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René Vautier, l'infatigable cinéaste de témoignage
Portrait
critique
rédigé par Mahmoud Jemni
publié le 05/02/2010
Mahmoud Jemni
Mahmoud Jemni
René Vautier
René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Le Petit Blanc à la caméra rouge : Afrique 50, de René Vautier
Afrique 50, de René Vautier
Afrique 50, de René Vautier
Afrique 50
Afrique 50
film portrait de Richard Hamon sur René Vautier
film portrait de Richard Hamon sur René Vautier
Fameck/Val de Fensch 2010
Fameck/Val de Fensch 2010

Décoré à l'age de 16ans de la croix de guerre pour faits de résistance, René Vautier a promis de ne plus jamais se servir d'une arme. Reçu au concours d'entrée à l'IDHEC, premier à l'écrit et deuxième à l'oral, il en sort en 1948, major de la section réalisation-documentaires. Cette jeune tête bretonne croit profondément que le cinéma a le devoir de raconter, expliquer et dénoncer. En somme, pour lui, la pellicule cinématographique assure la fonction de miroir, de témoin de son temps. Le cinéma n'est pas seulement un simple spectacle, il est moyen d'information sur les vérités multiples de l'époque qu'il représente.

Sa règle de conduite est de faire lui-même le cinéma qu'on ne veut pas lui donner et plus précisément qu'on ne lui laisse pas faire. Son cinéma est à l'opposé de toute production qui hypnotise les consciences.

Un cinéaste précurseur

René Vautier n'a jamais été tenté par le cinéma de propagande. Il le trouve trop orienté. Sa prédilection est le cinéma de témoignage. Ce type d'images consiste à montrer, à dire la vérité. Dès la sortie de l'IDHEC, la ligue de l'Enseignement lui demande de réaliser en 1949 un film destiné aux écoliers montrant comment vivent les villageois d'Afrique Occidentale. Il en revient avec un film en 16mm : "Afrique 50" un vrai pamphlet. Ce document a été cité par le jury du Prix Louis Lumière comme meilleur film documentaire de l'année et recevait la médaille d'or du meilleur documentaire. Cette récompense s'est soldée de treize inculpations et d'une condamnation à un an de prison.

"Afrique 50", premier film français anticolonialiste, inaugure le combat de Vautier. Depuis, il a définitivement - caméra au poing - choisi son camp : être de l'autre côté. Il tourne en avril 1950 "Un homme est mort". Ce film accompagné par la lecture d'un poème de Paul Eluard montre l'enterrement d'un ouvrier brestois. Il fut projeté dans les chantiers et les bistrots de campagne.

Du côté de l'Algérie

André Malraux écrit que "René Vautier est un français qui a vu juste avant les autres". Ce même Vautier opte pour la rupture avec un genre d'images et réalise "Une Nation d'Algérie". Il sera poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de l'Etat à cause d'une phrase dans le documentaire : "de toute façons, l'Algérie sera indépendante, et il conviendra de discuter avec ceux qui se battent pour l'indépendance, avant que trop de sang ne coule". Puis il finit par rallier le FLN et tourner entre 1956-58 divers courts métrages dont "Algérie en Flammes". De cette rencontre avec un Français vont naître les premières images algériennes. Elles seront enrichies par d'autres hommes de cinéma français dont quatre amis de Vautier : Yann Le Masson et sa femme Baidar Paliakoff, Pierre Clément et Cécile Cujis.

