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Le cinéma entre le réel et l'imaginaire. Le cas des cinémas africains
Le cinéma et la richesse culturelle
analyse
rédigé par Noureddine Mhakkak
publié le 04/04/2024
Scène du film L'AUTOMNE DES POMMIERS
Scène du film L'AUTOMNE DES POMMIERS
Scène du film L'AUTOMNE DES POMMIERS
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Scène du film L'AUTOMNE DES POMMIERS
Scène du film L'AUTOMNE DES POMMIERS
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2 TALAAT HARB (2, PLACE TALAAT HARB)
2 TALAAT HARB (2, PLACE TALAAT HARB)
Noureddine MHAKKAK, Rédacteur à AFRICINÉ MAGAZINE
Noureddine MHAKKAK, Rédacteur à AFRICINÉ MAGAZINE

Le cinéma est d'abord un style de vie, un chemin artistique et culturel qui mène à comprendre la beauté dans sa profonde richesse. C'est bien évidement une vision du monde pleine d'amour, l'amour pour tout ce qui est beau dans ce monde-ci. En plus, le cinéma est un moyen de communication artistique entre les différentes cultures, anciennes et nouvelles. Ainsi, chaque cinéma représente d'une façon ou d'une autre, la richesse culturelle de son pays, et de son continent. D'où, on parle des plusieurs cinémas du monde, le cinéma américain, le cinéma européen, les cinémas africains (auxquels on met ici le pluriel pour traduire toutes ses diversités) et bien d'autres.

Ainsi, si on veut parler des cinémas africains, et de leurs parcours culturels et artistiques, on ne peut pas ne pas parler d'un prestigieux festival international qui représente ces cinémas avec toute ses richesses et ses diversités. Ce festival n'est autre que le festival international du cinéma africain de Khouribga.

1 - Le cinéma et la représentation du vécu

Ici, dans cette étude, nous allons parler seulement des films longs métrages de fiction en compétition. Ces films qui sont tous, d'une façon ou d'une autre, attachés aux problèmes sociaux locaux.
La situation de la femme africaine est le thème omniprésent. Les films abordent également le conflit existant entre les générations ainsi que les différentes visions du monde et les intérêts des gens, d'une façon directe.

Mami Wata du réalisateur sénégalais Christian Thiam tourne autour d'une jeune et belle femme, Délia. Elle aime son mari d'une façon extraordinaire, tandis que l'ami de son mari l'aime d'une façon maladive, avant même son mariage.
L'histoire est construite sur deux fortes passions, celle de l'amour et celle de la haine. Le film est plein des symboles mythiques tels le symbole de l'eau et du feu qui nous pousse à penser à la vie et à la mort en même temps. L'emploi des images est magnifique et le récit narratif est linéaire.

Oliver Black de Tawfik Baba (Maroc) est un récit qui peut paraître simple, pourtant il est tellement riche de signification. Il traite de deux visions du monde tout à fait différentes l'une à l'autre. Il y a celle d'un vieil homme jouant un double jeu, celui de la sagesse et celui de la ruse, tandis que son camarade de route est un jeune sub-saharien très innocent au sens propre du mot. L'intrigue glisse vers un dynamisme narratif très élevé et donne au film un rythme magnifique. La réalisation est bien structurée et le mouvement des images crée une sensibilité visuelle très puissante. Le film possède, d'après les thèmes traités, une richesse culturelle cinématographique très remarquable.



Massoud du réalisateur tchadien Emmanuel Retoubam Mbaïdé, (avec une production burkinabèe) aborde le problème du terrorisme. À l'instar de The White line de la réalisatrice Desiree Kahikopo (Namibie), il s'appuie sur des fortes histoires représentant d'une façon cinématographique l'effet du réel selon l'expression du sémiologue français Roland Barthes.(2) Les deux films suivent un parcours narratif linéaire néanmoins plein de suspens. Le spectateur est scotché du début jusqu'à la fin.

