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"Muna Moto" (L'enfant de l'autre)
Un documentaire à rebours ?
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 14/06/2010
Bassirou Niang
Bassirou Niang
Muna Moto
Muna Moto
Muna Moto
Muna Moto
Muna Moto
Muna Moto
Daniel Kamwa
Daniel Kamwa
Film de Daniel Kamwa, 2009
Film de Daniel Kamwa, 2009

Il fut applaudi par la critique en 1976, encensé par l'Etalon de Yennenga au Fespaco et le Tanit d'Or aux Journées cinématographiques de Carthage la même année. Malgré tout, "Muna Moto", ce drame de 89 minutes que le ciné club de la Fondation Konrad Adenauer a proposé le mois d'avril dernier à ses habitués à Dakar, est une belle médaille (?) qui a (aussi) son revers.

Lorsque l'on finit de tourner l'œil sur la dernière séquence de "Muna Moto", l'on est presque tenté de plaindre le cinéaste. Pour oser le mot, son courage esthétique n'aura pas été à la hauteur de la pertinence de son thème. Puisque Jean-Pierre Dikongue n'a pas su créer assez ce détachement au temps et à l'espace pour inscrire son œuvre dans une perspective critique que la postérité applaudirait.

Dès la scène d'ouverture, l'on se sent soi-même perméable au sentiment prématuré de voir défiler les images d'un documentaire réalisé par un regard exotique sur une société africaine fermée sur ses valeurs. Les chants et danses habillant la cérémonie de fête du Ngondo, liant le peuple "à ses valeurs originelles", offrent un sens significatif approchant de celui recherché secrètement par certains des films de Jean Rouch. C'est à peine si on arrive à en cacher ses attributs à valeur socio-anthropologique.
Avec la distance, "Muna Moto"est repoussant. 1976 n'est pas 2010.

La dot qui en mobilise l'intelligence créatrice du cinéaste semble être la plus grande victime dans ce film si elle n'en est pas maladroitement le sous-thème. On en parle, certes courageusement, par la voix du personnage de Ngando. Celui-là même dont l'amour pour Ndomé et sa difficulté à avoir la dot donnent un prétexte bienvenu pour développer un discours contre cette coutume… Le thème aurait pu être traité avec une hauteur scénique, avec des acteurs imposants devant la camera et enclins à des postures d'ouverture… Hélas ! On s'en exclamerait cyniquement : "ah, quel gâchis !", avec un pincement de rire. Aucune perspective ! Aucune possibilité de rupture imaginée !
Le cinéaste ne manque pas de génie - il faut le concéder - si l'on se saisit du monologue de Ngando, lorsqu'il déverse sa bile sur la dot et sur ceux qui l'ont institué. On sent son engagement marqué. Mais il s'est contenté du peu.

Les allures filmographiques sont intensément festives quand on revoit défiler en mémoire ce renfort de chants, de sonorités, de déhanchements et d'habitudes "nègres" - pardonnez mon impolitesse ! Et c'est là justement que le critique coince sa plume pour la laisser s'enivrer de remarques pas forcément flatteuses : l'amoureux est un gentil nègre comme celui retrouvé en abondance dans la littérature ethnologique, avec son "rire banania", sa façon pressante de manger et son sourire naïf ; il reflète la psychologie de son milieu social suspendu à des croyances qui n'en promeuvent pas l'habitude de la liberté ainsi que celle de la vision d'une société en mouvement…vers le progrès. Le jeu des regards lors de la scène de fête semble même préfigurer de l'impasse du spectateur.
Le seul mérite de "Muna Moto", c'est d'avoir eu le génie de nous rappeler tristement le film de Daniel Kamwa, "Mâ Sâsâ", présenté au Fespaco 2009 et qui s'en attira les rires moqueurs de cinéphiles. A quelques différences près, les deux films semblent être tournés à la même époque et présenter les mêmes tares… Finalement, "Muna Moto", c'est du "je ne sais quoi". Et excusez du peu !

Bassirou NIANG
Dakar - SENEGAL

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