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35 rhums, de Claire Denis
Aiguillages dans le noir
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 16/02/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Claire Denis
Claire Denis
Mati Diop et Alex Descas dans 35 Rhums, 2008
Mati Diop et Alex Descas dans 35 Rhums, 2008
Nicole Dogue dans 35 Rhums, 2008
Nicole Dogue dans 35 Rhums, 2008
Chocolat, 1988
Chocolat, 1988
S'en fout la mort 1990
S'en fout la mort 1990
J'ai pas sommeil, 1993
J'ai pas sommeil, 1993
Beau Travail 1999
Beau Travail 1999
L'Intrus, 2004
L'Intrus, 2004

LM Fiction de Claire Denis, France / Allemagne, 2008
Sortie France : 18 février 2009

Les échos africains vibrent depuis longtemps dans les films de Claire Denis. Depuis son enfance au Cameroun, inspirant Chocolat, 1988, la réalisatrice française projette dans ses images, des marginaux africains ou antillais qui s'impriment dans des décors urbains souvent oppressants. Les combats de coqs de S'en fout la mort, 1990, les dérives de J'ai pas sommeil, 1994, annoncent les dérapages plus récents de Trouble Every Day, les errances de L'intrus. Passant du documentaire rugueux, Man no Run, 1989, sur les Têtes brûlées, à la fiction méditative, Beau travail, Claire Denis trace une route singulière dans le cinéma français. Elle peint une société ouverte à l'âme noire, aux émois blancs, aux croissements métissés irrigant son dernier film. "Mon grand-père était Brésilien, je sentais bien qu'il n'était pas de France. Le fait d'être étranger, c'est comme si sa seule famille, c'était sa fille", révèle Claire Denis, en évoquant le point de départ de 35 rhums.

Le film est axé sur les relations de Lionel, un conducteur de RER, antillais, et de sa fille Joséphine qui étudie Sciences Po. La mère, Allemande, a disparu. Lionel et Jo vivent le quotidien comme un couple exclusif. Autour, il y a les trains qui passent, les voisins : Gabrielle, chauffeur de taxi, qui convoite Lionel sans succès, Noé, jeune célibataire entre deux voyages d'affaires, familier des jeux avec Jo. Dans un autre cercle, il y a René, le copain de travail de Lionel qui prend sa retraite avec douleur, Ruben, un étudiant attiré par Jo. La ronde des sentiments bouscule les corps dans la banlieue parisienne, "environnement ordinaire et très urbain", précise le scénariste Jean-Pol Fargeau, habitué à l'univers de Claire Denis, "celui d'un Paris où l'on réalise, peu à peu, que les Noirs occupent le cadre avec des histoires de tout le monde."

Cette attention à la complexité du quotidien, cette proximité avec les personnages, est relayée par le jeu subtil de Alex Descas, devenu Lionel pour sa sixième collaboration avec Claire Denis. "Je suis toujours surpris par la puissance de ses images, par la simplicité en même temps qu'il y a dans son travail, par la différence, la singularité de chacun de ses films", confie t'il. "Par cette géographie de l'intime. Géographie du paysage, de la ville, mais forcément liée à l'intime." À ses cotés, s'impose une nouvelle venue, Mati Diop, passée actrice après une expérience avec Sharunas Bartas. La jeune femme, nièce du réalisateur sénégalais Djibril Diop Mambety, se veut aujourd'hui cinéaste, curieuse de ses racines africaines. Sa démarche nourrit son personnage de métisse parisienne, soudée à son père. "C'est un film à contre-courant, qui parle de sentiments difficiles à exprimer, la tendresse, l'affection, l'attention, la peur de se quitter", commente Mati Diop.

L'entourage où se distinguent Grégoire Colin et les comédiens de couleur, bute pour pénétrer ce cercle familial serré. Une escapade en Allemagne, en hommage à la mémoire de la mère, offre un détour imprévu pour approcher les racines de Jo. L'actrice Ingrid Caven, égérie de Rainer Fassbinder, se glisse dans ces scènes en observant : "Des Noirs qui sont parisiens, c'est une famille de Paris. Ce ne serait pas comme ça en Allemagne ou en Turquie ou je ne sais pas où. Elle est vraiment très française cette famille, mais avec des gens qui viennent d'ailleurs." Basé sur une coproduction allemande, 35 rhums est traversé de défis, de trains de passage, de coups de cafard, de rebonds, rythmés par la musique délicate des Tindersticks. "Ce film est un objet qui garde son mystère", résume justement Ingrid Caven pour qui Claire Denis "semble avoir un rapport vital à la force de la poésie dans la vie, et dans son cinéma."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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