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Entretien avec Atisso Medessou, réalisateur
"Le fixeur permet de décoder la réalité du pays"
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 28/06/2009
Fortuné Bationo
Fortuné Bationo
Atisso Médessou
Atisso Médessou
Atisso Médessou
Atisso Médessou

L'Institut supérieur des métiers de l'audiovisuel (Isma) a abrité plusieurs formations à l'occasion de la 5ème édition du Festival Lagunimages, du 23 au 26 avril dernier, au Bénin. Atisso Medessou, réalisateur du captivant documentaire La télévision des Béninois, a rejoint la liste des formateurs pour révéler tout l'intérêt que représente le nouveau métier de fixeur, en insistant bien sur les ficelles qui en déterminent le succès. Entretien.

Pourquoi apprendre le métier de fixeur à des étudiants qui se forment à la réalisation de films ?
L'intérêt c'est de leur expliquer que même si on est producteur, réalisateur ou ingénieur du son, on peut faire un autre métier à coté. Et le métier de fixeur, surtout lorsqu'on est un natif d'un pays, c'est quelque chose qui peut permettre d'avoir un appoint sur ton salaire de tous les jours. Parce qu'en règle générale si des journalistes ou des réalisateurs viennent de l'étranger et qu'ils ont besoin d'une personne locale pour faire leur reportage, leur sujet, leur film de fiction…, c'est toujours mieux d'avoir une personne qui est vraiment du pays car elle connaît tous les coins, et elle peut permettre aux journalistes de décoder la réalité du pays.

Qu'est-ce qu'un fixeur ?
Ce qu'il faut savoir c'est que le besoin de certaines personnes peut devenir des emplois pour les autres. Donc le métier de fixeur, pour moi, c'est un médiateur entre le réalisateur ou le journaliste et son sujet qu'il réalise à l'étranger. Un fixeur, c'est quelqu'un qui va partager avec le réalisateur ou le journaliste tous les éléments du pays. Il va essayer de mettre son temps à profit pour que le sujet se fasse de bonnes conditions. E n gros, c'est de faire en sorte que tous les contacts dont on a besoin sur le terrain soient validés. S'il y a des demandes administratives ou logistiques à faire pour que le film se fasse, c'est à la charge du fixeur. Si on doit trouver un dédommagement matériel à faire à telle personne, c'est de le dire à temps pour que le réalisateur le prévoit. C'est quelqu'un qui s'occupe à la fois de l'aspect logistique du tournage, mais c'est aussi quelqu'un de très humain qui va permettre au réalisateur de décoder un peu les choses dans le pays.

Comment est né ce métier ?
Là je serais incapable de te le dire, mais ça existe depuis toujours. Aujourd'hui on met un nom la dessus. Moi, si je pars demain en Russie, il suffit que je prenne le taxi et que je discute avec le chauffeur qui saura que je suis un étranger. Je vais lui demander: "mon ami, où est-ce que je peux aller manger dans un bon restaurant ?", il va me dire : "si tu vas là dans tel endroit, il y a un bon restaurant, tu vas bien manger". Ça aussi, indirectement, c'est une tâche qui appartient au fixeur. Si maintenant je vais dans un marché et que j'achète un vêtement quatre fois son prix, il est évident que le fixeur va me dire : " tu aurais dû marchander de telle ou telle manière, tu refuses au début et ainsi de suite". À mon avis ça existe depuis tout le temps.

Quel est l'impact que ce type de métier peut avoir sur l'industrie cinématographique d'un pays africain ?
Il est multiple en fait, l'impact que peut avoir ce métier. Le premier à mon avis, c'est que ça permet une meilleure visibilité du pays. Il est évident que si c'est un Nlanc qui vit au Benin par exemple, même si ça fait 20 ou 30 ans qu'il habite dans le pays, la manière dont lui il va présenter les choses à un autre journaliste qui va venir le voir sera totalement différente de celle d'un natif. Le natif va te dire : " écoute, si tu mets ton pied dans telle maison, tu dois le faire de telle manière. Ne débarque pas comme ça avec ta caméra pour filmer les choses". Le natif sait ce qui est important dans son pays. Il sait la manière dont il faudra raconter les choses. Combien de journalistes blancs viennent ici des fois et qui font des raccourcis parce que ça les arrange, et c'est leur perception des choses du pays ? Donc l'impact primordial, c'est de donner une visibilité, la plus juste et la plus correcte du pays d'origine. L'autre chose aussi, c'est que c'est un métier à part entière. Dieu sait qu'on a plein de métiers informels au Bénin on est champion là-dedans. Chacun peut créer vite fait son entreprise, sa société ou son petit commerce. Ça reste quand même un métier, un métier d'indépendant, un métier libre. C'est comme ça qu'on peut développer l'activité industrielle.

Vous êtes aussi au Benin dans le cadre d'un reportage sur les costumes. À quoi voulez vous aboutir ?
L'émission sur laquelle je travaille s'appelle Tous les habits du monde. Il y a deux ans, on avait travaillé sur une émission qu'on a appelée Toutes les télés du monde. En gros, le principe reste le même. C'est qu'on va dans un pays et à partir de la manière dont les gens sont habillés, on essaie de raconter le pays. Le principe de l'émission c'est : "Dis moi comment tu t'habilles, je te dirai qui tu es". Mon objectif est simple. De la même manière quand j'ai réalisé La télévision des Béninois, c'était de raconter encore mon pays d'une manière dont on l'a jamais vu encore, en évitant certains clichés et préjugés. Dans Tous les habits du monde, ma démarche c'est à la fois d'expliquer qu'il y a un respect au niveau des traditions parce que il y a beaucoup de personnes qui portent encore des pagnes africains mais qui sont avec des coupes peut-être un peu européennes ; c'est de raconter que le tissu, il porte encore un nom, il a une signification, il y a un message derrière tout ça. C'est de raconter que dans ce pays, même si on est en 2009, il y a encore des rois et des princes qui y vivent et qui respectent toutes les traditions. C'est aussi parler de la modernité. Il y a plein de jeunes ici qui copient le style d'Abidjan, qui portent par exemple les chaussures à bout effilé, les "pointininis". C'est de raconter un peu ce double niveau. La lutte entre ce coté traditionnel et cette envie aussi de modernité.

Entretien réalisé au Bénin par Fortuné Bationo

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