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Invictus
Mandela statufié par Eastwood
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 07/01/2010
Michel Amarger
Michel Amarger
Clint Eastwood
Clint Eastwood
Patrice LUMUMBA (1925-1961)
Patrice LUMUMBA (1925-1961)
Lumumba, de Raoul Peck
Lumumba, de Raoul Peck
Forrest Whitaker (interprétant Idi Amin Dada)
Forrest Whitaker (interprétant Idi Amin Dada)
Nelson Mandela, le 4 juillet 1993 à Philadelphie
Nelson Mandela, le 4 juillet 1993 à Philadelphie
Morgan Freeman est Mandela
Morgan Freeman est Mandela
Matt Damon est François Pienaar
Matt Damon est François Pienaar

LM Fiction de Clint Eastwood, Etats-Unis, 2009
Sortie France : 13 janvier 2010

Les leaders politiques noirs inspirent de belles figures de cinéma. Après Malcolm X revu par Spike Lee, en 1992, Patrice Lumumba investi par Raoul Peck, 2000, et même Idi Amin Dada chargé par Kevin MacDonald dans Le Dernier Roi d'Ecosse, 2005, Nelson Mandela paraît une nouvelle fois dans une fiction. Le chef d'État sud-africain est le héros d'une ambitieuse production américaine, signée par une vedette du genre, Clint Eastwood. Vingt ans après avoir tourné en Afrique, Chasseur blanc, cœur noir, le cinéaste revient sur le terrain pour diriger Invictus. Ce titre qui signifie "invincible" en latin, désigne un poème de l'Anglais William Ernest Henley, écrit en 1875 pour célébrer la force intérieure. Une référence pour Nelson Mandela qui le cite comme ressource morale durant ses 27 ans d'emprisonnement.

Le film de Clint Eastwood cadre Mandela en 1995, lorsqu'il est devenu le premier président noir de l'Afrique du Sud, après l'abolition de l'apartheid. Cette année-là, le pays accueille la Coupe du Monde de rugby. Un vrai challenge pour l'équipe nationale, les Springboks, pas très aguerrie mais du coup qualifiée. Soutenue par les Afrikaners mais honnie par les Noirs, elle cristallise les fractions du pays. L'idée de Mandela plutôt adepte de la boxe, est d'utiliser le terrain de rugby pour réconcilier le peuple sud-africain autour de son équipe. Pour cela, le président ne ménage pas son soutien en s'affichant avec le capitaine afrikaner François Pienaar, qui a pour mission de remporter la coupe.

L'équipe a fort à faire avant d'en arriver là. Après une absence de vingt ans dans les compétitions internationales pour cause d'apartheid, les joueurs cherchent d'abord leur niveau de jeu. Puis, ils entreprennent leur préparation en s'isolant des problèmes extérieurs. Le soutien de Mandela est le pivot de l'action autour du capitaine. Il enfile le maillot numéro 6 des Boks pour imposer la victoire comme un symbole de la réunification nationale. L'épopée est filmée fermement par Eastwood qui célèbre l'affirmation de soi par la volonté, et la puissance de cohésion d'une équipe motivée. Les aspects moins reluisants de l'histoire, arbitrage défavorable aux Bleus français, rumeurs d'empoisonnement des All Blacks néo-zélandais, restent dans l'ombre.

Invictus s'appuie pourtant sur les recherches documentaires poussées d'Eastwood pour rendre les scènes de jeu réalistes. L'ancien allier noir Chester Williams, membre de l'équipe finaliste, a supervisé l'authenticité des séances de rugby. Autour, on sent le pays en mutation. Car les affrontements entre les membres de l'IFP, le parti nationaliste zoulou, et l'ANC, celui de Mandela, font rage entre 1993 et 1995. L'époque de la Coupe du Monde est le moment où le président cherche à asseoir la légitimité de son action de chef d'État. Sans évacuer ce contexte, Clint Eastwood centre l'action sur la progression de l'équipe et l'accession à la finale qui en est l'apothéose.

Morgan Freeman, plébiscité par Mandela, incarne le président supporter. C'est lui qui a acheté les droits du livre Playing the Enemy de John Carlin, pour proposer la réalisation à Clint Estwood. Après avoir joué pour lui dans Impitoyable, 1992, et Million Dollar Baby, 2004, Freeman électrise les foules dans les rues d'Afrique du Sud.
À ses côtés, Matt Damon, teint en blond, est Francis Pienaar, le capitaine conquérant. Le héros de Will Hunting et de la trilogie Jason Bourne, s'est entraîné quatre mois pour acquérir les techniques du rugby et prendre un accent afrikaner crédible.
Scott Reeves, un des fils d'Eastwood, est aussi dans le stade pour interpréter Joel Stansky, l'auteur du drop victorieux dans les arrêts de jeu en finale.

Invictus suit le récit qui l'a inspiré. Survolant l'existence de Mandela de sa sortie de prison à son élection à la présidence, il consacre le triomphe des Springboks. La stature de l'homme politique est étayée par son aptitude à profiter d'un événement populaire pour cimenter l'idéal d'une nation déchirée. Conscient du pouvoir de son image, le président est le sujet de nombreux documentaires et de fictions. On l'a même vu brièvement dans Malcolm X de Spike Lee, camper un professeur de Soweto. Aujourd'hui, le militant de 92 ans est une icône. En dirigeant son trentième film, Clint Eastwood, qui aligne 79 ans, fait aussi preuve de tempérament. Invictus est fait pour ceux qui aiment rester dans le jeu. Et l'Afrique du Sud reçoit le Mondial de foot en 2010…

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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