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38ème Festival International de Rotterdam
Les films du retour
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 01/02/2009
Hassouna Mansouri
Hassouna Mansouri
L'Absence, 2009
L'Absence, 2009
L'Absence, 2009
L'Absence, 2009
L'Absence, 2009
L'Absence, 2009
L'Absence, 2009
L'Absence, 2009
Mama Keïta
Mama Keïta
Hafsia HERZI ("Sofia")
Hafsia HERZI ("Sofia")
Hafsia HERZI ("Sofia")
Hafsia HERZI ("Sofia")
Souad El-Bouhati
Souad El-Bouhati
Gabbla (Inland), 2008
Gabbla (Inland), 2008
Gabbla (Inland), 2008
Gabbla (Inland), 2008
Gabbla (Inland), 2008
Gabbla (Inland), 2008
Tariq Teguia
Tariq Teguia
Teza, 2008
Teza, 2008
Haile Gerima
Haile Gerima
J.C.V.D., 2008
J.C.V.D., 2008

Le festival international de Rotterdam fait une place particulière cette année au cinéma maghrébin et africain. Quatre titres venant du Maroc, du Sénégal, d'Éthiopie et d'Algérie figurent dans des sections non compétitives [1]. Les uns sont parrainés par Unifrance, les autres par Hubert Bals Fund. D'habitude il y en a moins, donc on peut déjà s'en féliciter.

Il y a dans trois de ces films un thème qui revient avec insistance, celui du retour des immigrés. Il y a eu par le passé le thème du départ vers les pays du Nord. Ensuite il y a eu les films sur la vie des immigrants dans les sociétés du Nord. Il semblerait que le moment est venu pour des films sur les retours. La parenthèse historique de l'immigration semble se refermer en laissant un patrimoine d'image très riche. Il y a lieu peut-être de dire : on est parti, on a vécu et on est revenu. Les cinéastes de l'immigration paraissent sensibles à cette thématique mais ils la traitent avec des styles différents.

Souad El-Bouhati, dont le film Française est sélectionné dans la section Bright Future, raconte un double retour. L'un est forcé, celui d'une famille d'origine marocaine qui est condamnée au retour définitif. Le second est celui dont rêve Sophia depuis qu'elle a été obligée de suivre ses parents qui rentrent s'installer au fin fond du Maroc. Le rêve ne sera pas réalisé parce que la jeune femme finira par rester, laisse entendre la fin heureuse du film. La leçon est en effet trop simple : notre pays est celui dont on décide qu'il est tel. Alors qu'elle reçoit son passeport français des mains de sa mère, on la découvre tout de suite après quittant un bureau où elle semble travailler et disparaît dans les rues de Casablanca.

Le retour dont parle Mama Keita dans son nouveau film L'Absence est aussi forcé. Un télégramme met Adama dans une situation où il doit faire un voyage rapide à Dakar où sa grand-mère semble mourante. Il s'exécute comme pour se débarrasser d'un dernier fardeau qui le retient à son pays d'origine. Il avait fait son programme pour repartir dans les 48 heures. Mais la confrontation avec sa sœur, ses amis d'enfance, son professeur mais surtout avec la réalité de son pays en décideront autrement. Lui aussi restera dans son pays d'origine.

Bien que situé dans une époque antérieure, Teza le nouveau film de l'Éthiopien Haile Gerima aborde aussi le thème du retour. Anberber est l'incarnation de cette génération de jeunes africains qui étaient partis en Europe dans le but de revenir avec plus de savoir et servir leurs sociétés, leurs pays. Après avoir subi une première déception due à la confrontation à la politique totalitaire de son pays, il décide de revenir en Allemagne. Là encore, il est rejeté par cette société qu'il ne reconnaissait pas comme sienne. Son retour est présenté comme une exécution du vœu de sa mère. Atteint physiquement et mentalement, il ne retrouve ses esprits que dans la volonté de construction qui se réveille en lui.

La morale est donc la même dans les films du retour : le salut est dans le retour aux sources et à la terre d'origine avec les moyens et l'ambition de construire, ou de réparer. Bien sûr les histoires sont différentes. Mais surtout, les styles sont différents. La jeune Marocaine a choisi le mélodrame. L'histoire est linéaire, la caméra est complètement effacée, l'image est d'une platitude qui frôle le non sens. Le pathétique rattache le film plus à un produit de télévision qu'à une œuvre de cinéma.

C'est chez les deux autres cinéastes que nous retrouvons plus d'effort de mise en scène. Les deux cinéastes s'efforcent d'adopter une mise en scène qui épouse leurs sujets. Les évènements sont très serrés dans le temps chez Mama Keita. Tandis que chez Haile Gerima, ils s'étalent sur deux décennies. L'atmosphère tendue de cette descente aux enfers de L'Absence est rendue par le montage parallèle et l'image nerveuse de la caméra portée. En revanche, Teza est un film qui verse plus dans le lyrisme. Le souvenir est traité par le procédé classique du saut dans le temps. Mais Haile Gerima joue sur l'alternance des époques et des atmosphères grâce à un montage fluide nourri de poésie.

La boucle du cinéma de l'émigration est peut-être en train de se boucler. Ceci est vrai du moins sur le plan mental. Tout un pan du cinéma du Maghreb et de l'Afrique se sera construit autour ce moment de l'histoire de ces peuples. Ce qui en reste c'est ce que chacun des cinéastes en aura pensé et la manière dont il l'aura observée.

De notre correspondant au Pays-Bas
Hassouna Mansouri

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