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"Une métaphore de l'Afrique d'aujourd'hui"
Entretien avec Mansour Sora Wade, cinéaste
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 22/07/2009
Jean-Marie Mollo Olinga
Jean-Marie Mollo Olinga
Mansour Sora Wade, au Fespaco 2009
Mansour Sora Wade, au Fespaco 2009
Poster (primé au Fespaco 2009)
Poster (primé au Fespaco 2009)
Mansour Sora Wade en 2005 à Dakar
Mansour Sora Wade en 2005 à Dakar
Ibrahima Mbaye dans Les Feux de Mansaré
Ibrahima Mbaye dans Les Feux de Mansaré
Mansour Sora WADE et son actrice principale, Khady NDIAYE Bijou, au FESPACO 2009
Mansour Sora WADE et son actrice principale, Khady NDIAYE Bijou, au FESPACO 2009
Mansour Sora Wade sur le tournage des Feux de Mansaré
Mansour Sora Wade sur le tournage des Feux de Mansaré

Présent à Yaoundé où son film était en compétition officielle au festival Ecrans noirs, le Sénégalais Mansour Sora Wade, réalisateur des Feux de Mansaré, s'est expliqué sur ce deuxième long métrage, qui ne lui a pas donné entière satisfaction.

Dans ce deuxième long métrage, vous n'êtes pas sorti de Ndeyssan - Le prix du pardon, où deux frères se disputent à mort une femme. Pourquoi reprenez-vous ce thème dans Les feux de Mansaré ?

J'ai toujours pensé que la femme joue un rôle essentiel dans la vie, dans la société, qu'elle évoque la rivalité, rivalité de deux hommes qui peuvent aller jusqu'au crime. C'est une situation constante dans la vie, voilà pourquoi je reprends ce thème dans mon film.


Toujours par rapport à Ndeyssan, la couleur des costumes est également très parlante dans Les feux de Mansaré

Il est évident que le choix des couleurs n'y est pas gratuit. Le noir évoque celui qui amène le malheur. Au début, quand on voit Frank dans une tenue kaki, celle-ci évoque la colonisation.


Votre film est une métaphore où la jeune fille vierge est convoitée. Est-ce une photographie de l'Afrique actuelle ?

C'est vrai, c'est une métaphore de l'Afrique d'aujourd'hui. Ce film, je dois le dire, est plus africain et moins universel que ce que j'ai l'habitude de faire. Je suis parti du Sénégal où la minorité catholique, 5%, avec Senghor, a été élue et réélue par les musulmans. J'ai voulu parler du problème des réfugiés, qui est dramatique, du pillage des ressources telles que le diamant ; j'ai voulu parler de tous ces problèmes auxquels l'Afrique est confrontée.

Cette vierge le demeure jusqu'à la fin. Quand elle tombe enceinte, c'est pour évoquer l'espoir. L'enfant, au début du film, qui marche sur une herbe verte, une terre qui se dessèche et dont on voit les pieds dans une colonne de réfugiés, symbolise ce drame. Et Mathias qui recrute sa milice parmi les réfugiés fait de cet enfant un tueur. Là, c'est pour parler des enfants soldats.


Vous déshabillez la jeune vierge, alors qu'il y a quelques années, vous disiez que par éducation, vous ne pouviez pas tourner des scènes de nu. Est-ce pour montrer ses charmes, ceux de l'Afrique, que vous la dénudez, même si vous lui laissez son bikini ?

Je montre cette fille nue, mais sans vulgarité, parce que j'ai voulu dénoncer le viol des femmes. C'est une tentative de viol. Pour moi, ce n'est pas une scène vulgaire. On voit des filles en maillot de bain partout, ce n'est pas quelque chose qui peut choquer. Je ne tomberai pas dans le piège des scènes des gens qui font l'amour ; je ne fais pas ça.


Votre film emprunte à divers genres. À quoi est dû ce choix ?

C'est la première fois que je fais un film contemporain. J'y ai posé mon regard sur un certain nombre d'aspects, s'agissant du cinéma. Quand je filme Mathias, c'est comme dans un western, comme dans Il était une fois dans l'Ouest lors du duel et je le suis comme dans un film d'action. Lamine et Nathalie sont filmés comme à Bollywood. En montrant cet enfant qui filme tout, c'est pour conserver la mémoire ; ce n'est pas gratuit, c'est le griot moderne.

Tous les acteurs du film n'évoluent pas au même niveau et le premier rôle éclabousse tant et si bien les autres comédiens de son talent qu'on en vient à se demander comment ils ont été dirigés…

Le film repose sur lui. Ibrahima Mbaye est l'un des rares comédiens sénégalais qui ont débuté au théâtre, et qui sont arrivés à enlever leur manteau du théâtre quand ils jouent au cinéma. Il est excellent, il est au-dessus de beaucoup de comédiens professionnels. Il a le même talent que les comédiens américains ou sud-africains. Il peut jouer à l'aise à côté d'un Wesley Snipe ou d'un Denzel Washington. Avec sa tête de Sud-africain, j'ai voulu le débarrasser de tous ses rôles antérieurs en lui coupant les cheveux, en remettant sa boule à zéro.


La fin du film semble quelque peu tirée par les cheveux ; elle est trop facile. Le film ne vous aurait-il pas échappé ?

J'ai fait des erreurs dans ce film. J'y ai voulu parler de la Côte d'Ivoire, du problème de la manipulation de l'information, lorsque la radio parle de la Côte d'Ivoire et passe sur autre chose. Lorsque l'enfant envoie des images à la télévision, l'information qui est diffusée est tronquée. J'attire l'attention, ici, sur le rôle du journaliste, qui est important. L'information qu'il diffuse doit contribuer à équilibrer les choses et non à les détruire. Par exemple, après avoir parlé d'une vingtaine de morts entre chrétiens et musulmans, il dit que le chiffre n'est pas encore confirmé.

Quand la milice dépose les armes, c'est pour montrer ce qui s'est passé dans certains pays, la Côte d'Ivoire, par exemple, et je fais un fondu où l'eau éteint le feu.

Quand on voit la manière dont la meurtrière jette son arme, c'est à contre-cœur. Le principal responsable de cette situation, c'est Mathias, leur chef. Lorsqu'il est banni, c'est avec tous les autres. Mais, globalement, je ne suis pas du tout satisfait par le résultat de ce film, malgré toute la sincérité que j'y ai mise.


Le film est dédié à Diobé, qui est-ce ?

Diobé c'est un diminutif ; c'est ma femme. C'est elle qui m'a donné deux beaux enfants, un garçon et une fille. J'estime que ce sont de très beaux cadeaux, pour donner des choses en retour.

Entretien mené par
Jean-Marie MOLLO OLINGA

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