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Jean Ziegler. Contre l'ordre du monde
Portrait d'un opposant tiers-mondiste
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 21/02/2011
Michel Amarger
Michel Amarger
Jean Ziegler
Jean Ziegler
Jean Ziegler. Contre l'ordre du monde
Jean Ziegler. Contre l'ordre du monde
Affiche de l'avant-première, aux Ateliers Varan (Paris).
Affiche de l'avant-première, aux Ateliers Varan (Paris).

Moyen Métrage Documentaire de Elisabeth Jonniaux, France, 2010
Diffusion France Ô : 23 février 2011
Sortie France dvd : mars 2011

Il y a des paroles nécessaires qui reposent sur un engagement critique profond. À l'heure où le capitalisme accapare l'organisation planétaire tandis que le chômage et de la misère s'amplifient, les propos d'un intellectuel suisse prennent du relief. Avec Jean Ziegler. Contre l'ordre du monde, la réalisatrice Elisabeth Jonniaux approche une personnalité combative pour en éclairer la pensée et l'action. Ce portrait de proximité s'attache à mieux faire connaître le parcours d'un théoricien de 76 ans, toujours sur la brèche dans des émissions de télévision ou à l'ONU pour défendre ses écrits et ses prises de position en faveur de l'Afrique. Le film évoque, par des confidences posées, la transformation du Suisse Jean Ziegler, né dans le milieu de la bourgeoisie calviniste de Bern, en penseur marxiste et tiers-mondiste réputé.

Il raconte sa rupture avec la Suisse protestante et ses années de formation à Paris, dans les années 50, aux cotés de Jean-Paul Sartre et des communistes du groupe Clarté. Il révèle comment un voyage au Congo, où il débarque à 27 ans pour le compte de l'ONU, lui ouvre les yeux sur les réalités africaines. En 1961, Lumumba vient d'être assassiné et le pays est déstructuré par une décolonisation de surface. Ziegler commence à aiguiser sa vision critique des méfaits de l'Occident sur le continent. Son attrait pour la révolution cubaine prend de la vigueur lorsqu'il rencontre Che Guevara, venu pour la première Conférence sur le sucre à Genève, en 1964. Jean Ziegler, volontaire pour être son chauffeur pendant 15 jours, est botté en touche par son idole à l'issue du séjour lorsqu'il propose de le suivre à Cuba. Car pour le Che, Genève est "le cerveau du monstre" et doit constituer le "champ de bataille" du jeune contestataire. Celui-ci d'abord choqué par la réflexion, va pourtant en faire l'axe de son action lorsqu'il s'engage en politique.

En 1977, Jean Ziegler se signale avec Une Suisse au dessus de tout soupçon, un livre qui démontre la sombre réalité d'un pays régi par les banques qui contribuent par les systèmes de prêts et de recels à affamer le Tiers Monde. La charge lui vaut d'être déclaré "traître à la patrie". Ziegler surmonte les menaces et déploie sa pensée dans Des vivants et la mort, Main basse sur l'Afrique. Le sociologue dénonce l'ordre inégal du monde qui engendre la violence sur les pays les plus pauvres. La misère, le sous-développement qui touche le Tiers Monde notamment l'Afrique, découle selon lui, du système économique mondial basé sur la dérégulation, la privatisation et la réduction des dépenses publiques. Dans La haine de l'Occident, la mondialisation est envisagée comme un système oppressif découlant et prolongeant les exactions de la traite et de la colonisation.

La crise qui ébranle le système financier de Wall Street, en 2008, incite Elisabeth Jonniaux à réévaluer la pensée de l'écrivain. Elle recueille ses confidences dans le calme du bureau où il rédige ses écrits, écoute les souvenirs de son fils. Des images d'archives de la Télévision Suisse Romande, de l'INA, rappellent ses éclats dans des émissions de télé. Des photos personnelles illustrent les rencontres marquantes avec des politiques socialistes africains comme Thomas Sankara, et d'autres en Amérique du Sud. Le combat de Ziegler, fondé sur l'intégration subversive, un entrisme revendiqué, prend corps aujourd'hui durant les séances du Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme de l'ONU dont il est vice-président. Il lutte pour le droit des paysans du Sud dont les terres sont convoitées par les multinationales et les Etats étrangers.

En suivant Ziegler, Elisabeth Jonniaux prolonge ses réflexions sur l'aspiration des peuples à l'autodétermination. Après Black Taxis, 2007, plongée parmi les anciens volontaires de l'IRA, actifs dans la lutte armée durant 30 ans en Irlande du Nord, et Kosovo, mission inachevée, 2008, sur le rôle de l'ONU, la réalisatrice française signe encore un documentaire attaché aux liens entre identité et état. Jean Ziegler. Contre l'ordre du monde s'inscrit dans la collection A contre-temps, traitant de personnalités marquantes dans leur discipline et leur époque. Il se base sur une coproduction entre La Huit et le GroupeGalactica qui rassemble des producteurs indépendants.
La diffusion sur France Ô précède une édition en dvd pour divulguer au-delà des télévisions, le portrait d'un homme en marche. Elisabeth Jonniaux y souligne avec sobriété et retenue, la permanence d'un engagement au service d'une vision humaniste du monde.

vu par Michel AMARGER
Journaliste critique RFI / Africiné

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