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Gerboise Bleue
Essais atomiques en Algérie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 08/02/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Cour interdite, 1998
Cour interdite, 1998

LM Documentaire de Djamel Ouahab, France / Algérie, 2008
Sortie France : 11 février 2009

Les territoires africains ont servi de terrain d'expérimentation aux armes nucléaires. L'information, longtemps reléguée au rang de secret, est pourtant bien confirmée aujourd'hui. Mais cette reconnaissance reste discrète, et encore la plupart du temps circonscrite à l'époque coloniale. Ainsi les pays du Maghreb ont attiré très tôt les exercices militaires notamment des Français, grâce aux vastes étendues du Sahara. Aujourd'hui, des cinéastes originaires de l'Algérie veulent utiliser les caméras pour éclairer un pan méconnu de leur histoire, en soulignant les conséquences de cette situation au présent.

Larbi Benchiha (Vent de sable, documentaire, 2008) s'est appuyé sur une production française de la chaîne France 3, pour s'intéresser aux essais nucléaires de Reggane, située à deux heures de route de Adrar. Il a survolé la base de Hamoudia, présentée en 1959, comme un Centre d'Expérimentation Atomique par les autorités françaises. Les témoignages d'experts révèlent que l'endroit est toujours contaminé par les radiations, pour plusieurs milliers d'années. Parallèlement Djamel Ouahab aborde "l'histoire secrète des essais nucléaires français en Algérie" avec Gerboise Bleue, reprenant le nom d'une opération de l'époque. Ce long-métrage, distribué en 35 mm, lui permet d'interpeller les spectateurs dans les salles.

Le réalisateur, caméra au poing, part à la rencontre des derniers survivants qui ont vécu les premiers essais atomiques français, dans le Sahara, entre 1960 et 1966. Des vétérans français et des Touaregs algériens ont été victimes des expérimentations militaires. Ils évoquent dans quelles circonstances les premiers tirs se sont déroulés et les affections qui en ont découlé pour eux. Les yeux brûlés des Touaregs, les malformations de leurs enfants signalent encore l'impact des radiations. Les appelés français souffrent de cancers, leucémie, dépressions qu'ils ont du mal à faire admettre aux autorités.

Pour appuyer la force des témoignages, Djamel Ouahab visite le point zéro de Gerboise Bleue, en compagnie de vétérans, là où a eu lieu le premier essai atomique en atmosphère. Ce phénomène dont l'impact serait quatre fois supérieur à Hiroshima, a laissé des traces durables dans la région. Même si les militaires français ont enterré des débris après les essais, des constructions et objets calcinés subsistent. Les militaires algériens ont interdit l'accès du site jusqu'en 2007. En s'approchant au plus près de la zone sinistrée, Djamel Ouahab semble vouloir forcer les portes de histoire pour faire admettre une réalité occultée.

Le film tente aussi de rapprocher les combattants d'alors sur le terrain, pour une nouvelle compréhension entre individus. "Cette rencontre entre ces victimes françaises et algériennes me paraît indispensable pour créer une passerelle entre ces deux pays, et éclairer certains des non-dits de l'histoire coloniale", explique le réalisateur. "Ce refus de la France de faire toute la lumière sur cette période de l'Histoire ajoute chez les vétérans français le sentiment d'avoir été trahis par leur patrie". En braquant sa caméra sur les victimes, Djamel Ouahab écoute les souvenirs, les plaintes pour émouvoir et pointer les responsabilités.

"L'abandon progressif des référents historiques, malgré leurs défauts, risque de provoquer une crise identitaire, comme on peut le voir dans ma communauté où l'on trouve des jeunes qui n'arrivent plus à se construire et à se projeter dans cette société qui n'a pas su les reconnaître comme ses enfants", observe le cinéaste, fixé en France. Auteur d'une fiction, Cour interdite, en 1999, Djamel Ouahab milite pour la reconnaissance du passé avec Gerboise Bleue. Les défauts techniques de l'image, la rudesse du montage, accentués par la modestie de sa production, altèrent l'écriture du film sans en minimiser le propos.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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