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Un si beau voyage, de Khaled Ghorbal
Chronique d'une descente au désert
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 22/03/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Khaled Ghorbal
Khaled Ghorbal
Farid Chopel dans Le Pont du milieu : novembre à mai 2006, Espace Oxygène (Paris)
Farid Chopel dans Le Pont du milieu : novembre à mai 2006, Espace Oxygène (Paris)
Farid Chopel
Farid Chopel
Farid Chopel (Mohamed) et Assumpta Serna (Pilar) dans Un si beau voyage
Farid Chopel (Mohamed) et Assumpta Serna (Pilar) dans Un si beau voyage
Farid Chopel (Mohamed) dans Un si beau voyage
Farid Chopel (Mohamed) dans Un si beau voyage
Un si beau voyage
Un si beau voyage
Un si beau voyage
Un si beau voyage
Khaled Ghorbal
Khaled Ghorbal
Assumpta Serna
Assumpta Serna

LM Fiction de Khaled Ghorbal, France / Tunisie, 2008
Sortie France : 18 mars 2009

Il y a des cinéastes rares, qui posent leurs films comme des pierres de touche. Khaled Ghorbal est de ceux-là. Ce réalisateur franco-tunisien a entrepris d'être acteur avant de diriger une troupe de théâtre en Tunisie. Il s'oriente vers le cinéma en France où il s'occupe pendant dix ans de salles Art et Essai. Son premier court-métrage, El Mokhtar (L'élu), 1996, signale son inquiétude du fanatisme par le biais d'une fiction implacable. Il passe au long avec Fatma, 2002, dénonçant l'hypocrisie qui entrave la condition féminine en Tunisie. Son héroïne, abusée pendant l'enfance, remet en question son couple en avouant s'être acheté une virginité après une opération. Le sujet provoque. Le style appliqué du film tempère. Et Khaled Ghorbal peaufine Un si beau voyage, 2008.

Le sujet est linéaire. Il se déploie en deux temps et deux continents. On découvre Mohamed à Paris. Ouvrier tunisien à la retraite, il vit dans un foyer de travailleurs, en banlieue. Discret, fatigué, Momo s'est lié d'amitié avec deux voisins, venus d'Afrique comme lui. Il ne voit plus la femme espagnole avec qui il a essayé de vivre en couple, il y a plusieurs années. Son quotidien se partage entre les courses, le dessin, les déambulations en bord de Seine. Quand il se trouve obligé de laisser sa chambre, et que son docteur l'incite à supporter la maladie qui le mine au soleil tunisien, Momo décide de revenir. Il entreprend alors un véritable voyage initiatique qui le conduit dans sa famille puis au désert.

Un si beau voyage s'affirme ainsi comme le portrait d'un Maghrébin exilé qui accomplit un retour sur lui-même. "Il vit dignement du mieux qu'il peut. Humble, mais aussi lucide et orgueilleux, il se sait en décalage", commente Khaled Ghorbal. "Exilé en France, pays aimé, il se sent aussi exilé en Tunisie, pays de sa chair, qu'il a quitté depuis longtemps, et maintenant exilé dans son propre corps, un corps usé, qui ne tient plus." En accompagnant la longue marche de son héros, le cinéaste saisit de près ses émotions. "Pour retracer le parcours de cet homme, pour peindre sa solitude, j'ai choisi de prendre le temps de son intériorité, pour être à la mesure de son destin", précise Khaled Ghorbal qui ne lâche pas son personnage, au centre des plans, serrés ou larges.

La figure de Momo est campée de manière saisissante par l'acteur Farid Chopel, décédé après le tournage. On a du mal à reconnaître dans la stature de cet homme vieilli, celle de l'humoriste dégingandé, apprécié pour ses spectacles burlesques sur les scènes françaises. L'acteur aux origines algériennes, ne faisait pas dans la nuance en jouant des comédies comme La vengeance du serpent à plumes de Gérard Oury, 1984, ou Sacs de nœuds de Josiane Balasko, 1985. Retiré des écrans pour régler des problèmes de santé, Farid Chopel opère ici un retour en forme de chant du cygne. "A mesure de l'avancement du tournage, particulièrement dans la deuxième partie, en Tunisie, il s'isolait de plus en plus comme s'il fusionnait avec le personnage, Momo, qui s'isolait de plus en plus de la vie", révèle le réalisateur.

L'adéquation entre l'acteur et le rôle insuffle du sens à ce film sur le dépouillement, la perte. La qualité de l'image, due à Jaques Besse, opérateur des films de Abderrahamane Sissako, souligne la vivacité des villes, la profondeur du désert. La musique jazzy de Médéric Collignon résonne des joies, des amertumes qui jalonnent la route. Un si beau voyage s'accomplit sur un rythme lent, inéluctable. Malgré quelques scènes superflues, une fin un peu appuyée, il entraîne les spectateurs disponibles vers des zones de ruptures, ouvertes sur des horizons universels. Comme l'indique le réalisateur franco-tunisien : "Un si beau voyage ne se veut pas tant la chronique ordinaire d'un ouvrier immigré qu'une fable sur l'exil et la solitude, un hommage à tous ceux qui vivent "à côté" de chez eux, et bien souvent d'eux-mêmes, en décalage."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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