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Ecoles et amateurs : le clivage
25ème édition du FIFAK, Tunisie
critique
rédigé par Neila Gharbi
publié le 01/10/2010

Kélibia a vécu du 10 au 17 juillet au rythme de la 25ème édition du festival international du film amateur (FIFAK) organisée par la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (F.T.C.A), en collaboration avec le ministère de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine. Les festivaliers intéressés par le cinéma amateur ont pu suivre, chaque soir, au théâtre de plein air de la maison de la culture les projections de films répartis en trois sections: internationale, nationale et écoles.

Le film africain de Côte d'Ivoire "Un mariage à trois visages" du réalisateur martiniquais Pierre Laba, programmé à l'ouverture de la manifestation, est loin d'être un bon exemple pour les jeunes cinéastes en herbe. Décousu de bout en bout, cadrage approximatif, absence de ponctuations et d'angle de vue, le film entretient béatement les clichés sur les noirs analphabètes, stupides et rusés à travers l'histoire d'un homme qui marie sa sœur à un Français pour obtenir une carte de séjour française et tout cela via internet. Réconcilier l'Afrique avec la France, tel est le propos de ce film indigent.

mariages à 3 visages from Africiné www.africine.org on Vimeo.



Pour ce qui est des 42 films destinés à la compétition internationale et des 15 films à la compétition nationale, ainsi que la dizaine de films représentant les écoles de cinéma, les trois jurys ont donné leur verdict en invitant les amateurs à plus d'imagination et de rigueur.

Le jury international présidé par le cinéaste irakien, Kacem Hawal, a souligné particulièrement "la qualité des films en général qui laisse prédire d'un bon espoir pour le cinéma du futur". Dans ce palmarès, on note l'absence des films tunisiens, ce qui prouve que le cinéma amateur tunisien a encore du chemin à faire pour devenir compétitif. Actuellement, il est loin du compte et ne peut prétendre rivaliser avec les œuvres internationales.

D'ailleurs, le jury de la compétition nationale, à sa tête le cinéaste Mohamed Damak, a relevé "la qualité très moyenne des films et ce, malgré l'évolution des moyens techniques qui devrait aider le cinéaste amateur à mieux réaliser ses films, sans oublier le manque d'imagination et de créativité sur le plan thématique au point que le même sujet se répète dans plusieurs films".
Cette indigence provient du fait que ces jeunes cinéastes sont incultes, égocentriques et tournés sur eux-mêmes. Ils sont convaincus qu'ils maîtrisent l'écriture cinématographique et restent sourd à toute critique qui leur est adressée.

Les films d'écoles sont dans une situation encore plus alarmante. Ils manquent de profondeur à presque tous les niveaux. Et on demande quel est l'apport des enseignants-encadreurs dont la plupart des professionnels rompus dans le cinéma.
Sous la houlette du monteur Larbi Ben Ali, le jury école n'a pas fait d'observations particulières laissant aux observateurs libre cours aux commentaires qui leur échoient. A ce stade, on remarque qu'il existe une rupture, voire même un clivage entre les films d'écoles et les films des clubs de la FTCA. Une rupture épistémologique, si l'on peut dire, entre les deux institutions. 
Concernant les écoles, il s'agit d'étudiants qui n'ont pas forcément choisi la discipline. Certains d'entre eux ne sont pas doués pour la mise en scène et optent pour un registre technique comme la direction photo, le son ou le décor. Mais, pour obtenir leur diplôme, ils sont tenus de passer par la réalisation d'où l'indigence de leur film. Quant aux cinéastes rattachés à un club de la Fédération, ils sont, dans leur majorité, des passionnés de 7ème art. Ils tentent d'exprimer par la caméra un propos marqué par un certain engagement lui conférant une esthétique adaptée. Malgré quelques hésitations, les œuvres semblent structurées et dotées d'une démarche cinématographique où le visuel et le sonore sont en harmonie. 

Ce cinéma amateur est une spécificité tunisienne rare, presque inexistante dans le monde. Le cinéma argentin, auquel le FIFAK a rendu hommage, est un cinéma fait soit par des indépendants, soit par les étudiants d'écoles de cinéma.
"La notion de cinéma amateur est un mot que je ne connais pas", a déclaré le réalisateur argentin Pablo César lors d'une rencontre avec le public. Il n'existe pas une véritable rivalité entre amateurs et écoles mais plutôt un état d'esprit différent où le sens l'emporte chez les premiers et la manipulation des techniques nouvelles chez les seconds. 

Neila Gharbi

Article paru dans le journal " Le Renouveau " du 21/07/2010

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