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Entretien avec Simon-Pierre Bell, réalisateur, promoteur du festival Images en Live
" Lorsqu'il y aura une crise de surproduction, les médias africains se poseront beaucoup de questions"
critique
rédigé par Martial Ebenezer Nguéa
publié le 07/12/2009
Martial E. Nguéa
Martial E. Nguéa
Simon Pierre BELL
Simon Pierre BELL

Jeune réalisateur spécialisé dans le documentaire, Simon-Pierre Bell est en cycle de recherche à l'Université de Yaoundé 1.après plusieurs formations en écriture et réalisation. Il a réalisé quelques courts métrages dont les plus remarquables sont, Paa Djadji, et Bilim bi Jam. Il a aussi reçu le prix spécial du jury ciné Sud France 2008 pour Bilim bi Jam. Aujourd'hui, il coordonne la première édition du festival international du film documentaire dénommé Images en live.

Vous êtes le coordonnateur du festival Images, festival du film international du film documentaire du Cameroun dont la première édition a lieu du 08 au 13 décembre 2009 à Yaoundé. Qu'est-ce qui a été le prétexte de la création de ce festival consacré uniquement au film documentaire ?

Nous sommes partis d'un constat simple. Lorsque je me suis inscrit à la faculté des Arts, Lettres et Sciences humaines de l'université de Yaoundé1, filière Arts du Spectacle, mon intention était de réaliser des documentaires au terme de ma formation. Malheureusement les enseignants autour de nous n'étaient pas des spécialistes du documentaire. Je me suis dit qu'en poursuivant à un cycle supérieur, je pouvais combler ce déficit. Là encore, j'ai rencontré un autre malheur, l'enseignant avec qui je travaillais dans ce sens, a été victime d'un accident de la circulation qui lui a coûté la vie. C'est fort de tout cela que j'ai opté pour un travail sur le terrain. Il s'agit de collecter suffisamment de données pour pouvoir réaliser d'abord un semblant de documentaire et plus tard créer un festival qui servirait de vitrine à beaucoup de jeunes qui, comme moi, voudraient se jeter dans l'arène du film documentaire.
Les œuvres documentaires, au Cameroun, par exemple, on n'en trouve pas suffisamment. Nous voulons aussi que les jeunes trouvent par là le moyen de se former. Ce festival est vraiment basé sur la formation des jeunes.

Aussi, vous baptisez votre festival "Images en live", concrètement qu'est-ce que cela signifie ?

Images en live, c'est simple comme vous l'entendez, images en direct ! C'est un terme composé en français et en anglais pour présenter la réalité du Cameroun à travers son bilinguisme. C'est aussi une séquence du cinéma, le direct.

Dans la note d'intention du festival, vous dites que vous souhaitez avoir une Afrique qui se voit. Que doit-on comprendre par ces termes ?

Vous savez le Cameroun, tout comme le continent africain, a vraiment besoin d'un regard endogène des réalités qui l'entourent. Parce que lorsqu'on regarde nos chaînes de télévision, la plupart des programmes diffusés à longueur de journée viennent des pays étrangers. Ce n'est justement pas quand on voit ces images que nous pouvons véritablement changer. C'est en regardant ses propres images auxquelles on peut s'identifier que l'on enclencher un processus de changement de mentalité. Ce festival a été créé dans l'optique de montrer les divers regards sur la société africaine par les Africains, donner à voir les images des Africains aux Africains. Parce que les images des Africains leur parviennent souvent très peu. Les médias africains préfèrent acquérir des programmes venus d'ailleurs. Je reste convaincu que quand nous aurons montré les œuvres, nous aurons suscité une surproduction. Et lorsqu'il y aura une surproduction des images africaines en Afrique, les médias africains se poseront beaucoup de questions.

Dans votre programmation, vous allez diffuser des films en salle et en plein air.

