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Débat : Les voies de l'industrialisation du cinéma africain
critique
rédigé par Maurice Simo Djom
publié le 30/10/2009

L'ambassade de France au Cameroun a organisé un colloque sur ce sujet en marge du festival Écrans noirs au Centre culturel français de Yaoundé.

Le réalisateur congolais Mwézé Dieudonné Ngangura n'a pas caché son indignation le lundi 1er juin au Ccf de Yaoundé : "Nous sommes en 2009 et on demande encore si le cinéma africain doit être industrialisé. Tous les cinémas sont des industries, sauf le cinéma d'Afrique noire et au lieu de nous demander comment faire de ce cinéma une industrie, nous nous demandons s'il faut l'industrialiser". Comme l'indique cette sortie ampoulée du réalisateur congolais, c'est sur un air de polémiques et de controverses que s'est déroulée la première journée du colloque sur l'industrialisation du cinéma d'Afrique noire, dont l'intitulé a laissé perplexe la majorité des intervenants : "Faut-il industrialiser le cinéma africain ?" Une question rhétorique qui a suscité force controverses dans la salle. De Mwézé Ngangura à Lambert Ndzana, nombreux sont des cinéastes à avoir trouvé cette problématique déplacée, préférant de loin un discours sur l'adaptation du cinéma africain aux exigences actuelles : "Notre préoccupation ne doit pas être les salles de cinéma, a appuyé Mwézé Ngangura, mais quelque chose de plus général, à savoir le marché, le public, les spectateurs. Il s'agit de s'adapter à la vidéo".

Auteur d'un article au vitriol sur le sujet, "Cinéma africain : à bout de souffle ?", le réalisateur burkinabé, Boubakar Diallo, a raconté son expérience personnelle dans cette voie. Et sa recette a été fort applaudie : faire de petits films avec de petits budgets, communiquer sur ces films de façon à intéresser le public au cinéma endogène : "Je suis parti d'un constat simple, à savoir que les salles de cinéma ferment en série parce que les cinéastes africains ne donnent pas au public ce qu'il attend. Il faut donner de la matière au public. L'essentiel n'est pas le support (HD 35mm, etc.), mais ce qu'on propose : quelle émotion, quelle image propose-t-on au public ? L'essentiel est d'entretenir l'engouement du public, en lui servant des films constamment, au lieu de réaliser un film à grand budget tous les cinq ans et le laisser orphelin dans l'intervalle de ce temps. Si des réalisateurs avaient adopté une telle exigence, nous aurions eu de la matière à fournir aux spectateurs et les salles de cinéma n'auraient pas fermé leurs portes".

Boubakar Diallo et Mwézé Ngangura disent n'avoir pas à attendre dix ans pour faire un nouveau film et préfèrent investir les petits moyens disponibles. Lambert Ndzana et Joséphine Ndagnou embouchent la même trompette. L'un met en garde contre la tentation de se déconnecter du contexte : "Redescendons à notre niveau. Faisons des films avec ce qu'on a et projetons-les là où on peut, serait-ce dans une salle vidéo". Et l'autre de promettre que dans les prochains mois, le Dvd de son film, "Paris à tout prix", sera bientôt disponible : "Je vais engager des vendeurs avec des tee-shirts qui envahiront les rues pour proposer le produit au consommateur à un prix abordable."

Pierre Barrot, écrivain et spécialiste du cinéma nigérian, a saisi la balle au bond pour résumer la situation actuelle du cinéma de Nollywood, largement populaire et quantitatif : "L'industrie du cinéma nigérian ne repose que sur la vidéo ; il n'y a pas de diffusion en salles, ni de sponsoring".

Si les cinéastes sont tombés d'accord sur le principe du cinéma adapté au contexte actuel, ils ont en outre redouté à l'unanimité la menace de la piraterie qui compromettrait tout effort visant à développer le marché du Dvd. Or, à en croire Thierry Michel, combattre la piraterie n'est qu'une question de volonté politique. Or, les politiques n'ont pas été conviés à ce débat. Encore moins les économistes. Et pourtant l'économie du cinéma concerne autant les cinéastes que les économistes.

Maurice SIMO DJOM

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