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Une affaire de nègres
Alerte citoyenne au Cameroun
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 17/09/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Osvalde Lewat
Osvalde Lewat
Jean-Marie Teno
Jean-Marie Teno
Denise, témoin dans le film
Denise, témoin dans le film
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Une affaire de Nègres
Un amour pendant la guerre (2007) d'Osvalde Lewatt
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Au-delà de la peine (2005) d'O. Lewatt
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Chef !, de Jean-Marie Teno (1999)
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Vacances au pays, de Jean-Marie Teno (1998, sortie en 2001)
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Les films du Paradoxe
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RFI, Radio France International
RFI, Radio France International
Osvalde Lewat
Osvalde Lewat

Long métrage Documentaire de Osvalde Lewat, Cameroun / France, 2008
Sortie France : 23 septembre 2009

Des nouvelles alarmantes sur l'état de la société camerounaise parviennent depuis quelques années en Europe via les documentaires de Jean-Marie Teno (Chef, Vacances au pays), régulièrement distribués. Mais le regard d'autres cinéastes qui travaillent à l'intérieur du pays, reste méconnu. Aujourd'hui, Osvalde Lewat s'appuie sur une production française pour son premier long métrage, Une affaire de nègres, 2008. Ce titre choc annonce une évaluation sans concession d'événements tragiques, survenus au Cameroun en 2000.
Au mois de mars, le gouvernement, décidé à lutter contre le banditisme qui sévit dans la région côtière de Douala, crée un "commando opérationnel" qui a tous pouvoirs pour éliminer des suspects. Un numéro de téléphone vert permet d'appeler pour dénoncer toute personne douteuse.

Emporté par un zèle de nettoyage sécuritaire, le commando opérationnel, actif jusqu'en 2001, rafle environ 1 600 personnes qui disparaissent souvent sans qu'on en retrouve de traces. Lorsque la population s'émeut des exactions du commando, il est difficile de l'arrêter puisqu'il est couvert par l'État. Des marches de protestation s'organisent. Le Haut Commissariat aux droits de l'homme des États Unis est saisi. La pression étrangère débouche sur des procès sommaires. Certains acteurs du commando sont jugés sans que les procédures aboutissent. Le traumatisme est réel, vite recouvert par l'oubli volontaire.

Osvalde Lewat revient sur cette affaire pour effectuer un travail de mémoire et s'interroger sur le rôle de chacun dans l'exercice de la démocratie. Son commentaire aborde le retour au pays après des séjours de formation à l'étranger, servant de fil conducteur au film. Elle débusque des témoins de l'époque dont elle provoque les témoignages.
Des familles de disparus exposent leur désarroi, des avocats et des journalistes leur indignation devant le mécanisme répressif légalement institué. Un ancien soldat des escadrons de la mort balaie sa culpabilité au nom de la raison d'état, refaisant les gestes de ratissages mortels dans la nuit. Entre les paroles vibrant de souvenirs douloureux, la réalisatrice glisse des scènes plus contemplatives.

Des photos de cadavres entassés, des vues de lieux de réclusion, de routes où étaient jetés les morts, font écho aux confidences. Faute de preuves tangibles du décès des disparus, un deuil est impossible. Des familles enterrent symboliquement des plants de bananier pour se recueillir. En tentant de combler le manque par des images éloquentes, des mots arrachés à l'oubli, Osvalde Lewat livre une réflexion sur les dérapages du pouvoir et la responsabilité des citoyens. Car malgré les exactions de la police, les informations parues dans les journaux, la population camerounaise n'a pas pu ou n'a pas su réagir. Même si des marches de protestation ont été entendues, les réactions sans suites punitives laissent perplexe sur le fonctionnement de la démocratie locale. L'épilogue du film où la réalisatrice interroge des passants sur l'opportunité d'un nouveau commando opérationnel est révélateur.

Osvalde Lewat oscille entre la captation brute comme lorsque l'ancien soldat revit ses gestes meurtriers, et l'examen plus distancié de traces historiques. Elle ménage des respirations visuelles efficaces pour faire passer une inquiétude. "Tant que c'est une affaire de nègres, les gens n'en ont rien à faire", déclare un avocat des doits de l'homme désabusé. Pourtant la réalisatrice a pu mobiliser des producteurs français pour mener à bien le film inspiré par une enquête déclenchée lorsqu'elle était journaliste au Cameroon Tribune.
Depuis, Osvalde Lewat pratique le documentaire en réaction à cette idée, énoncée par un homme politique amer dans Une affaire de nègres : "Pour les Camerounais, mieux vaut vivre à genoux que de mourir debout".

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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