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L'hommage de l'ASCRIC-B à Sotigui
critique
rédigé par Emmanuel Sama
publié le 23/05/2010

Toutes nos salutations à vous autorités de tutelle, aux personnalités présentes, aux membres de la famille Kouyaté et aux délégations des démembrements de la famille venus de loin, aux professionnels du Mali, du Niger, de France et du Burkina Faso, aux amis et à tous ceux qui se sont déplacés cette nuit pour cet hommage à Sotigui Bakounda Kouyaté.

Nous venons ce soir de porter en terre un géant, non seulement par la taille mais également géant pour son immense talent.
L'Association des Critiques de Cinéma du Burkina (ASCRIC-B) ne pouvait pas être en reste en ces moments de communion. Elle m'a confié la lourde tâche de porter son hommage au géant qui vient de partir.
Sotigui est parti. Sotigui n'est pas mort. En Afrique, nous dit le poète "les morts ne sont pas morts ; ils sont dans les feuillages qui bruissent; dans l'eau qui coule ; dans le vent qui souffle"
Sotigui demeurera toujours, avec le sourire qu'on lui connaît, dans les images qui bougent, dans les pièces théâtrales qu'il a créées et montées et que son âme habite.
Sotigui restera immortel à plusieurs autres titres, car il n'aura pas été à 74 ans une bibliothèque qui a brûlé. Passeur des savoirs, il l'aura été; courroie de transmission des substances essentielles de nos cultures africaines et de celle des premiers griots du grand empire du Mandingue, les Kouyaté.

L'hommage de l'ASCRIC-B, dans le rôle qui est le sien, se veut, pas seulement fait d'évocations mais surtout une invitation, sinon une interpellation aux comédiennes et comédiens de cinéma à puiser dans le vécu et le parcours des leçons de vie ; à suivre sa voie, celle de la rigueur dans le travail et de la créativité.

Le porteur du fanion de l'excellence

Sotigui a été l'un des précurseurs du théâtre moderne au Burkina Faso. Sur ce point, nous laisserons le soin à des voix plus autorisées afin qu'elles reviennent sur sa prodigieuse carrière. Gustave Sorgo, célèbre comédien burkinabè, vous en a livré un avant-goût.
Nous retiendrons pour notre part qu'il est le précurseur du casting dans le cinéma burkinabè, qu'il a débuté en 1982 sur le long métrage "Jours de tourmente" de son ami et réalisateur Paul Zoumbara. Egalement c'est sur les conseils du ce dernier et de feu Mamadou kola Djim, le premier cinéaste burkinabè, qu'il a fondé dans les années 80 l'Association Voltaïque des Comédiens de Cinéma (AVCC aujourd'hui ABCC).Il avait même insisté pour faire des deux cinéastes les membres d'honneur de l'association.

Au nom de la complicité réalisateurs-comédiens

Sotigui était convaincu de la complémentarité qui devait exister entre cinéastes et comédiens. Dans une interview avec un confrère en 1997, il assénait et je dis bien il assénait "j'ai toujours dit que les réalisateurs et les acteurs ne peuvent être des adversaires... cependant, si aujourd'hui nous n'avons pas d'acteurs dignes (parce que lui même ne se considérait pas comme comédien car il aurait fallu passer par des écoles dont il a vainement demandé la création), c'est parce que les réalisateurs n'ont pas donné une importance au rôle d'acteur...". Il poursuivait "on nous mettait dans les frais généraux". Et il posait en 1997 cette question "qu'est-ce qu'il en est aujourd'hui ?". Et la même question et les mêmes préoccupations ne sont-elles pas toujours d'actualité ?

Obsédé du vrai, du beau, et du juste !

Ce que nous nous devons de retenir aussi, c'est son sens de la justesse dans son jeu d'acteur. "La justesse" ! Tel est le mot qu'il martelait très souvent pour faire prendre conscience aux jeunes comédiens, du sérieux à observer dans leur travail. Pas étonnant que le professionnel qu'il a été, parle de casting à exécuter afin de recruter d'assez bons comédiens pour les films dans lesquels il devait lui-même jouer ou pas.

Et quel sens devoir !

En 2001 au Festival du film de Namur où il était très attendu par les professionnels du 7è art et les festivaliers, l'on annonça qu'il avait été renversé à Paris par un automobiliste. Conséquence : il avait le pied dans le plâtre. Pour l'amour de son métier et pour le plus grand plaisir de ses admirateurs, il fit le déplacement jusqu'à Namur. L'on se souvient encore lors de la cérémonie de clôture de cette salle comble qui lui a réservé un standing-ovation, alors qu'il était cloué dans un fauteuil roulant. Ce fut un moment unique et mémorable sous les feux roulant de la presse.

Sotigui l'Immortel !

Sotigui, géant de la scène doublé d'un monstre sacré laisse à la postérité son ingéniosité et surtout son sérieux dans ce métier pour lequel il ne badinait pas du tout. Puisse la famille des comédiens exploiter de façon intelligente ses chefs-d'œuvre afin de valoriser dignement, autant sinon davantage que Sotigui, la profession du comédien. De là où il est, il nous regarde et il serait encore plus fier de voir une bonne moisson d'acteurs africains assurer la relève tout en ennoblissant durablement ce métier de comédien pour lequel il a su porter très haut le flambeau aux quatre coins de la planète.
Sotigui a rejoint le panthéon de la Comédie africaine, aux côtés de grands comme Douta Seck, Balla Moussa Keïta, Amadou Bourou... la liste risque d'être longue ; nous ajouterons James Campbell du Sénégal et notre jeune compatriote Hubert Kagambèga. Ils lui ont ouvert certainement les rideaux pour un accueil triomphal!

Sotigui, l'Immortel repose en paix!

Hommage de l'ASCRIC-B délivré le 19 avril 2010
par Emmanuel Sama,
Secrétaire de l'Association des Critiques de Cinéma du Burkina,
préparé avec la collaboration de Gervais T. Hien

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