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Atelier d'experts du cinéma et de l'audiovisuel de l'UEMOA 2010
En attendant la lumière…..
critique
rédigé par Emmanuel Sama
publié le 16/06/2010
Cheikh Ngaïdo BÂ, Secrétaire Général des Cinéastes Sénégalais Associés (CINESEAS)
Cheikh Ngaïdo BÂ, Secrétaire Général des Cinéastes Sénégalais Associés (CINESEAS)
Djakaria Héma‏, Directeur Général cinéma du Burkina Faso
Djakaria Héma‏, Directeur Général cinéma du Burkina Faso
Siège de l'UEMOA, le président de la Commission, Soumaila Cissé, est au premier rang en costume au centre, avec les membres de l'Atelier cinéma 2010
Siège de l'UEMOA, le président de la Commission, Soumaila Cissé, est au premier rang en costume au centre, avec les membres de l'Atelier cinéma 2010
Kitia Touré, cinéaste (Côte d'Ivoire), en interview
Kitia Touré, cinéaste (Côte d'Ivoire), en interview
Kitia TOURÉ, président-rapporteur de l'atelier de l'UEMOA sur le cinéma.
Kitia TOURÉ, président-rapporteur de l'atelier de l'UEMOA sur le cinéma.
Salif Traoré, cinéaste malien (Cannes 2010, France)
Salif Traoré, cinéaste malien (Cannes 2010, France)

Un atelier d'experts du cinéma et de l'audiovisuel (C.A.V) organisé par la commission de l'UEMOA vient de se dérouler (17-19 mai) à Ouagadougou. Il avait pour objectif d'examiner et de valider l'étude d'élaboration des textes communautaires sur la production, la circulation et la conservation de l'image au sein des États membres de l'Union. Ces travaux relancent le processus de mise en œuvre du Programme d'Actions Communes (P.A.C) adopté par la conférence des ministres en charge du cinéma et de la communication tenue à Bamako en 2004 (1er au juin 2004).

L'atelier de validation de l'étude d'élaboration de textes Communautaires du programme d'actions communes pour la production, la circulation et la conservation de l'image au sein de l'UEMOA a réuni au titre de chacun des huit pays de l'UEMOA : le directeur de la cinématographie, celui du bureau du droit d'auteur et un cinéaste indépendant. Ils ont débattu avec les cadres de l'UEMOA et les consultants de la Société Africaine de Management (S.A.M) des projets de directives devant guider la mise en œuvre du programme d'actions communes. Les consultants de ce cabinet étaient commis d'élaborer cette première série de textes communautaires soumis à l'examen des participants à l'atelier.

Trois points essentiels étaient au menu :
* la présentation du programme d'Atelier Communs (P.A.C) (voir communiqué de Bamako en encadré) et l'état d'avancement de sa mise en œuvre brossée par monsieur Komlan Agbo, directeur du patrimoine culturel et des Arts de la commission ;
* la présentation de l'état des lieux de l'étude d'élaboration des textes communautaires
* l'examen par les experts et la validation des textes proposés, la rédaction de recommandations et de motions.

Une nouvelle vision de la culture

De l'exposé liminaire de monsieur Agbo, il ressort que la contrainte majeure que rencontre la commission dans l'élaboration de politique culturelle communautaire est due à la non prise en compte de la culture comme vecteur de développement à sa création le 10 janvier 1994.
Les conséquences de "l'oubli" de la culture du C.A.V sont décrites par monsieur Ibrahim Tamponé, Commissaire par intérim du Développement Social et culturel dans son allocation d'ouverture : "la production cinématographique est agonisante et menacée de disparition si nous ne prenons garde. Elle est caractérisée par une faiblesse de la production due essentiellement à l'épuisement des financements, une désertion des salles, une margination des films africaines dans les salles et sur les petits écrans, une forte piraterie."
Cette crise s'inscrit dans un contexte économique, politique et professionnel marqué entre autres par le désengagement des États, l'absence d'une politique de soutien et le repli sur soi des télévisions nationales, l'absence d'organisation d'un marché régional ou sous-régional pour la production cinématographique et audiovisuelle africaines.
L'adoption du P.A.C à Bamako était l'entame d'un processus qui vise à donner aux États membres, dira monsieur Tamponé "la capacité pérenne de produire et de diffuser des images pour la télévision, le cinéma et la vidéo qui contribuent de manière évidente à la croissance économique et à la dynamique culturelle et politique, indispensables au renforcement de l'intégration régionale ".
Il a estimé que l'industrie cinématographique et télévisuelle est à considérer au même titre que les industries lourdes. Il a également exhorté les experts à faire du FESPACO est événement fédérateur.

Il y avait de quoi réjouir nos experts qui ont entamé leurs travaux par l'analyse des projets de directives. Suite à cette analyse, trois principaux projets de directives ont été validés.
Ils portent sur l'harmonisation du cadre réglementaire ; les dispositions en matière de droit d'auteur et de droits voisins ; et sur les dispositions fiscales applicables au secteur de la production et de la diffusion de l'image dans les États membres.