L'opérateur Pierre Clément a tourné en 1957 avec Vautier "Anneaux d'Or" premier film tunisien primé à Berlin (Ours d'argent), avec Claudia Cardinale dans son premier rôle. Grâce à Clément et Vautier, on a des images témoignant des bombardements de Sakiet Sidi Youssef le 08/02/1958. Cette attaque a fait 70 morts dont la majorité sont des élèves de l'école primaire du village. Quant à Cécile Cujis (de la bande des quatre amis) appelée pour être scripte sur "Anneaux d'Or", elle a préféré tourner "Les réfugiés dans un camp de la frontière" avec l'aide de Hédi ben Khelifa.
René Vautier, Yann Le Masson et sa femme ont tourné "J'ai huit ans". Dix minutes de court métrage à base de dessins d'enfants algériens. C'est un film accusateur qui sonne vrai. De 1958 à 1960, recherché en France pour aide au FLN, René Vautier se trouvait dans une cellule de condamnés à mort d'une prison du G.P.R.A. Il en sortira en juillet 1960 avec les excuses du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) et l'hommage de ce gouvernement algérien. Après l'indépendance de l'Algérie, il crée à Alger le centre Audiovisuel et devient président de l'association des cinémas Populaires.
Il est le seul Français élu à la tête d'une association algérienne.

L'œuvre et le style

Riche, variée en différents supports, telle est l'œuvre de Vautier. Du documentaire à la fiction en passant par les films/émissions, René Vautier a traité divers problèmes dont le colonialisme, les luttes de libération, l'immigration, le racisme (avec hommage spécial du jury International du film antiraciste pour l'ensemble de son œuvre), la censure (grève de la faim en 1973 pour que "Octobre à Paris" de Jacques Panijel obtienne son visa), les essais nucléaires. Il a aussi livré des témoignages avec une série intitulée "Marginaux d'Histoire histoire d'images". Son répertoire se compte par dizaines.

Fin observateur, Vautier puise ses sujets dans la réalité et offre aux gens filmés l'occasion de parler. Il reconstruit sa matière d'une façon séduisante et assure une authenticité qui ne dérange en rien le style. Il ne cultive pas l'ennui. Au contraire, il le bannit en construisant une esthétique agréable à l'œil et à l'oreille. Toute la linguistique du 7è art est mobilisée pour que l'œuvre soit belle. Ses films de fiction sont attachants. Ils sont servis par la fine crème du cinéma français tels que Antoine Boufauti, un des meilleurs ingénieurs de son français et professeur à l'INSAS et Yann Le Masson, habile directeur de photo et bon réalisateur comme en témoigne son film "Kashima Paradise" sélectionné à Hollywood pour un Oscar en 1974. Ses films relatent les évènements et exposent les conceptions sans désagrément. On ne se lasse pas de les voir ne serait-ce que pour les belles images. Des chansons à la manière des "Songs" brechtiens.

Laissons parler deux critiques de deux films de Vautier tournés en Tunisie le premier en 1971, le second en 1973.
Marcel Martin écrivait à propos de la fiction "Avoir vingt ans dans les Aurès", Prix de la critique à Cannes (1972) "C'est sur cette sale guerre qu'il témoigne ici d'un étonnant film dont l'originalité absolue est qu'il montre pour la première fois la guerre de l'Algérie vue de l'intérieur… Ces bidasses qui chahutent comme des gamins entre deux "ratonnades" donne assez bien le ton et le climat de la vie quotidienne du soldat en guerre, cohabitation assez effrayante de la sottise et de la violence, ceci expliquant cela et réciproquement".
Quand à Férid Boughdir, il a écrit en 1974 à propos de "La Folle de Toujane" (Prix de la Fédération Internationale des Ciné-clubs) "C'est un appel tonique à la révolte et à la liberté, un brouillard généreux, brûlant d'un romantisme dont le cinéma a perdu le secret".

En guise de conclusion

Il y a 28 ans, Vautier était quinquagénaire et le même Férid Boughdir disait de lui : "Il reste le plus jeune des cinéaste Français".
Quant à moi je dirais que cet octogénaire demeure lucide, vaillant, intarissable, juste, vigoureux, pamphlétaire, fidèle à son camp. Il est serviteur des causes nobles là où elles se trouvent, croyant toujours - et faisant croire - que dans l'autre coté il n'y a pas que des ennemis, qu'il y a aussi des amis avec qui on peut dialoguer, échanger et écrire, ensemble, l'histoire.

Mahmoud JEMNI

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