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Dodgem
Caresser les pulsions destructrices du Liban
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 20/03/2014
Michel Amarger (Africiné)
Michel Amarger (Africiné)
Christophe Karabache, réalisateur
Christophe Karabache, réalisateur
Too Much Love Will Kill You (2012)
Too Much Love Will Kill You (2012)
Dodgem
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Couverture du DVD Cinexpérimentaux Karabache, produit par les Productions EDA et édité par Productions EDA / Re:Voir (disponible sur leur site).
Couverture du DVD Cinexpérimentaux Karabache, produit par les Productions EDA et édité par Productions EDA / Re:Voir (disponible sur leur site).
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LM Fiction de Christophe Karabache, Liban / France, 2013
Sortie France : 26 mars 2014 - Interdit aux moins de 16 ans

La société libanaise ne cesse de se débattre dans ses convulsions intérieures, exacerbées par les clivages politiques de la région, les conflits religieux entretenus comme des brasiers, les heurts de l'Histoire constamment relancés. Au milieu du fracas susceptible d'éteindre la flamme du cinéma dans un pays où les salles disparaissent, où les films restent rares, les images de Christophe Karabache éclatent comme des bombes réinventées. Après avoir lancé des courts-métrages chocs qui stigmatisent les contrastes explosifs du Liban sous forme expérimentale, le cinéaste s'attache aux meurtrissures des corps, aux jaillissements du désir, aux élans amoureux sans retour, dans ses longs-métrages tel Too Much Love Will Kill You, 2012. Et il enchaîne sans répit, dégoupillant une nouvelle fois ses héros dans Beyrouth avec Dodgem, 2013.



La capitale libanaise est filmée dans un de ses quartiers instables. Vanesa, une Espagnole, vient faire le modèle pour des photos posées. Mais le projet traîne et elle traîne aussi chez Nour, un travesti qui l'héberge. Celui-ci fait pâle figure la journée, en tournant mal rasé dans son appartement. Mais lorsqu'il s'habille en femme, le soir, il jette mille feux de séduction dans les rues et les bars. Son amant, brutal et révolté, le malmène en s'indignant des tares de la société libanaise. Mais il perpétue l'oppression et la violence, dans leur rapport de couple, en humiliant Nour. Celui-ci trouve un certain réconfort auprès de Vanesa qu'il aguiche et repousse sans ménagement. Autour des relations de ce trio écorché, les rues se font dangereuses. De jeunes garçons passent dans la nuit en choisissant des passants qu'ils abattent au lance-pierres.

La tension est omniprésente, la violence intérieure éclate par à-coups dans le sang, les vomissements, les jets de pierres mortels. Les corps se tendent de désir, de frustration, de souffrance dans des scènes où la caméra posée laisse filer la violence comme pour mieux la désamorcer et la jeter sur l'écran. Dodgem expose alors à coups de recadrages qui enferment, d'ellipses qui scandent, de hors champs qui échappent aux menaces, les vibrations des âmes en crise dans la société libanaise. Le rythme sonore haletant, composé par Wamid Al-Wahab, résonne de notes orientales qui ponctuent les dérives identitaires des personnages de Dodgem.

Christophe Karabache rallume à l'envie un cinéma vital où le désir, la passion animale des êtres, leur désarroi sauvage plongent leurs racines dans les traumatismes de la société libanaise. Ainsi l'irrépressible quête d'amour, d'idéal, voire de pureté, qui anime ses personnages, croise le fer avec la puissance dévastatrice de l'intolérance, du pouvoir, de la domination imposés par l'état d'une société en choc. Au cœur de ces mouvements, la caméra de Chritophe Karabache impacte Dodgem comme un souffle.

Le réalisateur libanais jette sans ménagement ses acteurs au corps à corps à corps. Vanessa Prieto joue l'Espagnole en transit, accrochée par la figure de Nour et sa double personnalité. Shaker Shihane incarne avec fébrilité le travesti, provocant ou fuyant ses propres malaises. Et Christophe Karabache se réserve le rôle de son amant, menaçant, dominateur, tendre ou en colère comme sait l'être le réalisateur lui-même. Emporté par la nécessité de filmer comme pour répliquer à la violence par la fusion d'images, Karabache dégaine sa production indépendante avec le soutien d'une structure fidèle. Dodgem fait cligner les yeux de douleurs, caressantes comme un spectacle, de douceurs, blessantes comme des pierres, jetées en pâtures aux spectateurs avec une foi vive dans la force explosive du cinéma.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)
, pour Africiné

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