français se livraient à de véritable massacres : bombardements par l'aviation, pilonnages des côtes par la marine, exécutions sommaires à la mitrailleuses, viols de femmes, éliminations de corps dans des fours à chaux et dans des précipices (Kherata, Guelma, Bougie), internements, prisons pour les survivants durant de longues années et tout cela avec le silence complice des médias et de la communauté internationale.
Yasmina Adi, nous amène dans ces lieux devenus maudits. La victoire alliée est fêtée dans la liesse populaire dans toute la France. "Le droit des peuples à disposer d'eux même" vient d'être proclamé. En Algérie, c'est un autre 8 mai 1945 qui se prépare. Messali Hadj est en prison, son parti a été interdit depuis 6 années. Ferhat Abbas harangue les foules. Les "musulmans" compte-tenu des promesses faites par les responsables de l'époque de desserrer l'étau, une fois le nazisme vaincu, osent revendiquer à leur tour leur liberté, en organisant une manifestation pacifique. Et ce fut l'horreur !
Yasmina Adi, dont le père était tirailleur, révèle au grand jour, les massacres qui se sont déroulés durant tout le printemps 1945. Son film fait "parler" les derniers survivants et les archives qui, durant 60 ans de mise à l'ombre vont révéler l'impensable. Mais, il faudrait attendre encore 60 autres années pour accéder aux autres archives non déclassées, qui apporteront, sans aucun doute d'autres éclairages plus explicites. Produit par Compagnie des Phares et Balises avec la participation de France 2, le film de Y. Adi qui a exigé de nombreux mois de recherches et de travail sur le terrain, a fait l'objet de nombreuses critiques qui saluent le travail accompli : "Un autre point plus noir sur une même histoire" (Télérama), "Un documentaire minutieux étayé par de nombreux témoins et des archives inédites" (Le Canard enchainé). "L'originalité de ce film tient aussi à la façon dont il inscrit les événements dans un contexte international singulier" ((L'Humanité), "Yasmina Adi montre comment l'armée française s'est livrée à un nettoyage en règle pour mater un mouvement qui aurait pu s'étendre à toute l'Algérie" (Les Incorruptibles)…
La réalisatrice, qui est déjà sur un autre projet, toujours relatif à son pays d'origine, mais qui parle du présent, projet parrainé par un grand connaisseur de l'Algérie M. Rotman, va à nouveau sillonner durant toute une année l'Algérie pour mener à bien ses explorations.
par Mohamed Bensalah
