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25e festival international du film amateur de Kélibia (Fifak) du 10 au 17 juillet
Le thème et la manière
critique
rédigé par Samira Dami
publié le 25/09/2010
FIFAK 2010
FIFAK 2010

Dominé par la remarquable qualité de plusieurs films de "La compétition internationale", le 25e Fifak a touché à sa fin le 17 juillet 2010. Comment expliquer la domination de ces cinémas amateurs venus d'ailleurs, d'Europe et d'Amérique du Sud notamment?
Il n'y a pas de miracle  : seuls le travail, la formation solide et continue ainsi qu'une culture cinématographique conséquente favorisent cette qualité qui se décline aussi bien dans la force et la fluidité du propos que dans l'écriture  cinématographique. Sans ces éléments-là, point de réussite ni de salut. Ce que devraient comprendre et intérioriser une fois pour toutes nos jeunes cinéastes amateurs et futurs cinéastes professionnels auxquels il reste tant de chemin à parcourir.
En tout cas, des manifestations comme le Fifak leur permettent, justement, de voir des films, d'apprendre et d'enrichir leur culture cinématographique. D'autant que plusieurs films  programmés dans "La compétition internationale" constituent des références types au niveau de la qualité, fond et forme confondus.

Parmi les plus appréciés et les plus applaudis par les festivaliers, des films qui traitent, sans jamais négliger la manière, de maux et de problèmes importants qui affectent et minent nos sociétés : la solitude, l'isolement, l'individualisme, la non-communication, "l'esclavage moderne" des hommes dû à l'emprise des technologies et de la mondialisation, etc. 
C'est en tout cas l'une des tendances thématiques de cette édition. Car plusieurs films l'ont illustrée tels Rent-a-Mate du Britannnique Nigel Barton, Promiedzy des Polonais Annak et M. Stanzelt ou encore El Empleo de l'Argentin Santiago Bon Grosso.
Rent-a-Mate est une fiction de 19 minutes dont la fable coule de source : un modeste employé vit seul avec pour compagnon  un poisson rouge dans un bocal.
Pour célébrer son anniversaire, il recourt à une agence dans le but de "louer les services de trois hommes" pour faire la fête et rompre, ne serait-ce qu'occasionnellement, sa solitude. Mais il se rend compte au final que ces trois "faux amis" souffrent autant que lui de solitude.
Forte de cet humour "british" si fin et si célèbre, cette petite comédie anglaise, pétrie d'humanisme, énonce que rien n'est définitivement perdu et qu'il suffit d'ouvrir les yeux, d'aller vers l'autre, d'être à son écoute et surtout de le vouloir pour redécouvrir les vertus de l'amitié et de la communication.

Ces mêmes thèmes de l'individualisme, de l'indifférence et de la solitude qui frappent nos sociétés post-modernes sont traités dans Promiedzy. Ce film met en scène le quotidien transformé des locataires d'un immeuble qui, poussés par le comportement à contre- courant des habitudes sociales d'une vieille locataire, arrachent les portes d'entrée de leur appartement et investissent  tous les espaces de l'immeuble afin de réinvestir les relations sociales oubliées et perdues. A l'exception de quelques longueurs et lenteurs dues à une question de rythme, cet opus polonais de 15 minutes dénonce bien la vie de notre époque asujettie aux nouvelles technologies au détriment des relations sociales et humaines.

Expérimental, dites-vous ?

El empleo, de l'argentin Santiago Bon Grosso est lui un pur chef-d'œuvre qui, en 8 minutes, brosse, à travers le procédé de l'animation un sombre tableau des humains, réduits à l'esclavage et pris au piège de leur nouveau mode de vie, envahi par la technologie. Traité avec dérision, El empleo montre des employés occupés à des tâches bizarres et inattendues de celui qui supporte le poids d'un ascenseur qu'il fait monter et descendre, jusqu'à l'homme-paillasson, en passant par la femme-porte-manteau.
Tout est maîtrisé dans ce film, à force de savoir- faire et d'imagination. Magnifique.

Signalons également un superbe court métrage du cinéma amateur mondial : Clint, un film allemand coréalisé par F. Gregor et F. Scholtz et qui, en 4 minutes, dit tant de choses. C'est l'histoire d'un homme dont la compagne le pousse à arrêter de fumer. En vain, le film s'ouvre et se clôt sur un même plan : la compagne griffant le fieffé fumeur.
En fait, ce court métrage dénonce aussi bien la dépendance que le mensonge, avec une habileté narrative et technique, ainsi qu'une intelligence et un humour certains.

Maintenant, passons aux films tunisiens de la compétition internationale avec, notamment, "Noir et blanc" de Talel Ayoub qui se veut du genre expérimental, a-t-il affirmé lors de la présentation du film. Un jeune homme en manque essaie de triompher des démons de la dépendance (d'ailleurs, plusieurs films tunisiens traitent de ce thème, qu'ils soient amateurs ou d'école). Pour cela, s'engage une lutte sans merci, mais cela est traité de manière si primaire, simpliste et confuse qu'on se demande justement à quel genre s'apparente ce film. Car le genre expérimental a ses normes et ses règles.
Voyez Man Ray, Chris Marker, Jean Marie Straub: leurs œuvres ne sont surtout pas du délire. Pour réussir un film de genre, il faudrait justement faire preuve de savoir-faire et d'une grande culture cinématographique. Ce cinéaste amateur du club Monastir 2 s'est-il vraiment nourri du cinéma expérimental, a-t-il la formation qu'il faut pour réaliser ce genre de films, etc? Là sont les questions  essentielles qui, en guise de réponse, exigent tont simplement de  nos cinéastes-amateurs qu'ils se mettent au travail. Y a pas photo.

Nettement meilleur est le film d'animation "Ceci n'est pas un jeu vidéo", coréalisé par le duo complice Rania Werda et Hajer Chelbi.
Inspiré de J'ai vomi dans mes corn-flakes, ce film d'animation à la voix quelque peu bavarde s'est illustré par la qualité technique du procédé d'animation, fort séduisant.
D'ailleurs Efferalgan de Jazia Taoujouti de l'Isbat (Institut supérieur des beaux arts de Tunis) se distingue également par son procédé d'animation mais  reste perfectible.
Enfin, dans la compétition nationale, un film nommé Sourour, d'Ahmed Guesmi, du club Tahar Haddad (FTC), incarne le type même aéré du film à éviter, tant il pèche par un nombre considérable de défauts : manque de sens, bavardage, casting quelconque (que vient faire H. Troudi, qu'on a connu plutôt chanteur, dans ce film?).
Le jeu est si faux et si maniéré et nous en passons.

Encore une fois, se pose là le problème de la sélection. Car, visiblement, l'on a tendance à programmer tout ce qui a été produit par la FTCA. Or, le terme est clair : il s'agit de "sélection", donc de qualité et non pas de quantité. Mais le sait-on?
 
 

Samira DAMI

Article paru dans le journal La Presse de Tunisie le 18-07-2010

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