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Le fil
Dénouer les amours masculines en Tunisie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 09/05/2010
Michel Amarger
Michel Amarger
Antonin Stahly (Malik) et Claudia Cardinale (sa mère)
Antonin Stahly (Malik) et Claudia Cardinale (sa mère)
Antonin Stahly (Malik) et Salim Kechiouche (Bilal)
Antonin Stahly (Malik) et Salim Kechiouche (Bilal)
Malik et Bilal
Malik et Bilal
Malik et Bilal
Malik et Bilal
Claudia Cardinale (mère de Malik) et Salim Kechiouche (Bilal, l'amant de son fils)
Claudia Cardinale (mère de Malik) et Salim Kechiouche (Bilal, l'amant de son fils)
Malik et Bilal
Malik et Bilal
Claudia Cardinale (mère de Malik)
Claudia Cardinale (mère de Malik)
Antonin Stahly (Malik)
Antonin Stahly (Malik)

LM Fiction de Mehdi Ben Attia, Tunisie/ France, 2010
Sortie France : 12 mai 2010

Il y a encore des sujets que le cinéma aborde avec parcimonie dans certains pays. C'est le cas de l'homosexualité en Tunisie. Même si des cinéastes y font allusion au détour d'une fiction, il est rare que l'amour de deux hommes soit le sujet d'un film. Ainsi le premier long-métrage de Mehdi Ben Attia, Le fil, se pose comme une oeuvre audacieuse. Son auteur, né en Tunisie, en 1968, s'est établi à Paris à 18 ans pour effectuer des études socio politiques. Il s'affirme scénariste et co-signe sitcoms, magazines télé, longs-métrages comme La fêlure de Zina Modiano. Il retrouve la Tunisie pour diriger un film court, En face, 1999, traitant d'une handicapée de 20 ans qui convoite un voisin qu'elle aime en secret jusqu'à ce qu'on la marie à un autre. Dix ans après, Mehdi Ben Attia s'appuie sur une coproduction franco-belge pour réaliser Le fil.

Le récit accompagne Malik à Tunis. Après un séjour en Europe qui a suivi la mort du père, cet architecte de 30 ans, retourne dans la maison de sa mère pour apaiser sa conscience et lui avouer son homosexualité. L'aveu tarde tandis que Malik est gagné par le charme de Bilal, le nouveau domestique, venu de France pour vivre au pays. L'attirance se transforme en romance tandis que Malik accepte un mariage de convenance avec une collègue architecte, enceinte par insémination artificielle, qui veut élever un enfant avec sa compagne. La fête du mariage est l'occasion des aveux, de l'apaisement de Malik, résolu à vivre aux côtés de Bilal avec l'aval de sa mère. Ce qui le libère du fil de culpabilité qu'il éprouve comme un tricot défait dans ses rêves.

"Au départ, il y avait juste cette envie de raconter une histoire d'amour entre garçons en Tunisie et cette idée du fil qui, physiquement comme symboliquement, relie le héros à son passé", indique Mehdi Ben Attia. Il tourne en scope, avec des teintes claires, des paysages lumineux où s'inscrivent les corps en plans rapprochés. "Je voulais faire un film plastiquement travaillé, que ce soit beau et accessible", explique le cinéaste. Le milieu aisé de la famille de Malik lui permet d'évoquer les amours masculines dans des décors cossus qui servent d'écrin à une romance sans obstacle. "Il me semble qu'il est plus subversif de raconter une histoire d'amour entre garçons dans un pays arabe où tout se passe bien !", estime le cinéaste, offrant une image tolérante de la Tunisie.

Pourtant les rapports amoureux des héros, entourés de dragues dans les faubourgs, sont loin d'épouser la vision du pays prônée par l'État. "Je me suis rendu compte que l'interdit dans la tête des gens est beaucoup plus social que politique", estime Mehdi Ben Attia. En montrant des hommes qui affirment leur amour, Le fil s'inscrit à contre courant de la répression subie par les homosexuels au Maghreb. "Je suis assez mal à l'aise par rapport à une vision victimiste de l'homosexualité car j'ai l'impression que les gens qui se situent dans cette perspective reconduisent ce qu'ils dénoncent et perpétuent ainsi quelque part, malgré eux, l'homophobie", déclare Ben Attia. L'émancipation passe alors par l'aveu à la mère, constituant un moteur de l'action.

"C'est une mère méditerranéenne, possessive qui a beaucoup de pouvoir en particulier sur son fils sans vraiment s'en rendre compte", commente le cinéaste. "Elle ne voulait pas voir l'homosexualité de son fils mais, après l'avoir admise, elle saisit très vite qu'elle n'y perd rien dans son rapport avec lui." Le rôle est écrit pour Claudia Cardinale, star qui a grandi à Tunis et y a peu tourné depuis Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli. Séduite par la figure d'une catholique mariée à un musulman vers 1960, elle s'applique à jouer cette femme osée, d'abord fermée à l'homosexualité de son fils. Antonin Stahly, venu du théâtre, incarne Malik et Salim Kechouiche son amant. Leurs étreintes se tissent dans un film limpide, émaillé de scènes attendues, de visions idéalistes dont la candeur reste sur le fil.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France / Africiné)

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