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Le secret de Chanda
Enfance sud-africaine à travers le sida
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 09/12/2010
Michel Amarger
Michel Amarger
Oliver Schmitz, Cannes 2001
Oliver Schmitz, Cannes 2001
Oliver Schmitz, réalisateur du film, Cannes 2010
Oliver Schmitz, réalisateur du film, Cannes 2010
Khomotso Manyaka (Chanda) & Lerato Mvelase (Lilian, sa mère/her mother), Life above all (Le secret de Chanda)
Khomotso Manyaka (Chanda) & Lerato Mvelase (Lilian, sa mère/her mother), Life above all (Le secret de Chanda)
Chanda (Khomotso Manyaka), Life above all (Le secret de Chanda)
Chanda (Khomotso Manyaka), Life above all (Le secret de Chanda)
Khomotso Manyaka (Chanda), Life above all (Le secret de Chanda)
Khomotso Manyaka (Chanda), Life above all (Le secret de Chanda)
English cover (Couverture anglaise du roman d'Allan Stratton)
English cover (Couverture anglaise du roman d'Allan Stratton)
French cover (Couverture française du roman d'Allan Stratton)
French cover (Couverture française du roman d'Allan Stratton)
German cover (Couverture allemande du roman d'Allan Stratton)
German cover (Couverture allemande du roman d'Allan Stratton)

LM Fiction de Oliver Schmitz, Afrique du Sud/ Allemagne, 2010
Sortie France : 1 décembre 2010

Le glissement de titre qui accompagne souvent la diffusion des films anglophones dans les territoires francophones, souligne le changement d'axe qui caractérise les deux cultures. Ainsi le nouveau film d'Oliver Schmitz, Life, above all, remarqué à Cannes 2010 dans la section Un Certain Regard, se retrouve distribué en France comme Le secret de Chanda. À l'idée originelle qui met en avant "la vie, par-dessus tout", se substitue la notion d'un non-dit que cache l'héroïne, Chanda.
Loin de la célébration de la pulsion de vie, l'image du film se replie sur un événement intériorisé qui caractérise Chanda. Sur l'affiche française, elle regarde le public avec un air douloureux qui la démarque avec son secret retenu, de l'arrière-plan où figurent ses camarades floues. En détachant l'individu blessé de son contexte, on s'appuie sur le destin d'une fillette pour rendre l'image d'une fiction proche de la manière individualisée d'aborder le cinéma en Europe. L'idée de sortir le film un 1er décembre, jour de la lutte contre le sida, éclaire cette intention qui vise à émouvoir pour sensibiliser sur la maladie en Afrique.

Le secret de Chanda est ainsi dévoilé par la campagne de promotion alors que son réalisateur ne l'explicite pas frontalement dès le début.
Chanda est une Sud-africaine de 13 ans, évoluant dans une famille recomposée. Sa mère vit avec un homme qui sombre tandis que ses deux jeunes enfants le réclament. Dévasté par l'alcool et les prostituées qu'il fréquente, il part du foyer autour duquel la mort rôde. Une jeune sœur décède au début du film et la santé de la mère qui peine à vivre de sa couture, se dégrade. Lorsque le père est reconduit de force par sa soeur de Johannesburg, il choisit de rester dans la rue pour disparaître tandis que Chanda assiste à l'affaiblissement de sa mère. Une voisine compatissante et sévère dont le fils est mort, l'aide à partir se réfugier en province. En suivant ces événements, Chanda a conscience sans pouvoir le dire que le sida décime sa famille. Mais le sujet reste tabou dans les provinces sud-africaines et il faut qu'elle se charge de ramener sa mère mourante pour faire tomber les barrières de l'ostracisme.

Ce drame qui met en lumière la présence du sida et la volonté de l'occulter, puise sa source dans un roman de Allan Stratton, paru aux Etats-Unis en 2004. En l'adaptant, Oliver Schmitz et son producteur Oliver Stoltz qui ont vécu au sud de l'Afrique, déplacent le sujet. La condition des enfants sud-africains dont la famille est touchée par le sida, passe en arrière-plan d'une fiction qui brosse d'abord le passage à la maturité d'une jeune sud-africaine exemplaire et responsable. Il célèbre la force de la volonté et le pouvoir de la parole qui libère lorsqu'on la revendique.
La démarche est déjà lisible dans les précédents films d'Oliver Schmitz, né et formé aux beaux-arts en Afrique du Sud. Avec Mapantsula, 1987, qui évoque la prise de conscience de jeunes Noirs sous l'apartheid, Jo'Burg Stories, 1997, documentaire sur les évolutions de la société, et Hijack Stories, 2000, le réalisateur capte les vibrations de son pays d'origine qu'il a quitté pour s'établir en Allemagne.

Le secret de Chanda, tourné en dialecte Pedi, à Elandsdoorn, township à 200 kilomètres de Johannesburg, est porté par l'implication des acteurs sud-africains. Il scelle avec efficacité la collaboration des techniciens locaux avec les Allemands engagés dans la coproduction. La mobilité de la caméra portée épouse les mouvements inquiets mais volontaires de Chanda.
Les cadres serrés, les espaces encadrés où les personnages se débattent, suggèrent la pression de la maladie qui rôde sous les ciels blafards et les intérieurs sombres. La capacité à évoquer la présence du sida sans le nommer donne de l'intensité à l'action jusqu'à ce que le film devienne plus explicatif vers la fin. Le retournement spectaculaire de la voisine sévère, les gospels qui annoncent la rédemption et l'élévation des âmes blessées délivrent un message en faveur de "la vie, par-dessus tout", déjà appuyé par le titre anglais. Quand au titre français, il recadre le propos en faisant du sida une vérité cachée que le film lui-même pose sans l'exposer.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France)

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