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Corto del Med, Festival de courts-métrages méditerranéens
Sur le front d'Avignon
critique
rédigé par Savrina Parevadee Chinien
publié le 29/07/2009
Savrina P. Chinien
Savrina P. Chinien
Corto Del MED #3
Corto Del MED #3
Anne Crémieux
Anne Crémieux
Omar Mouldouira
Omar Mouldouira

Avignon, du 11 au 14 juin 2009

Dans le cadre majestueux et historique de "la cité des papes", la 3ème édition du Corto del Med, festival des courts-métrages méditerranéens, s'est déroulé dans le Cinéma Le Vox, place de l'Horloge. Ce festival est organisé par l'Association AlterMed [1] qui vise aussi à mettre en place d'autres événements (inter)culturels, toujours concernant cet ensemble géopolitique. Les membres de cette association ont été très présents le long du festival et ont réservé un accueil des plus chaleureux aux participants malgré des moyens restreints. Cela a créé une ambiance fort sympathique.

Le focus du Corto del Med est de permettre aux réalisateurs originaires des pays du pourtour méditerranéen de présenter leurs films. Divers pays étaient ainsi à l'honneur : Liban, Egypte, Tunisie, Maroc, Palestine, Espagne, Slovénie, Croatie, Italie, Grèce. La présence de certains réalisateurs lors de ce festival [2] a enrichi les débats et a permis au public de s'enquérir de plusieurs aspects cinématographiques : budget et financements divers, lieu de tournage, problèmes lors du tournage, angles de prise de vue, effet esthétique (lumière, matériau requis, et ainsi de suite), choix des acteurs et aussi la formation que les cinéastes ont reçue eux-mêmes.

Certains films de haute qualité technique, structurelle de même qu'au niveau de la thématique, étaient à l'affiche, rendant la tâche des membres du jury exaltante mais ardue. Dans la catégorie des fictions, plusieurs films se sont distingués :

5 Segundos de Jean-François Rouzé [3]
Ce film relate des bribes de la vie du jeune Franck qui, depuis son accident, souffre d'une anomalie neurologique et ne perçoit que des images fixes toutes les cinq secondes. Ces images, en noir et blanc, sont très esthétiques : contraste de lumière, freeze (gel avec effet de traînée qui rend dynamique le mouvement des personnages vus par les yeux de Franck). Le film, dans son ensemble, est très bien monté avec des cuts qui rendent la narration fluide.

Vois-Moi [4] et Messaoud [5] d'Omar Mouldouira
Les deux courts-métrages traitent de la relation du couple et notamment du statut de la femme dans le milieu patriarcal du Maroc. Le jeu des acteurs est très fin et les prises de vue allient subtilité ainsi que sensualité. Dans Vois-Moi, c'est surtout le déclin de l'attirance du mari pour sa femme qui est analysé, tout en reprenant, comme l'a souligné le réalisateur lors du débat qui a suivi le film, une légende courante au Maroc qui dépeint les belles femmes comme étant "dangereuses". L'histoire fait une boucle à travers les rues de Casablanca by night (métaphore, d'ailleurs, du voyage intérieur de Saïd, personnage principal et de la "noirceur" de son âme). La femme est victime mais devient aussi la voix de la conscience. Messaoud est imprégné de l'image d'une utopie : le couple parfait en symbiose. Le paysage est dénudé avec pour décor la mer et une maison isolée, peinte en blanche. L'originalité du film réside dans le fait que le réalisateur traite les raisons qui poussent Messaoud à quitter sa femme pour faire fortune ailleurs (en Europe probablement puisqu'il est question de payer un passeur) et non pas la "traversée" elle-même ou les "misères" et/ou fortunes des émigrés. Les scènes sont souvent empreints de non-dits très parlants : la caméra faisant un zoom sur l'anneau de mariage que Messaoud triture, ce qui démontre son incertitude à l'idée de trahir sa femme ; Fatima touchant son ventre et souriant à son mari - le spectateur comprend qu'elle est en enceinte ; et surtout, le dénouement n'est pas formulé.

Consulta 16 de Jose Manuel Carrasco [6]
Ce film au décor minimaliste (les couloirs d'un centre de psychiatrie et le cabinet de la psychiatre) s'appuie fortement sur le jeu des deux acteurs principaux. La tragédie (les deux souffrent de dépression : l'homme a perdu sa femme et souffre du sida, alors que la femme ne s'entend plus avec son mari) est traitée avec humour. Au fil des rencontres, un lien fort se tisse entre les deux personnages.

L'Ours de Victoria Velopoulou [7]
Ce film au décor magnifique (forêt verdoyante, falaises, petit village reculé, niché dans les hauteurs), relate avec ironie et un certain humour la vie des villageois et leurs divers secrets jalousement gardés. Il y a une riche mise en abyme du réalisateur qui filme Angélos qui est lui-même à la recherche de belles photos pour sa revue écologique.

Deux autres fictions : La boîte à pépé de Sami Zitouni [8] et Le créneau de Frédéric Mermoud [9] mettent en scène des acteurs connus - Romane Bohringer pour le premier ; Emmanuelle Devos et Hippolyte Girardot pour le second. Le film de Sami Zitouni traite des problèmes sociaux des marginaux : P'tit Louis, le clochard, Safia, une caissière à un super marché constamment réprimandée par sa patronne, la peintre - l'artiste marginale/marginalisée qui semble, selon son compagnon, vivre hors des réalités financières et finalement, le tenancier marocain du bar (qui commente âprement les difficultés d'être un immigré). Le créneau capture, à travers plusieurs plans séquences, les tensions latentes d'un couple et la distance jusque-là non avouée qui les sépare.

Le Prix du festival Corto del Med
La fiction qui a remporté le Prix du festival Corto del Med est Rastanak (Farewell) d'Irena Škorić [10]. Ce court-métrage muet, filmé en noir et blanc dans un décor épuré, traite avec humour (façon Laurel et Hardy, avec des mimiques) la relation père/fils, le fossé générationnel. L'aspect tragi-comique du film est souvent supplanté par le burlesque.

Films documentaires
Par contre parmi les documentaires, on n'échappe pas des fois au manque d'originalité, avec l'impression que le réalisateur/la réalisatrice a filmé un peu au hasard, desservi(e) par une instabilité de l'image. La série de cinq courts-métrages (de 2 minutes chacun) réalisés par des jeunes Palestiniens entre 15 et 18 ans, suite au bombardement du camp palestinien de Nahr Al Bared au nord Liban par l'armée libanaise en 2007, tout en étant touchant, manque de verve créatrice et de substance. De même, From Beirut to… those who want to listen [11] est émouvant - le cri collectif de secours des Libanais assiégés durant la guerre israélienne sur le Liban (juillet 2006) - mais aurait gagné plus en intensité en étant un peu plus court.
Dans la sélection de documentaires, Il n'y a pas de colin dans le poisson [12], un documentaire-animation de O. Magniez, Z. Liénard, I. Taveneau, a été primé. Ce film, en s'appuyant sur des exemples concrets (le colin, entre autres), traite, de manière très pédagogique, du bien commun ainsi que de la notion de culture (cinéma, théâtre et autre forme d'enrichissement de l'esprit). Le court-métrage défend l'atout de la culture qui devrait être accessible à tous contre la culture du résultat qui devient de plus en plus prédominant dans la société contemporaine.

Films d'animation
Dans la catégorie de films d'animation, Fêlure [13] de Nicolas Pawlowski s'est démarqué par son alliage réussi entre imaginaire du personnage, musique et danse ; au niveau métaphorique, le film représente l'espoir que nourrit un passionné quelque que soient les "fêlures" et/ou obstacles de la vie. C'est Ailleurs de Julie Rembauville et Nicolas Blanco-Levrin [14] qui a remporté le prix du meilleur film d'animation. Le film a été réalisé avec peu de moyens financiers : ce sont des migrants de papiers qui s'acheminent vers un ailleurs où la vie est supposée être meilleure. Ce court-métrage dépeint, de façon concise et forte, les difficultés que rencontrent les migrants dans un pays autre.

Savrina P. CHINIEN

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