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Jeunes Cinéastes Tunisiens
Malheurs des uns et Bonheurs des autres
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 02/12/2009
Hassouna Mansouri
Hassouna Mansouri
Lassaad Oueslati
Lassaad Oueslati
Mémoire d'une femme, Lassaad Oueslati, 2008
Mémoire d'une femme, Lassaad Oueslati, 2008
Refuge (Le) - (Al Maljaa),Nadia Touijer, 2003
Refuge (Le) - (Al Maljaa),Nadia Touijer, 2003
Nadia Touijer
Nadia Touijer
Ibrahim Letaïef
Ibrahim Letaïef
La Citerne, Lassaad Oueslati, 2006
La Citerne, Lassaad Oueslati, 2006

Nul ne conteste la dynamique que la Tunisie a connue pendant les dernières années au niveau de la production d'images. Et paradoxalement ce ne sont pas les circuits traditionnels de la production qui attirent plus l'attention. Les chaînes de télévisions se sont multipliées certes. Le ministère de la culture et de la sauvegarde du patrimoine continue de soutenir la production cinématographique à son rythme. Mais ce qui est phénoménal reste certainement le nombre de courts métrages que des jeunes tunisiens sortis des écoles de cinéma ou de beaux arts ont pu réaliser.

Malheureusement il y a un Hic. Quand on apprend que plusieurs productions, de courts métrages notamment, n'ont pas pu aboutir bien que les projets aient eu l'accord pour une subvention officielle de la part du ministère de la culture et de la sauvegarde du patrimoine, il y a de quoi se poser plus qu'un question. Plusieurs productions de courts métrages ont ainsi avorté et les projets ont été abandonnés. Ce qui ne peut être bien sûr qu'un gâchis… La qualité des scénarii et la faisabilité des films se sont donc révélés parfaitement à la porté de ces jeunes qui arrivaient sur la place avec une très grande envie de faire et une disposition intellectuelle à prendre la parole. Or, il est pénible de les voir encore condamnés à la frustration.

On pourrait cogiter sur les raisons de ces échecs. Appelons le chat par son nom. Mais une chose est évidente : la clé de voûte reste la production. Le statut de ce métier est bien confus. Il est permis à tout chacun de s'ériger en producteur (pour lui-même) à défaut d'en trouver un qui défende les projets selon des règles bien définies.
Les producteurs expérimentés sont ainsi mis dans la ligne de mire d'une accusation qui témoigne de la confusion du secteur : ils auraient voulu profiter des jeunes inexpérimentés. Tout cela n'est bien sûr que les-à -côté des événements. Toujours est-il qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Mais le projet de réforme lancé par le ministère de tutelle avec la collaboration de tous les partenaires sociaux pourrait bientôt aboutir à une meilleure organisation du secteur et permettre une meilleure visibilité.

En attendant, et sans que cela ne soit particulièrement surprenant, les jeunes ne chôment pas et les plus tenaces parviennent à se frayer un chemin et des plus beaux. Lassaad Oueslati est parmi ceux qui ont choisi de se battre avec leurs propres moyens. Avant même qu'il ne finisse ses études à l'université tunisienne, ce jeune originaire de la ville du Kef, s'était lancé dans de petits projets d'autoproduction servant ainsi de locomotive à un groupe de techniciens parmi ses camarades de classe. Plus tard il fera partie de ce qui pourrait être appelé "cinéastes indépendants". Ceux-ci forment deux grands groupes.
Il y a ceux qui se sont regroupés autour de producteurs, comme Selma Baccar et Brahim Letaief, animés par un élan d'aventure, de confiance en ces jeunes, mais aussi d'un peu de pragmatisme.
Il y a ensuite ceux, venant des écoles de cinéma ou issus de la Fédération Tunisienne des Cinéastes Amateurs, qui ont compté sur leurs propres moyens pour mettre en place des productions à petit budget.

Après une période d'hésitation et de recherche de repères, d'aucuns ont trouvé leurs chemins. Il y a ceux qui continuent de cultiver l'esprit de solidarité comme le groupe d'anciens cinéastes amateurs du Club de Tunis installés à Paris. Il s'agit nommément de Walid Matar, Ikbal Tlili, Leyla Bouzid, Ghassem Amami, Walid Taya. Un autre groupe du même type s'est constitué à Bruxelles avec Amel Bouzid, Sara Laabidi, Nadia Touijer. Tous ont tenté l'expérience de la réalisation avant de s'expatrier. Récemment on a vu émerger quelques titres qui ont participé à plus d'un festival : Le Refuge de Nadia Touijer, Fils de Tortue de Walid Matar. Partis pour suivre des études, de cinéma ou autres, ils mènent leur aventure d'existence en tant que cinéastes.

Tout récemment Lassaad Oueslati commence à se laisser aussi tenter par le travail en dehors de nos frontières. Avec son court métrage, La Citerne, et ensuite avec son documentaire Mémoire d'une femme, le jeune réalisateur a fait le tour du monde depuis les États-Unis, à Dubaï passant par la France et les Pays-Bas. Sa dernière apparition ne date pas de plus d'une semaine où son documentaire a été projeté aux pays des Tulipes dans le cadre d'un festival euro-arabe dédié au thème des minorités. Très discrètement, le cinéaste continue d'avancer sur son chemin avec des pas lents mais sûrs.

Lassaad Oueslati ne voyage pas seulement pour participer aux Festivals. Bien qu'il soit jeune, il commence déjà à vivre l'aventure de la production et non pas seulement au plan local, mais aussi à l'étranger. Il avait travaillé déjà sur des productions étrangères en Tunisie en assistant Roberto Begnini ou Mario Monicelli. Mais là, il entend partir à l'aventure en dehors de nos frontières. C'est ainsi que l'on apprend que ces derniers temps il ne cesse de voyager entre le Maroc, les Pays-Bas et l'Allemagne en compagnie d'une équipe de tournage réduite. C'est que le jeune réalisateur travaille sur un projet de documentaire sur l'écrivain Marocain Mohamed Choukri, l'auteur du célèbre roman : Le Pain nu. Aussi se déplace-t-il d'un pays à l'autre en quête de témoignages de spécialistes et de compagnons de route de l'écrivain avec lesquels il réalise des interviews.

Quand on pense à tout cela, on se dit que le monde n'est certes pas parfait. L'on regrette l'échec des uns, et l'on pourrait même crier à l'injustice. Mais on ne peut que saluer la ténacité des autres qui se battent et s'imposent par leurs moyens et chacun à sa manière. À la fin, tous ces efforts payeront, cela est certain. Et la reconnaissance viendra tout naturellement à ceux qui tiennent bon.

Hassouna Mansouri

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