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La femme porte l'Afrique, Idriss DIABATÉ
Le plaidoyer d'un avocat des femmes
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 22/07/2009
Jean-Marie MOLLO OLINGA
Jean-Marie MOLLO OLINGA
Idriss Diabaté
Idriss Diabaté
Parole sans paroles, 2005
Parole sans paroles, 2005
La femme porte l'Afrique
La femme porte l'Afrique
La femme porte l'Afrique
La femme porte l'Afrique

Idriss Diabaté serait-il féministe ? Au regard de son dernier documentaire, La femme porte l'Afrique, l'on serait tenté de répondre à cette question par l'affirmative, tant le cinéaste ivoirien s'attelle à présenter l'Africaine sous son angle herculéen. Comme le légendaire héros grec, elle exécute, au quotidien, ce qui peut apparaître comme ses douze travaux, et qui consiste, entre autres tâches, à nourrir sa famille et à envoyer ses enfants à l'école.

À la suite de la crise économique qui a sévi en Afrique vers les années 80-90, bon nombre d'hommes ont perdu leurs emplois. Certains, du fait de la précarité de la vie dans laquelle ils étaient désormais confinés, en sont morts. Sur l'ensemble du continent, notamment en Afrique noire, des femmes, du jour au lendemain, sont devenues des chefs de famille. Pis, ou mieux, c'est selon, elles devaient également assumer les devoirs des mères et des épouses. C'est cette catégorie de femmes que Diabaté suit, en prenant pour modèles cinq d'entre elles, qui ont chacune au moins cinq enfants. Elles sont agricultrices, charbonnières ou simplement commerçantes.

Outre la pénibilité de leurs conditions de vie, elles ont en commun de vivre en marge de la civilisation, c'est-à-dire dans des zones périphériques, où il n'y a ni installation moderne d'eau, ni électricité. De plus, elles habitent des baraques ou des cabanes et préparent leurs repas au feu de bois. Le cinéaste choisit donc d'opposer le décor burkinabé et ivoirien hostile et austère où est tourné le film, à l'opiniâtreté et au courage de ces femmes tendues vers le bien-être des leurs. Au final, il réussit à créer cette émotion qui fait suivre la trajectoire de ces sœurs d'Eve, au travers d'un double sentiment de pitié et d'admiration. En captant ainsi la volonté d'êtres apparemment fragiles mais qui se révèlent d'une solidité inouïe - certaines sont capables d'assécher des marécages -, le film d'Idriss Diabaté apporte son écot, tout en s'en faisant l'écho, à la reconnaissance du travail de ces Hercule des temps modernes qui, du fait de sa proximité et de sa quotidienneté, nous rend indifférents au point de le banaliser.

Dans Parole sans paroles, son avant-dernier documentaire, où il s'était introduit dans l'intimité de Ludovic Fadaïro, un artiste plasticien béninois vivant en Côte d'Ivoire, Diabaté avait accordé une large place au verbe, oubliant que le cinéma est davantage image. Avec La femme porte l'Afrique, il vient rattraper ce manquement, mais d'autres insuffisances apparaissent dans son œuvre. Par exemple, pour un film documentaire, il utilise un micro-cravate, comme en télévision. Et ce n'est pas la seule immixtion du procédé de filmage télévisuel dans ce film. Diabaté égare quelque peu le spectateur avec une voix over qui joue faussement le rôle de doublage - ce n'est qu'une traduction - dans son film, de même que le regard caméra de certains personnages est sujet à caution.

Néanmoins, en dehors de ces imperfections, le film de Diabaté se distingue par ses très belles images et sa finalité, à savoir, montrer l'importance du courage et de la volonté indispensables pour avoir sa place au soleil. Les enfants qui obtiennent qui la maîtrise, qui le baccalauréat, qui encore un travail grâce à leurs mamans ne représentent-ils pas, s'il en était encore besoin, cet espoir d'une vie meilleure ? Le réalisateur, ici, montre, assurément, l'importance qu'il y a à investir sur ses enfants.

Cependant, l'on serait tenté de s'interroger sur ce que pourraient penser les féministes de ce film, eux qui revendiquent presque toujours l'amélioration de la situation des femmes et l'extension de leurs droits. Ne devraient-elles pas aussi avoir des devoirs, eu égard à l'égalité prônée entre l'homme et la femme ? D'où vient-il alors que Idriss Diabaté s'attarde sur ces femmes qui remplacent les hommes dans les responsabilités que ceux-ci assument au quotidien sans jamais se plaindre ? Le cinéaste fait montre, indubitablement, de sa fibre féministe.

Jean-Marie MOLLO OLINGA

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