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Lieux saints, de Jean-Marie Téno
Se poser la question du public autrement
critique
rédigé par Sid-Lamine Salouka
publié le 22/03/2009
Jean-Marie Teno
Jean-Marie Teno
Idrissa Ouédraogo
Idrissa Ouédraogo
Jules César
Jules César
Jean-Marie Teno et Jules César
Jean-Marie Teno et Jules César

Avec Lieux saints, Jean-Marie Téno pose d'un point de vue original la question du public du cinéma africain.
Tandis que les sources de financement du cinéma africain tarissent, il pousse dans les quartiers populaires des "vidéoclubs", minuscules échoppes dans lesquelles sont projetés à très bas prix des films sur supports VCD piratés. Le vidéoclub est en ce sens l'ennemi du cinéaste à qui on vole le prix de ses efforts ; on y diffuse également des films du monde entier qui sont particulièrement attractifs et contre lesquels il n'a pas les moyens de lutter.



Le vidéoclub de Koro Bouba, objet du film, se situe dans le quartier Saint-Léon, au centre de la capitale burkinabée, entre la Cathédrale et la Grande Mosquée. Il se nomme "cinéclub" mais il n'y a rien de pompeux en cela. Dans la réalité, Bouba se veut un éducateur, un relais des messages multiples et multiformes qui émanent de diverses instances de la société. Tout comme son ami joueur de djémbé qui propage des communiqués en tous genres dans la rue, le cinéclub de Bouba est le continuateur de toutes les histoires traditionnelles et modernes dont le cinéma s'est emparé. "L'école du soir" de Sembène Ousmane a trouvé, à l'heure de la mondialisation, son nouveau porte-flambeau !

On retrouve dans ce documentaire une démarche commune aux autres films de Téno. Le propos, apparemment diversifié, se veut en fait une volonté de situer le film dans la vie réelle, sans coupures artificielles. On y retrouve ainsi un échantillon des habitants du quartier qui mènent leurs activités quotidiennes. Un accent particulier est mis sur le "grin" où des jeunes, sans emplois, devisent à propos du pays, de la pauvreté et de la démocratie censée mettre un terme à la misère. Un de leurs aînés, technicien supérieur dans une autre vie, se plaint d'une mauvaise orientation scolaire ; abandonnant la profession qu'on lui a faite, il devient alors un écrivain public qui diffuse ses réflexions philosophiques sur un tableau noir disposé dans la rue… Bref, le film n'est qu'une tranche de vie, sans autre prétention.

Le cinéaste Téno en arrive même à se remettre en cause : et si c'étaient eux qui avaient raison ? Il invite ainsi son confrère Idrissa Ouédraogo à une séance de cinéclub. Ayant géré des salles de cinéma dans le pays, Idrissa Ouédraogo pense que le cinéaste africain devrait voir les choses avec plus de pragmatisme et qu'il doit se situer au niveau de son public, tout art, pour vivre ayant besoin de consommateurs. Et quoi de plus valorisant que de voir, vingt ans après la sortie de Yaaba, le même sourire émerveillé sur le visage d'un enfant de douze ans !

Loin de sanctifier le cinéma africain (et de le scléroser par la même occasion!), Lieux saints relève d'une démarche humble et respectueuse qui honore celui-ci. Surtout, pour une fois, on pose la question du public sous un autre angle !

Sid-Lamine SALOUKA

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