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Le Cinéma en Mauritanie, réalités et perspectives d'avenir
critique
rédigé par Yéro Hamel Ndiaye
publié le 04/08/2010

L'activité cinématographique qui avait commencé à se développer à l'époque dans le pays est aujourd'hui au point mort. À Nouakchott, une seule salle digne de ce nom est encore fonctionnelle. Galaxy comme son nom l'indique, se trouve dans le quartier chic de Tevragh-Zeina près du stade. Cette salle est le domaine réservé d'un public privilégié.

À l'intérieur du pays, cette manifestation culturelle fait désormais partie du passé. Aucune infrastructure dans aucune ville du pays ne répond, en ce moment, au nom de cinéma. En Mauritanie, une seule composante de l'activité cinématographique a connu une évolution positive et un développement moderne. Il s'agit de la production cinématographique. L'essor qu'a connu ce secteur est l'œuvre de cinéastes mauritaniens de renom qui ont pu, à partir de l'étranger, se tailler une place de choix dans le contexte mondial.
Mohamed Hondo fait figure de pionnier en la matière. Il a réalisé des films qui ont remporté des succès éclatants à l'échelle internationale. " Soleil Ô " (1970), dans lequel il a dénoncé le racisme, remporte le Léopard d'or au Festival de Locarno. " Bicots-Nègres, nos voisins " (1973), réalise une grande fresque sociale sur l'immigration. " West-Indies (1979) met en cause la traite des esclaves depuis le 18ème siècle, " Sarraounia " (1986) reconstitue l'épopée vécue par la reine des Aznas à partir des récits de griots.
Sidney Sokhona est auteur de " Safrana ou le droit à la parole ".
Abderrahmane Sissako réalise "La vie sur Terre" en 1998 et en 2001, "En attendant le bonheur", remporte l'étalon d'or au FESPACO. Il évoque dans ce dernier film le rêve que nourrissent les jeunes d'aller tenter une aventure en Europe. Son film " Bamako " sur les écrans depuis 2006 met sous les projecteurs le drame social causé par les " ajustements structurels " imposés par la FMI et la Banque Mondial.

Voilà en peu de mots la seule activité cinématographique qui existait dans le pays avant la mise en place de la Semaine National du film (SENAF) dont la 4ème édition s'est tenue en octobre 2009. Ce festival a le mérite de faire revivre l'activité cinématographique en montrant des films d'ici et d'ailleurs.
La " Maison des Cinéastes " qui l'organise est devenue en peu de temps un laboratoire pétri de talents qui cherche par tous les moyens à ressusciter le cinéma mauritanien de ses cendres. Parler des deux autres composantes de l'activité cinématographique dans le pays revient tout simplement à faire l'histoire du cinéma.

La distribution

La distribution des œuvres cinématographiques en Mauritanie pré et post-indépendance, jusqu'à la fin des années 1970, était assurée par une société française. À la fin des années 1970, l'État crée l'AMATECI (Agence mauritanienne des techniques cinématographiques) qui est née d'un encouragement de Madame Daddah, l'épouse du premier président de la Mauritanie indépendante. La création de cette Agence était un prélude à l'avènement de la Télévision Nationale.
Les militaires, une fois au pouvoir à partir du 10 juillet 1978, ont créé l'ONC (l'Office national du Cinéma). Il avait le monopole de la distribution, c'est-à-dire acheter les droits de films et les louer dans les salles. Il jouait par ses attributions un rôle charnière entre les sociétés de distribution basées au Sénégal et les propriétaires des salles en Mauritanie.
Cependant, l'ONC n'a pas su initier à son temps une véritable politique nationale de cinéma. Ce qui veut dire tout d'abord réglementer la distribution en sélectionnant les films à visionner, jouer le véritable rôle de distributeur en négociant directement avec les maisons de production, encourager enfin une production nationale voire même une co-production avec d'autres pays.
L'ONC était donc sujet à ces problèmes quand il a été privatisé. Cette privatisation mal pensée et mal négociée, au lieu d'être la bouée de sauvetage attendue, sonna le glas du cinéma en Mauritanie.
Les commerçants qui ont racheté le monopole de sa gestion n'ont pas pu faire long feu.

L'exploitation

Pendant les années qui ont précédé l'indépendance et juste après, les salles de cinéma étaient l'affaire des Français et des Libanais. Ils continueront à gérer ces endroits jusqu'à la fin des années 1970. Les salles de cinéma étaient installées dans beaucoup de villes du pays : Rosso, Atar, Kaédi, NDB. À Nouakchott, à cette époque, il y avait le cinéma Gomez, devenu plus tard cinéma Oasis, et le cinéma EL Mouna vers 1967. Des salles seront construites bien après dans les quartiers périphériques. Mina EL VEN et EL Vettah à El-MINA, SAADA à Sebkha... Notons que l'expérience du "cinéma parlant", qui était ambulant à l'époque, fut la première manifestation de l'activité cinématographique dans le pays. Rappelons que le cinéma était muet jusqu'aux années 1930 car l'on ne maîtrisait pas encore les techniques d'enregistrement de sons.

L'audience dans les salles de cinéma a commencé à sérieusement décliner avec l'arrivée de la télévision. Les magnétoscopes et la vidéo accentueront plus tard cette tendance à la baisse. Aujourd'hui, l'existence dans le marché de toute une gamme d'appareils électroniques et numériques de toutes sortes, DVD, VCD... ont fini de donner le coup de grâce au cinéma mauritanien. Les vidéo-clubs et les DVD-clubs ont remplacé le cinéma. Ils occupent un public jeune qui consomme sans ménagement des films de mauvaise qualité et qui les mènent le plus souvent à la déperdition.

Le cinéma mauritanien est aussi victime de mentalités rétrogrades qui, dès qu'on parle de cet art, pensent que c'est le domaine des bandits et autres rejetés de la société. Les tenants de ces idées ne savent pas que le cinéma participe du même ordre que les autres secteurs de l'art et de la culture. Par le cinéma, on peut sensibiliser, éduquer, montrer les valeurs socioculturelles d'un pays, son génie créateur et ses performances dans tous les domaines.

Aujourd'hui, pour relancer le cinéma en Mauritanie il faut nécessairement reconstruire des salles adaptées aux nouveaux désirs d'un public qu'il faut chercher à tout prix à maîtriser les fantasmes.

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