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Les enfants invisibles
Angles divers pour cause commune
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 22/05/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Spike Lee
Spike Lee
Mehdi Charef
Mehdi Charef

LM Fiction collectif de Mehdi Charef, Emir Kusturica, Spike Lee, Katia Lund, Jordan et Ridley Scott, Stefano Veneruso, John Woo,
France / Italie, 2008
Sortie France : 20 mai 2009

Les films collectifs naissent parfois d'une volonté de défendre la même cause (Loin du Viêt-Nam, 1967), d'illustrer un concept (Les sept pêchés capitaux, 1952), de réagir par rapport à un événement (11 septembre, 2003). Chaque réalisateur s'implique alors à sa manière dans le projet, vécu comme une commande, un exercice de style ou un sujet que l'on s'approprie. Cela donne généralement un ensemble irrégulier, découpé en histoires autonomes, diversement inspirées par l'idée de départ. Les enfants invisibles s'inscrit dans ce cadre conventionnel en permettant de confronter le regard de cinéastes prestigieux sur le thème des enfants qui vivent en marge des normes et des lois. Une occasion de survoler la situation de jeunes d'aujourd'hui parmi divers continents, de l'Asie à l'Afrique.

L'impulsion de ce film international vient surtout du producteur italien Stefano Veneruso, attaché à montrer comment les enfants peuvent s'affirmer contre l'injustice et le malheur. Il signe lui-même, l'un des volets du film, tourné à Naples. Un garçon y rode avec ses copains après avoir fui la maison où ses parents se déchirent. Le vol d'une montre en plein centre ville, est le point de départ d'une poursuite, des quartiers riches aux zones pauvres. Le héros s'y réfugie, en rêvant d'une enfance dont il est dépossédé.

Maniant l'exubérance qui a fait sa réputation, Emir Kusturica campe un thème semblable dans l'univers des gitans. L'un d'entre eux, pris dans un centre de détention, est récupéré par son père qui le pousse à voler à son profit. Mais le garçon préfère revenir au centre, en aspirant à une vie sécurisée. La poésie, la musique truculente et les dindons, familiers du cinéaste des Balkans, apportent de la vivacité au récit sans vraiment le situer.

A l'inverse, Katia Lund ancre l'histoire de Bilu et Joâo dans les rues de Sâo Paulo. La réalisatrice brésilienne évoque le quotidien de deux enfants qui récupèrent des objets pour la ferraille, en se lançant des défis pour dépasser leur mauvais sort.
Cet épisode réaliste et vif, éclipse le suivant, imaginé par Ridley Scott et sa fille Jordan.
Avec un lyrisme appuyé, ils s'écartent du sujet, tournant autour des traumatismes d'un photographe de guerre, qui retombe en enfance au milieu des forêts.
Poussant le maniérisme dans un milieu plus urbain, John Woo signe un mélo lumineux. Loin des films d'action qui ont fait sa renommée, le cinéaste asiatique conte le sort d'une fille de riches, aux parents en conflit, et en parallèle, celui d'une fillette abandonnée qui perd son protecteur et doit travailler dans la rue. Liées par une poupée, jetée par l'une et adoptée par l'autre, les héroïnes communiquent au-delà des barrières sociales.

Aussi urbain mais moins inspiré, Spike Lee milite pour la reconnaissance d'une métisse américaine, séropositive. Accablée par ses parents junkies, incapables de décrocher malgré leur affection pour elle, provoquée par ses camarades d'école, la fillette subit le sida comme une marginalisation qu'il faut affronter collectivement. Le message passe à coups de face-à-face rythmés, verbeux, proches d'un téléfilm.
Plus marquant est le virage dramatique opéré par Mehdi Charef. Il s'est éloigné de ses origines algériennes, pour aborder la condition des enfants soldats au cœur de l'Afrique. S'ensuit une plongée sèche, violente dans l'univers d'un petit commando d'où émerge Tenza. Il tire rageusement au cours d'un accrochage avec des soldats adultes puis retrouve des sentiments enfouis quand il se rapproche du village où restent cachés des souvenirs du passé. Lorsque son chef l'envoie préparer une attaque, l'enfant investit l'école pour goûter un calme précaire.

La tension qui anime cette histoire, tournée au Burkina Faso avec le concours de techniciens locaux, constitue un des meilleurs moments du film Les enfants invisibles. Elle rappelle aussi que l'image qui émerge du continent reste attachée à la guerre, au fanatisme des enfants soldats. Surgit alors l'envie d'échapper à la forme réductrice, imposée par un film collectif qui prétend embrasser le thème de l'enfance.
En sept fictions, issues d'horizons divers, il paraît difficile de faire le tour de la question, même si des pointures du cinéma sont engagées dans cette coproduction morale, soutenue par des institutions internationales. Et l'on attend d'autres points de vue pour révéler les situations contrastées que vivent les enfants dans le monde contemporain.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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