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Quand le court métrage fait école
critique
rédigé par Jacques Bessala Manga
publié le 11/09/2009

L'une des articulations de la cérémonie de clôture de la 13ème édition des Écrans noirs a été la projection du court métrage produit pendant les sept jours que dure le festival. Opération initiée par la société Acajou films que dirige Pascal Judelewicz, en association avec des partenaires camerounais et soutenu par la coopération française, Gilbert Willy Tio Babena, un jeune scénariste, lauréat du concours "7 jours pour un film", a vu sa première œuvre, Les oreilles, projetée devant un public nombreux comme en rêvent tous les cinéastes débutants. Avant lui, d'autres jeunes cinéastes auront eu le privilège de participer au festival Écrans noirs 2009. Une tendance observée depuis la dernière édition, où Le pont, un film de trois minutes, avait raflé les suffrages tant du jury que du public. Depuis lors, la production du court métrage est devenue une mode très courue.

Narcisse Mbarga est un jeune réalisateur qui a plusieurs productions à son actif. Primé plusieurs fois lors du festival Yaoundé tout-court, il affirme s'être fait la main en réalisant des courts métrages. "La principale raison est économique, car, dans les courts métrages, les délais de production sont réduits", affirme-t-il. Auteur de quatre films de fiction, il diffuse lui-même en produisant des Dvd qu'il vend à 2 000 francs Cfa. "La plupart de mes films ont été réalisés avec des comédiens volontaires, ce qui me permettait d'économiser le budget de production", poursuit-il. Sur le choix du court métrage, Narcisse Mbarga répond que la réalisation des courts métrages lui a permis de se faire la main.

Longtemps considéré comme un genre mineur, le court métrage s'impose de plus en plus dans le cinéma. André Alain Eock, directeur de production, est très persuasif lorsqu'il affirme que le court métrage est un genre cinématographique plus complexe qu'il ne paraît. "C'est le domaine par excellence du cinéma école", affirme-t-il, péremptoire. "Il s'agit de raconter une histoire en peu de temps, sans en diminuer la force narrative. De plus, les contraintes de précision et de concision sont les mêmes, sinon plus importantes que pour les longs métrages", poursuit-il. "C'est par le court métrage que l'on peut déceler la graine d'artiste qu'il y a chez un jeune réalisateur, c'est le champ d'initiation et d'expérimentation pour tous les jeunes cinéastes", finit-il. Bernard Kouémo, l'auteur de Waramutsého !, le film primé en compétition dans la catégorie court métrage, et qui avait par ailleurs reçu le Poulain de bronze au Fespaco 2009, avoue avoir fourbi les armes nécessaires pour affronter la réalisation d'un futur long métrage.

Tous les spécialistes s'accordent donc sur le fait que le court métrage est le lieu de révélation des futurs talents, d'où l'engouement qu'il suscite désormais chez les jeunes réalisateurs camerounais. André Alain Eock affirme que cet engouement est en partie suscité par l'influence grandissante de la télévision sur le cinéma. Pour le directeur de production qui a lui-même fourbi ses premières armes dans Sango Malo, le premier long métrage de Bassek ba Kobhio, "les programmes de télévision qui imposent de produire des œuvres de 3, 6, 13, 26 et 52 minutes, ont fin par structurer les formats tant des films de fiction que documentaires". Il est donc devenu courant de voir des réalisateurs accomplis revenir sur le court métrage, alors même qu'ils ont réalisé des longs métrages. "Ceci s'explique en réalité par le potentiel commercial du court métrage, qui peut être acheté par des chaînes de télévision, lorsque le circuit classique de commercialisation fait défaut", déclare le directeur de production. Il ne tarit d'ailleurs pas d'anecdotes, sa longue expérience du métier l'ayant mis au contact d'une pléthore d'expériences édifiantes. "Il y a quelques années, lors de la célébration du bicentenaire de la mort de Jean de Lafontaine, l'Organisation internationale de la Francophonie avait lancé un concours de scénarii sur des fables de l'écrivain français. Il s'agissait de créer des projets de 3 à 6 minutes pour en faire des films. La plupart des scénarii sélectionnés étaient des œuvres de scénaristes accomplis, qui avaient déjà travaillé sur des longs métrages", se plaît-il à raconter. "C'est dire si l'on assiste au retour vers le court métrage, alors qu'historiquement, le making of, qui est l'ancêtre du court métrage, était la fleur que l'on faisait aux réalisateurs assistants, pour apprendre aux cotés des réalisateurs principaux".

Les cinéastes camerounais ont donc une opportunité à travers ce genre pour faire école, et se faire remarquer par des producteurs qui pourraient les soutenir dans une œuvre majeure de long métrage. La leçon est bien retenue. Et ce n'est pas la présence très remarquée des courts métrages en compétition officielle ou simplement en panorama lors de la 13ème édition des Écrans noirs qui démentira la tendance.

Jacques Bessala Manga

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