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Mascarades, de Lyes Salem
L'illusion imparfaite
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 15/03/2009
Meriam Azizi
Meriam Azizi
Lyes Salem
Lyes Salem
Lyes Salem, alias "Mounir", dans Mascarades
Lyes Salem, alias "Mounir", dans Mascarades
Lyes Salem (Mounir Mekbel), Sarah Reguieg (sa soeur Rym) et Mohamed Bouchaïb (son copain Khliffa) dans Mascarades
Lyes Salem (Mounir Mekbel), Sarah Reguieg (sa soeur Rym) et Mohamed Bouchaïb (son copain Khliffa) dans Mascarades
Lyes Salem (Mounir), Sarah Reguieg (Rym) et Mohamed Bouchaïb (Khliffa) dans Mascarades
Lyes Salem (Mounir), Sarah Reguieg (Rym) et Mohamed Bouchaïb (Khliffa) dans Mascarades
Lyes Salem reçoit le prix de la fiction pour Mascarades à Apt 2008
Lyes Salem reçoit le prix de la fiction pour Mascarades à Apt 2008
Lyes Salem
Lyes Salem
Lyes Salem
Lyes Salem

De formation théâtrale, Lyes Salem s'embarque dans l'aventure cinématographique en signant un premier long métrage empreint de satire et à la facture comique. De ce point de vue, le jeune réalisateur relance une tradition qui a marqué le cinéma algérien dans les années soixante dix, avec comme figure de proue Merzak Allouache. Aussi, Mascarades comme Omar Gatlato secoue le carcan des conventions sociales avec une force caricaturale à même d'assurer au film une dramatisation à la fois solide et poignante. Mais ça serait réduire le film à un héritage cinématographique algérien, si on omet toutes les références aux grandes écoles du comique qui fusent à tout moment de l'histoire et que chaque scène évoque. Bien que spatialement inscrit dans un village algérien comme décor, Mascarades offre aux spectateurs des caractères et des situations où se moule l'archétype du genre comique.

L'histoire a lieu dans un petit village des Aurès. Mounir, jardinier qui se présente en tant que "ingénieur horticole", vit entre deux femmes (son épouse et sa sœur Rym atteinte de narcolepsie). Rien ne destinait les habitants d'une poignée de villageois à un grand chamboulement, vivant dans le figement d'un quotidien sédentaire. Une monotonie que matérialise le plan d'ouverture où l'on voit trois vieillards accroupis, le visage voilé d'une couche de poussière suite au passage d'un cortège de grandes caisses clinquantes. L'image marque l'idée d'une vie presque fossilisée. C'est lors d'une nuit d'ivresse que Mounir subvertit la norme en claironnant la nouvelle du mariage de Rym avec un Suédois. L'événement crée renversement de situation et accélération de péripéties. Comment maintenir le mensonge censé innerver la suite, constitue le défi scénaristique du récit.

La nouvelle donne fera vite sortir la famille de l'anonymat. Notables et simples villageois ont désormais le regard et l'attention braqués sur Mounir. Sa femme, voix de la raison, a le double rôle d'adjuvante et opposante. Des scènes de ménage attestent de sa désapprobation. Ses répliques prédicatrices et la gravité de leur ton préviennent le risque de la dérive au terme de laquelle son mari sera démasqué. Bien qu'il s'y plaise, Mounir mène le jeu sans pour autant réussir à se débarrasser du spectre de l'opprobre et de la chute. La structure narrative est fondée sur la dialectique de l'équilibre et du déséquilibre. Aussi, le protagoniste parvient-il à débloquer la situation chaque fois qu'il se trouve à deux doigts de se faire dénuder. Un mécanisme qui procède à la fois de l'effet du retardement mais aussi qui produit le rire du fait de son aspect répétitif. À un moment où l'idée d'abandon n'est plus concevable, se complaire dans le paraître devient une obsession jusqu'à accepter d'entretenir des affaires magouilleuses. Le jeu au départ anodin touche à la dangerosité.

Rym est prise dans le tourbillon sans réellement prononcer son véritable aveu qu'elle partage avec Khlifa, l'amoureux transi en déphasage avec tous, visiblement à cause de son esprit trop rêveur et sa fibre artistique. Incompris, tout l'inverse du fictif Suédois, supposé riche et beau, Khlifa exécute les ordres de Mounir jusqu'à la scène où il déchaîne son désaccord et rompt par là toute complicité. Une scène presque relevée d'un road movie où, sur une route désertique entourée de vastes terres arides, Khlifa prend son courage à deux mains et exprime la vérité de ce qu'il pense de Mounir. Suit alors une scène franchement burlesque où Khlifa endosse l'habit d'un Buster Keaton avec son physique chétif et l'air égaré.

Le temps de la mascarade s'essouffle. Sa fin se confond avec celle du film inspirant une sorte de morale fustigeant le confort que procure l'artifice et le paraître au dépens d'une conscience constamment tourmentée.
L'avant-dernier plan spectaculaire qui marque le retour à l'équilibre initial figure la morale de l'histoire. Il montre Mounir soutenu par sa femme et son fils dans une lente marche : le noyau familial s'éloignant de la foule ou plus encore se détachant des griffes d'une société hostile à quiconque manquant à ses promesses. Ayant l'air d'un film divertissant, Mascarades n'empêche pas d'être perçu comme un tableau des frustrations d'une classe sociale brimée à vouloir se dépasser. Une critique virulente qui dénonce la négligence de ces laisser pour compte, est instillée, au détail près, à longueur du film.
Meriam Azizi

Meriam Azizi

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