AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 004 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Femmes du Caire de Yousry Nasrallah (Egypte)
Rendre à la femme égyptienne son vrai visage [1]
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 16/05/2010
Meriam Azizi
Meriam Azizi
Yousry Nasrallah
Yousry Nasrallah
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Femmes du Caire
Dunia de Jocelyn Saab
Dunia de Jocelyn Saab
Jocelyn Saab
Jocelyn Saab

Son nom est associé à feu Youssef Gabriel Chahine en tant qu'assistant réalisateur sur Adieu Bonaparte, Alexandrie encore et toujours ou encore Le Caire raconté par Youssef Chahine. Après des années d'apprentissage, le disciple vole de ses propres ailes en signant 7 longs métrages dont le premier, Vols d'été (1988), a eu l'exclusivité d'ouvrir la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes. Rien de plus gratifiant pour un cinéaste dévoué à cette passion déjà inspiratrice chez Chahine : mesurer le pouls de la société égyptienne à l'œil de la caméra en usant du plus vieil art dans l'humanité: raconter des histoires. Avec Femmes du Caire (dont le titre en arabe Raconte Shérazade est de loin plus métaphorique), Nasrallah se consacre pour la première fois exclusivement à la réalisation, la tache de scénariste ayant été confiée au non moins reconnu actuellement Wahid Hamed à qui l'on doit la transposition à l'écran du roman L'immeuble Yacoubian.

Il y a quelques années, j'ai publié ici même un article sur Dunia [article n°6158]]. Je ne peux ne pas évoquer ici cet autre film tourné en Egypte, tellement les deux scénarios se recoupent. À quelques différences près que dans le film de Jocelyne Saab (Liban, 2005), la femme égyptienne est représentée par un seul personnage qui porte une seule histoire. Par ailleurs l'insistance sur le poids des coutumes et en l'occurrence l'excision a eu pour conséquence l'exclusion de l'homme de la vie de la femme. Même si le masculin apparaît parfois, sa présence, comme un mirage, est estompée.

Femmes du Caire déroule un scénario structuré sur la base de récit en gigogne. Cependant, dès le début, le récit principal s'installe dans un décor d'une modernité presque excessive mettant en scène un couple de journalistes filant le parfait amour. Hebba, célèbre animatrice de talk show politique et Adham, journaliste briguant le poste de rédacteur en chef. Très vite, le tableau idyllique s'assombrit à petites touches jusqu'au drame final qui met fin au film.

Le conflit naît entre l'esprit engagé de Hebba dont se démarque son émission et l'opposition de son mari à cet enthousiasme politique: il y va de son avenir professionnel. Les dénonciations de corruption qui éclatent au jour sur le plateau de l'émission nuisent à l'image de son mari, lui qui travaille dans un quotidien du gouvernement. L'épouse adopte alors un autre ton plus léger, une autre ligne éditoriale rassurante : parler du social et éviter la politique. Le déclic s'est produit à la rencontre d'une vendeuse chez Sephora. Issue d'un milieu défavorisée, la femme est obligée de mener une double vie: Moderne, hyper maquillée dans les beaux quartiers où elle travaille, voilée de retour chez elle.

Le choix du talk-show politique permet un schéma en mise en abîme. Ce dispositif télévisuel enfante les trois récits de femmes qui gravitent autour du personnage de l'animatrice que rien au départ ne semble soupçonner en elle la victime d'une quelconque violence conjugale.
La principale Shérazade invite chaque soir une shérazade pour venir conter une fable qui s'avère sa propre histoire. Le spectateur du film et de l'émission (spectateur diégétique) plonge dans ce récit de mise à nu où l'intime dévoilé pour le partage cathartique favorise une empathie optimale.
D'autre part, le récit, organisé selon un va et vient entre hebba et les trois femmes invitées, crée un jeu de miroirs entre elles qui se transforment en visages de l'animatrice. Chacune d'elles a subi l'injustice d'une société oppressante toujours rangée du côté du mâle dominant et des riches. Ici les choses se dégradent car le social verse inévitablement dans le politique et que tout est politique.
Le même sujet se décline sous trois formes n'épargnant ni l'intellectuelle qui rêve d'un couple fondé sur l'amour, le partage et le respect de l'égalité, ni l'orpheline trahie, ni la dentiste issue d'une famille aisée victime d'un escroc qui se voit propulsé sur la scène politique.
Tant de contradictions d'ordres sociales qui mettent pourtant sur le même pied d'égalité toutes ces femmes. Hebba, la fausse imperturbable se rapproche peu à peu d'elles jusqu'au dernier numéro où par son visage défiguré par les coups de son mari, elle se confond avec toutes ces femmes (amante, mère, sœur) symbole de l'Égypte. On ne dit pas que la femme c'est l'image de la patrie ? La caméra se détache de Hebba et se place en plongée comme pour signifier l'omniprésence d'un œil suprême témoin de toutes ces atrocités faites contre la femme. L'animatrice enlève dignement ses lunettes pour témoigner d'une Égypte amputée de sa deuxième moitié: la femme, cet être humain pilier de la société et de sa progression.

Au-delà du discours premier, Femmes du Caire tire la sonnette d'alarme sur cette dernière période de montée de l'extrémisme qui vise à cacher la femme et par conséquent à la réduire uniquement à un objet de désir, à une chose. Tout ceci, sans imputer indirectement la responsabilité à un système économique défaillant dont la fâcheuse conséquence est la disparition de la classe moyenne devant la croissance de la misère que l'on voit essentiellement dans le récit central des trois sœurs orphelines. Le combat est à poursuivre…

Meriam Azizi

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés