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ARGU (RÊVE) : un cinéma poétique dans le monde des rêves
Un film d'Omar Belkacemi, Algérie, 2021
critique
rédigé par Noureddine Mhakkak
publié le 07/06/2022
Noureddine Mhakkak, rédacteur à Africiné Magazine
Noureddine Mhakkak, rédacteur à Africiné Magazine
Omar Belkacemi, réalisateur algérien
Omar Belkacemi, réalisateur algérien
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film

Premier long métrage du cinéaste algérien Omar Belkacemi, Argu jongle avec la poésie, la philosophie et la réalité, en bousculant avec maestria notre monde corseté.

Si on veut faire du cinéma qui nous fait du plaisir, le plaisir de voir le monde qui nous l'entoure autrement, on doit relier ce cinéma à la poésie. Et si on veut faire du cinéma qui pousse les gens à penser d'une façon qui dépasse les limites des coutumes et des traditions, on est obligé dans ce cas-là de relier la philosophie au cinéma. Mais si on veut faire un film poétique et plein de philosophie, on doit suivre le chemin du cinéma d'auteur. Le cinéma qui fait l'éloge de la particularité et de l'originalité et qui nous pousse vers un monde de rêve.

Parmi les films qui ont pu me faire penser à cela, il y a le film algérien Argu ("Rêve", en langue kabyle) d'Omar Belkacemi. Ce long métrage est tellement beau, au sens philosophique du mot, car il veut être un film de son auteur sans rien d'autre. Argu est une exceptionnelle œuvre d'art.



D'abord il aborde un sujet très intéressant : celui de la particularité de la personnalité de chacun de nous en tant qu'être humain. Ensuite, il traite du droit de l'être humain de vivre à sa propre manière, mais sans faire du mal aux autres. Le film commence par la capture d'une belle image du ciel, en gros plan. Puis, il capte l'espace intérieur d'une classe où un professeur de philosophie est en train d'expliquer son cours à ses élèves. Dans le tableau, il est écrit une phrase de Nietzsche disant que chaque interprétation peut changer le sens de la chose.

Pour ces raisons citées en haut, ce qui doit compter ce n'est pas la réalité mais l'interprétation qu'on lui donne. Cela nous montre, en tant que spectateurs, cet enseignant, nommé Mahmoud, dominé par sa vision du monde qui n'est qu'une vision réaliste et utopique en même temps. Même dans ses relations avec les femmes, le personnage ne se voit pas comme un futur mari fidèle au foyer conjugal. Cela fait de lui un homme étrange aux yeux de sa petite copine qui veut se marier et construire un foyer comme les autres femmes simples du village.

En plus, le petit frère de ce professeur de philosophie, essaie, lui aussi, de créer son propre monde, un monde de liberté. La liberté d'esprit et pourquoi pas du corps en plus. Ce frère s'appelle Koukou ; il est très différent des hommes du village qui sont presque morts, au sens figuré du mot, selon l'expression de Mahmoud, l'enseignant de philosophie. La seule exception parmi les habitants masculins est un homme a vécu avec sa femme française dans ce village même avant que cette dernière l'abandonne et en amenant avec elle leur fille unique. Cet homme se distingue fortement.

Ces villageois ("morts") ne veulent ni voir la vie, ni y vivre comme il faut. Ils sont sous l'influence des regards strictement fermés. C'est pourquoi ils sont devenus jaloux de Koukou, surtout que leurs femmes l'admirent en tant qu'ami, ou plutôt comme un frère. C'est parce qu'il les aide et parle avec elles d'une façon simple pleine de respect.
Mais ces comportements sont jugés surprenants par les chefs / sages du village, alors, ils le mettent dans un asile psychiatrique. Nonobstant cela, son frère Mahmoud les voit comme des hommes bouchés et il se fait un devoir de le faire sortir de cette prison. Y arrivera-t-il ?

Le réalisateur algérien Omar Belkacemi réussit à nous plonger dans un monde de rêve et de liberté. Il filme l'espace magnifique d'une grande montagne où les deux frères réclament à travers leurs corps leur envie de partir au-delà des limites morales de leur village.

La philosophie prend une grande place dans ce film. Elle se manifeste à travers le personnage Koukou, qui est devenu un fou aux yeux des gens du village dit sages et pour cela il doit être enfermé loin d'eux. Puisque chaque vrai fou n'hésite pas de dire la vérité, il devient un danger pour ceux qui ne peuvent pas la dire à cause de leurs intérêts.
La seule solution qui reste pour que Mahmoud puisse sauver son frère Koukou, sa mère et sa sœur Jura du pouvoir sadique de son père et celui des gens du village, est de partir. Partir vers un autre horizon plein de liberté, métaphorisé par un oiseau en cage à qui la liberté est rendue.

Les richesses de ce film si fort s'incarnent dans son thème et de ses images de toute beauté. Pourtant, malgré d'être enraciné dans le réel, ces images sont pleines d'imagination. Elles reflètent la beauté des espaces vivants.

La règle fondamentale du jeu cinématographique, selon l'expression du philosophe Henri Bergson, est que le cinéma est un art collectif. C'est ainsi que la force de la réalisation de ce film réside dans le fait que le cinéaste a pu rassembler plusieurs éléments narratifs, en s'appuyant sur des acteurs qui sont si justes dans leur interprétation, qui poussent ce film poétique à trouver son propre public. Ces points sont la relation entre la vie, la philosophie et la poésie. La philosophie fait penser, la poésie fait rêver et la réalité fait réveiller les gens.
Argu est une réussite cinématographique de haut niveau.

Noureddine Mhakkak

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