Ici à Yaoundé, le centre culturel français et le Goethe institut, pour certaines personnes sont des lieux destinés à une catégorie de personnes. C'est à tort, parce que ces lieux sont ouverts et accessibles à tous. Pour essayer de pallier à ces différences de pensée, nous avons opté aller dans les quartiers à la rencontre du public. Avec le peu de moyen dont nous disposons, nous n'avons malheureusement pas pu servir tous les quartiers escomptés. Mais, nous tenterons de toucher le plus grand nombre. Nous irons dans les quartiers de la ville de Yaoundé tels Tsinga, Cité-Verte, les campus de l'Université de Yaoundé 1.

Vous annoncez aussi les compétitions entre créateurs.

Effectivement, il y a deux compétitions : le court métrage documentaire pour les jeunes camerounais. Question de les inciter à réaliser davantage les courts métrages documentaires. Et aussi, une autre compétition sur les langues africaines.

Quels sont à cet effet les professionnels attendus à ce rendez-vous ?

À la base, nous avons établi un listing suffisamment étoffé pour avoir les meilleurs professionnels qui consacrent leurs travaux au film documentaire. Malheureusement, il y en a qui se sont désistés. Il est aussi clair que nous ne disposons pas assez de moyens financiers pour les faire venir. Il y a en aussi peut-être qui ne font pas confiance au projet parce qu'il est jeune ou tout simplement parce que nous ne sommes pas dans les réseaux.
Cependant, nous avons Jean Marie Barbe, du réseau Africa doc, partenaire du festival qui a confirmé sa participation, qui a créé le master réalisation documentaire à L'université Saint Louis, avec qui nous avons entamé la possibilité de voir créer à l'université de Yaoundé 1 un master réalisation documentaire qui pourrait desservir l'Afrique Centrale, étant donné que le Cameroun a été un pays phare de l'Afrique Centrale. Il y a un réalisateur Suisse, deux réalisateurs camerounais qui ont achevé leurs études en ethnographie : Adamou Amadou et Babete Koultchoumi, et d'autres professionnels locaux. Je pense à Prudence Théophile Ngwe II qui fera la première de son film intitulé Comment toucher ?, pendant le festival. Il faut aussi dire que les films viennent à ce festival viennent de l'Afrique avec les pays tels le Sénégal, les Seychelles, le Burkina Faso, le Togo, le Bénin et bien sûr le Cameroun. Pour les œuvres européennes nous avons la France, l'Espagne, l'Allemagne et l'Amérique avec l'Argentine.

On sait que le souci de tous les festivals reste la question de financement de vos projets. Comment vous y êtes pris à Images en live ?

Je peux vous dire que j'ai réalisé ce festival avec mes propres moyens. C'est aussi l'occasion de remercier l'ambassade d'Espagne qui a pris en charge le volet formation de ce festival. Le Goethe institut et le centre culturel français qui, chacun, ont pris une part très active dans la réalisation de ce festival, en termes de communication autour de l'évènement, de transport de certains invités et de la logistique diverse. Ces structures sont en passe d'être pour nous des moteurs de force pour la mise en œuvre de Images en live.

Et avec le ministère de la Culture, où en êtes-vous ?

Nous entretenons de bons rapports. Nous nous sommes rapprochés d'eux. Pour le moment nous n'avons aucun retour positif. J'ai l'impression qu'ils nous observent encore. Peut-être plus tard, ils se rendront compte de cette jeunesse qui tourne autour du projet, ajouté à cela leur dévouement à développer le secteur du documentaire au niveau du cinéma.

La critique observe qu'il y a déjà beaucoup de festival, parfois sans véritables moyens, malgré cela les initiatives continuent à émerger.

Moi, je suis pour qu'il y ait le plus de festivals possibles. Cela pousse les jeunes à créer, à innover dans l'optique que les diffuseurs sont de en plus en plus nombreux. Même sans moyens, je suis convaincu que plus tard les mécènes comprendront que c'est aussi une voie d'expression où chacun peut trouver son compte. Je suis parfaitement d'avis pour qu'il y ait des festivals qui apportent des innovations chaque année. Cette multiplicité de festivals va créer des innovations majeures au niveau de la création et dans une perspective de 10 ans, on aura un Cameroun cinématographique nouveau.

Propos recueillis par Martial E. NGUEA

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