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Fantan Fanga, d'Adama Drabo et de Ladji Diakité
Un conte très actuel
critique
rédigé par Ludovic O. Kibora
publié le 22/03/2009
Fantan Fanga (Le pouvoir des pauvres) 2008
Fantan Fanga (Le pouvoir des pauvres) 2008
Adama Drabo et Ladji Diakité
Adama Drabo et Ladji Diakité
Taafe Fanga - Pouvoir de pagne, 1997
Taafe Fanga - Pouvoir de pagne, 1997

Étymologiquement le mot fantan signifie en dioula, Bambara, "celui qui manque de force donc de pouvoir". Les Maliens Adama Drabo et Ladji Diakité en choisissant de coréaliser un film de sur le pouvoir des pauvres n'ont pas voulu faire un simple jeu de mots, car en réalité le pauvre a un pouvoir qu'il doit savoir exploiter à bon escient. En effet, en lieu et place de tout dénuement matériel, "la force du pauvre c'est son énergie vitale" précise un acteur du film. Sous la forme d'un conte dit par une tante la veille d'un jour sans classe pour cause de grève des enseignants, l'intrigue de Fantan Fanga est bâti autour d'un crime rituel accompli dans le but d'assouvir des intérêts politiques égoïstes. Sur fond de dénonciations subtiles, de clins d'œil assez visibles et sans faux semblant sur la situation socio-politique du Mali partant de l'Afrique, le film dépeint réalisme le quotidien d'un continent qui embrasse une démocratie importée en y intégrant les détours que lui offre certaines pratiques culturelle locales. Si seule la vérité des urnes doit prévaloir, il faut mettre à contribution les sciences occultes pour amener ces urnes à dire la vérité que l'on veut pour soi.

Dans ce domaine, opposition et parti au pouvoir font jeu égal. La vie n'est-elle pas un théâtre gigantesque ? Quoi de plus normal que nos deux réalisateurs aient mis en avant-scène de leur histoire la troupe théâtrale des "Sans voix." Le message n'est pas que dans la dénomination de la troupe, elle est dans la nature même des acteurs dont chacun traîne un handicap physique quelconque. C'est autour de ces minorités souvent marginalisés (albinos, nain, sourd-muet, handicapé physique, etc.) que le Pouvoir des pauvres prend son envol.

En évoquant des questions d'actualités, les deux réalisateurs maliens nous rappellent douloureusement les tares des sociétés africaines en ce début du 21ème siècle. Film militant sur le droit des minorités ? Pas seulement. Fantan Fanga va plus loin en baladant son miroir sur les boulets qui empêchent un développement socio-politique véritable de l'Afrique. Entre tradition et modernité, la camera nous dit qu'il n'est point besoin d'un discours manichéen pour une dénonciation juste et réaliste. Le mal et le bien peuvent être d'un même côté, tout dépend de la cupidité des hommes.

Drabo et Diakité semblent dire que dans l'occultisme africain il y a du bon comme du mauvais. Dans cette intrigue politico-policière qui mêle satire sociale et engagement militant contre des maux de leurs sociétés, nos deux réalisateurs donnent sans le dire la voie de sortie de l'ornière. Avec de belles images aux senteurs locales et un son maîtrisé, le message est bien transmis par Fafa (Souleymane Diakité), Doussou (Djénébou Koné) ou Magna (Gabriel Konaté), même si par endroits on croise des répliques un peu théâtrales. En outre de petits problèmes de transition entre les plans dérangent quelque peu le suivi de ce film d'urgence, riche en symboles forts.

Adama Drabo qui s'est fixé pour mission de produire une trilogie sur le Pouvoir, a déjà réalisé en 1997 Taafé Fanga (Le pouvoir des pagnes). Avec Fantan Fanga qui sort douze ans plus tard il ajoute une corde à son arc. Pour que Donniya Fanga (Le pouvoir du savoir) qu'il a en projet voit le jour assez rapidement, l'accueil du public cinéphile est plus que déterminant.

Ludovic O Kibora (Burkina Faso)

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