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Correspondances
Echanges féminins franco-maliens
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 28/02/2011
Michel Amarger
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Moyen Métrage Documentaire de Laurence Petit-Jouvet, France / Mali, 2010
Sortie France : 2 mars 2011

Regarder ce que l'on est, ce que l'on devient ailleurs, ce que l'on est devenu lorsqu'on revient. C'est l'une des voies qui semblent attirer les réalisatrices autour de l'Afrique. Le documentaire paraît l'espace privilégié pour mesurer les échanges et aussi les désillusions issues de l'émigration qui touche de nombreux Africains aujourd'hui. Les cinéastes captent diversement la tendance. Éléonore Yaméogo, venue du Burkina, dénonce directement les mirages de l'émigration dans son premier long-métrage documentaire, Paris mon paradis, 2011. Dans le même temps, la Française Laurence Petit-Jouvet écoute des Maliennes vivant en région parisienne puis des habitantes de Bamako et Kayes pour Correspondances. Les témoignages soulignent les humiliations sociales subies en France comme les perspectives d'évolution en Afrique.

Filmer revient ici à établir un espace d'expression dans lequel les femmes rencontrées ou sollicitées prennent la parole. "L'idée de départ était d'offrir à des femmes maliennes de Montreuil, Bamako et Kayes au Mali, la possibilité de participer à des ateliers de création audiovisuelle que j'encadrerais", explique Laurence Petit-Jouvet. "L'objectif était de réaliser des "lettres filmées" autour du travail." Les protagonistes de Montreuil appartiennent à la génération forcée à l'émigration des années 70, mais il y a aussi celle des filles qui ont parfois décidé de partir, les petites-filles nées en France. Les plus âgées évoquent les longues journées de travail, en cumulant des emplois, et l'ombre des mariages forcés qui hantent les destins des Africaines. La question des visas à renouveler plane tandis que les jeunes abordent les difficultés de communication entre générations.

Au Mali où l'association Images au féminin a favorisé la participation des femmes, le travail constitue une valeur-refuge où l'on se déporte pour s'affirmer. On découvre des femmes éduquées à Bamako et d'autres plus modestes à Kayes. L'une qui ouvre une école privée, l'autre enseignant la mécanique aussi bien qu'une vendeuse de marché dessinent une image positive de l'action féminine, à l'écart des tentations de l'émigration. Correspondances déroule leurs histoires successives pour faire entendre les aspirations des Maliennes d'aujourd'hui. "Elles sont coauteurs du film", estime Laurence Petit-Jouvet. "Je me suis tenue à travailler avec leurs récits et leurs mots propres respectés à la lettre. C'est le grain de cette parole, je crois, qui donne sa spécificité au film."

Les images de femmes, cadrées frontalement ou pendant leurs occupations quotidiennes, sont agrémentées de quelques plans désynchronisés, parfois décalés, qui relèvent le traitement. "Ce sont à chaque fois des écritures sobres qui sont imposées car elles correspondaient le mieux à ces prises de parole semblant surgir pour la première fois, à l'état brut", commente Laurence Petit-Jouvet. "Le travail du montage a ensuite été dans le même sens, ce qui donne aujourd'hui au film une qualité de simplicité." L'apport du cinéaste burkinabé Issiaka Konaté pour cadrer les scènes au Mali, la participation de la réalisatrice Awa Traoré au tournage, rendent Correspondances perméable à l'atmosphère de Kayes et de Bamako où la célèbre griotte Tata Bambo Kouyaté a enregistré une chanson écrite pour ses consoeurs. La diffusion sur les télévisions d'Afrique de l'Ouest est menée parallèlement à des séances du Cinéma Numérique Ambulant.

La distribution dans les salles françaises fait écho aux échanges établis par Correspondances. Ainsi la réalisatrice française, venue au Cameroun à sept ans pour y passer son enfance, fait le lien entre les cultures. Après ses études en France, un détour par les Etats-Unis pour y aborder le cinéma et le journalisme, elle investit le documentaire. Depuis Le pays perdu, 1990, Laurence Petit-Jouvet s'attache aux identités. Aujourd'hui, elle évalue la condition de femmes battantes en observant : "Beaucoup de femmes maliennes considèrent que pour elles, la modernité est au Mali. Là-bas, la société bouge, les moeurs évoluent comme partout. Alors qu'ici en France, lorsque les familles migrantes ont perdu contact avec leur région d'origine, lorsqu'elles sont isolées, mal accueillies par la société française, elles ont tendance à se recroqueviller sur elles, à se rattacher à des traditions qui n'ont plus cours au pays."

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France)

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