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Inland (Gabbla)
Lignes de fuites algériennes
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 30/03/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Inland (Gabbla, Dans les terres), 2008
Inland (Gabbla, Dans les terres), 2008
Tariq Teguia
Tariq Teguia
Inland (Gabbla)
Inland (Gabbla)
Inland (Gabbla)
Inland (Gabbla)
Inland (Gabbla)
Inland (Gabbla)
Rome plutôt que vous (Roma wa la N'touma), 2007
Rome plutôt que vous (Roma wa la N'touma), 2007
La Maison jaune, 2007, Amor Hakkar
La Maison jaune, 2007, Amor Hakkar
Amor Hakkar
Amor Hakkar
Mascarades, 2007, Lyes Salem
Mascarades, 2007, Lyes Salem
Lyes Salem
Lyes Salem
La Chine est encore loin, 2008, Malek Bensmaïl
La Chine est encore loin, 2008, Malek Bensmaïl
Malek Bensmaïl
Malek Bensmaïl

LM Fiction de Tariq Teguia, Algérie / France, 2008
Sortie France : 25 mars 2009

Les réalisateurs algériens se confrontent à l'étendue du pays pour en mesurer les contours et les variations. Après Amor Hakkar, parti en campagne pour La Maison jaune (2007), Lyes Salem, planté dans les Aurès avec sa comédie Mascarades (2008), Malek Bensmaïl, en exploration près de Constantine pour son documentaire La Chine est encore loin (2008), Tariq Teguia investit les terres désertiques par un film en grand format qui dépasse deux heures de projection. Il échappe à l'espace oppressant et fermé d'Alger qui encerclait les héros de Rome plutôt que vous (2006), son premier long-métrage, pour lâcher ses personnages en pleine nature, comme avide de reconquérir son propre territoire.

"Il faut considérer Inland comme une sorte de déploiement, aux dimensions d'un pays et selon un procédé rhizomique, de la carte dressée dans Rome plutôt que vous, une carte fragmentaire et itinérante alors limitée à Alger et quelques-uns de ses environs", admet le cinéaste. Dès lors, ses protagonistes, comme sa caméra, semblent lancés sur les chemins de l'Algérie profonde pour mieux l'évaluer et la reconnaître. "Pas d'autre ambition dans Inland que de dessiner des lignes de fuite, des lignes de vie pourtant, des trajectoires actuelles qui viendraient se superposer à d'autres, répétées et infiniment plus anciennes", déclare Tariq Teguia en déroulant un récit minimal.

Un topographe, retiré dans sa région, se met en route pour une mission : établir un relevé de terrain dans un site écarté pour y raccorder une ligne électrique. Après une brève rencontre avec son ex-femme, Malek s'installe sur une zone jadis occupée par les terroristes. Il arpente les terres isolées pour faire ses mesures. Autour on devine des mouvements de troupe, des barrages, des clandestins noirs en transit. L'une d'entre eux se réfugie dans la roulotte de Malek. Il veut la conduire au nord pour l'aider. En cours de route, elle prend peur et demande à redescendre au sud pour regagner son pays. Malek rebrousse chemin. Ils se rapprochent. Mais l'employeur du topographe le traque. La conquête devient une perte. La perte, une révélation.

L'esthétique déliée de Tariq Teguia puise sa force dans le rapport à la terre. "Film en déplacement, film à travers les yeux d'un topographe qui regarde et mesure les alentours, Inland explore une multitude d'espaces, tentant de conjurer le sec, l'humide et le courbe, l'ondulant et le rectiligne", explique le cinéaste. "Il navigue entre les escarpements minéraux auressiens et les monts verdoyants et boisés des Monts Daïa, il associe le sable saumâtre du Chott Ech Chergui aux éclats de roches rouges de Aïn Sefra." La texture de la photo, le travail sur le cadre font de Inland une œuvre de plasticien. Son rythme alterné l'oriente vers un cinéma d'auteur comme l'énonce Tariq Teguia : "Inland est affaire de vitesses et de directions, celles des paysages que l'on arpente à pied, que l'on traverse à la vitesse d'une moto lancée à plein régime ou au rythme indolent d'un train de marchandises."

La bande son, perméable au silence qui envahit parfois l'image, est aussi sensible aux échos des humains comme le souligne Tariq Teguia : "Inland fait coexister les flots de la langue émeutière, les déclamations mi-chantées mi-parlées du Berrah, la parole foisonnante et éructante des activistes politiques, les silences choisis d'un homme à moitié là et d'une jeune femme quasi mutique". Leur chemin est hanté par les démons de l'Algérie, leur course les entraîne vers des horizons où l'on se fond. Tariq Teguia par sa liberté d'écriture, de mouvements, dessine un espace de cinéma personnel, ouvert aux carrefours ventés, aux humains dépouillés. Le jeu intériorisé des acteurs, les fragments de scènes, jetés au milieu de plans longs, semblent tracer de nouvelles lignes. Fuites en avant aux racines algériennes.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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