Règlementer pour assainir et structurer

Les professionnels de l'image sous les éclairages et les cadrages des experts de l'UEMOA sont parvenus à mettre en conformité la première mouture de la directive portant cadre réglementaire avec le mode spécifique de fonctionnement de l'Union. L'harmonisation du cadre réglementaire est d'autant plus nécessaire qu'elle constitue l'une des conditions sine qua non de réussite du P.A.C car sans un environnement assaini et bien structuré son échec est certain.
La révolution du numérique a rendu les secteurs du cinéma et de l'audiovisuel très perméables. De nombreux chasseurs de gains faciles y ont vu des filons d'or, transformant ces secteurs spécialisés en secteurs informels. Quand bien même il existerait des textes réglementaires (Burkina Faso depuis 1991), il s'avère difficile de les appliquer car dans le pays d'à-côté l'on est plus libre et plus raisonnable. Les États n'en tirent que très peu de subsides ; la piraterie et les anarques diverses font la loi et adieu à la qualité artistique de films artisanalement bricolés en dehors de structures professionnelles de production. Les critiques de cinéma tariront beaucoup d'encriers en pure perte, car il est bien difficile, si la situation perdure, de trouver des œuvres de qualité dans les bottes de foin que l'amateurisme produit à vitesse d'usine. Est-il possible que focalisés par la confection rapide de produits alimentaires cette nouvelle race de"réalisateurs" aient un souci quelconque d'améliorer leurs productions ?

Protéger les créateurs et leurs œuvres

En matière de droits d'auteurs et de droits voisins professionnels du cinéma et de l'audiovisuel ont bénéficié de l'expertise du "Réseau des bureaux des droits d'auteurs" de l'UEMOA.
Au-delà de l'harmonisation des notions fondant ces droits, l'analyse unanime établit que les maux dont souffrent également, hormis le manque de financements, les professionnels du cinéma et de l'audiovisuel et les artistes de manière générale s'appellent piraterie, anarques sur les contrats ou leur absence totale.
L'atelier a réaffirmé le devoir des États de prendre en charge la protection sociale des artistes et la question de l'élaboration de leur statut. Des bureaux de droits d'autres existent dans sept des pays de l'Union, sauf en Guinée-Bissau. L'atelier a jugé indispensable d'adresser une recommandation à la Commission en vue d'appuyer le gouvernement de ce pays pour la mise en place d'un tel organisme.
Il y a un autre mal appelant un traitement plus circonspect. C'est la prolifération des salles vidéo qui poussent dans la plupart des pays de l'espace comme des champignons vénéneux portant leur part de poison dans la fermeture des salles de cinéma. La vidéo, disait-on, devait être une alternative au cinéma ?
Les circuits actuels de diffusion vidéo restent également à viabiliser dans le cadre réglementaire pour espérer être des débouches viables pour les professionnels de l'image.

Numériser l'exploitation et la diffusion en salles

Aujourd'hui la standardisation du numérique dans toute la chaîne cinématographique et audiovisuelle accouplée à la mondialisation par l'Internet sont de nouvelles donnes à capitaliser au maximum dans tout projet.
Aussi, en ce qui concerne la rénovation et la construction de salles, l'atelier a souhaité vivement que la Commission de l'UEMOA prenne en compte la numérisation dans le projet de création de petites salles dans les capitales des États. (Voir interviews de Salif Traoré, Mali et Kitia Touré, Côte d'Ivoire)
La professionnalisation des métiers de distributeurs et d'exploitants de cinéma du 21e siècle devrait être d'ordre du jour, car il s'agit d'une constante adaptation et d'une nouvelle organisation pour opérer ce saut technologique.
Il faut à la fois perfectionner les anciens dans toute la chaîne et assurer la relève.
La formation est le moule indispensable pour façonner dans les normes de qualité les professionnels chargés de positionner définitivement les images africaines sur orbite. (Voir site de l'UEMOA : création d'un pôle d'excellence pour la formation et l'article sur l'ISIS/Studio-Ecole pour de nouvelles ambitions)

Alléger les fiscalités pour la survie des images et des professionnels

L'examen du très important projet de directive portant "dispositions fiscales applicables au secteur de la production et de la diffusion de l'image dans les membres de l'UEMOA" a été maintenu, en dépit de l'absence des fiscalistes de la commission. Ce projet sur la fiscalité est d'une importance vitale car elle a trait aux contraintes de production de l'image et à la "libre" circulation du matériel et des intrants indispensables à l'existence et développement des entreprises de cinéma et de l'audiovisuel.

Le rapport final signale que l'analyse de ce projet de directive "a donné lieu à des points d'échoppement et d'incompréhension notamment sur l'imposition des seuls artistes comédiens. Il a donc été décidé de laisser toute latitude aux fiscalistes de la commission de procéder au toilettage dudit projet selon les règles de fonctionnement de l'union avant sa signature"

Dans le même ordre et mus par les mêmes contraintes de survie, les experts de l'image ont émis des propositions pénitentes relatives à la modification de la nomenclature statistique du Tarif Extérieur Commun (T.E.C). Ils ont noté avec satisfaction la proposition de déclassement des matériels techniques et des œuvres dans le projet de directive élaboré par les consultants.
Ils ont néanmoins souligné l'obsolescence et l'absence de nombreux matériels et intrants, notamment la machinerie, l'électro-machinerie et le matériel de production numérique dans la nomenclature douanière.
Aux fins de l'actualiser, il a été convenu qu'un comité d'experts professionnels de l'image et d'experts douaniers puisse se réunir ultérieurement sous l'égide de la commission en vue de modifier la liste du système harmonisé de désignation et de codification des marchandises.

L'atelier de Ouaga 2010 sur le cinéma et l'audiovisuel de l'espace est porteur potentiel d'espoirs. Le cinéaste ivoirien Kitia Touré, qui a présidé les travaux, estime que "la commission de l'UEMOA a pris la bonne voie et nous devons la pousser à la roue afin d'aboutir petit à petit à ce que la culture entre grandement dans les préoccupations des États membres de notre espace"

Emmanuel SAMA
Journaliste- critique de cinéma
Burkina Faso

L'UEMOA regroupe huit États membres (Bénin, Burkina Faso, Côte d'Ivoire, Guinée Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) sur une superficie de 3 509 600 km2 avec une population estimée à 80 340 000 habitants).
Site officiel : www.uemoa.int

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