La nuit des rois de Philippe Lacôte (Côte d'Ivoire) est basé sur le pouvoir de la parole dans une société qui est soumise sous l'influence des rituels et coutumes traditionnels. La prison ici représente d'une façon métaphorique la difficulté de la vie où les personnages cherchent seulement un abri où exalter chaque souffle d'espoir. Le scénario est bien construit et la réalisation cinématographique bien maitrisée.
La réalisatrice tunisienne Ismahane Lahmar de traite la question des libertés personnelles et la condition de la femme dans les pays arabo-musulmans. Son long métrage J'irai au diable est l'histoire d'une femme qui s'appelle Najet, atteinte d'une grave maladie et dont les jours sont désormais comptés. Alors elle décide de choisir sa propre façon de mourir. Le film suit un parcours narratif linéaire. Son récit est bien construit. Par une réalisation solide et par le pouvoir des images, la cinéaste arrive à décrire avec justesse les sentiments profonds des personnages, et surtout ceux de Najet.



Maria Kristu de Paul S. Wilo (Zambie) parle d'une façon fort bien maitrisée des problèmes socio-culturels reliés aux lois posées par les traditions (le pouvoir démesuré des hommes, le mariage précoce, la condition de la femme, la violence conjugale, la recherche de la liberté personnelle). Le jeu des acteurs est remarquable.

Le même thème concernant la situation des femmes est au cœur de Lingui, les liens sacrés du réalisateur tchadien Mahamat-Saleh Haroun, d'une façon cinématographique très forte. Le propos de son scénario, la réalisation cinématographique et le jeu de tous les acteurs lui donnent cette force.
La question des femmes africaines se retrouve aussi dans Bendskins du réalisateur camerounais Narcisse Wandji. Il tresse les histoires de trois femmes. Chacune a sa propre relation avec un homme qui travaille comme conducteur de moto-taxi. Le cinéaste signe avec brio son premier long métrage.



A Taste of Our Land (Un morceau de notre terre) aborde le thème de l'amour de la patrie et la relation avec la terre natale, et l'exploitation des ressources locales par des entreprises étrangères. Tous ces problèmes sont traités dans ce film d'une façon très émouvante, par Yuhi Amuli, réalisateur rwandais.

L'Automne des pommiers du réalisateur marocain Mohamed Mouftakir est un récit filmique présenté avec un regard cinématographique sur un rythme solide. Le réalisateur commence d'abord par se focaliser sur les lieux. Ensuite, il présente les personnages, en se basant surtout sur le conflit qui règne entre eux, tout en offrant au spectateur de temps à autre des signes qui peuvent l'aider à reconstruire ce récit avec tant de symboles qui reflètent le sens de la vie humaine tout entière et pas seulement de ce récit.

Dans 2 Talaat Harb, l'Égyptien Magdi Ahmed Ali décrit le parcours sociopolitique de son pays, à travers quatre histoires différentes bien filmées. Le scénario est bien construit et sa réalisation tellement réussie.
Quant à Argu (Rêve) du réalisateur Omar Belkacemi (Algérie), c'est un film poétique qui puise d'une façon très forte dans les ressources qu'offre le langage cinématographique. Il nous plonge dans un monde de rêve où la folie et la raison se complètent. C'est une vision très profonde des problèmes de ce monde et des souffrances humaines.

Pour finir, on peut dire, en nous basant sur ces films, que les cinémas africains ont produit des films possédant une très remarquable vision artistique. C'est autant au niveau des thèmes abordés que la représentation de ces thèmes d'une façon cinématographique respectant la beauté des images et le déroulement des effets, et l'interprétation des personnages. Ces cinémas sont très beaux et pleins de sensibilité humaine et tellement originaux.

2- L'esthétique cinématographique et la vision du monde

Chaque film a un récit à raconter. Le récit se trouve dans tous les genres artistiques, même dans la peinture. Tout film possède sa propre manière de dérouler sa narration. C'est selon cette façon spécifique qu'on peut parler de sa poétique et de son esthétique. Un film vient de laisser une forte trace en moi. Il s'agit de L'Automne des pommiers, le troisième long métrage du réalisateur marocain Mohamed Mouftakir. C'est un habitué des podiums du cinéma.
Pégase (2009) avait eu plusieurs trophées, avec l'Etalon d'or au FESPACO, le Grand Prix Ousmane Sembène et le Prix du deuxième rôle féminin (pour Majdouline Idrissi) de la 13ème édition du Festival du Cinéma Africain de Khouribga (FCAK, juillet 2010)), le Prix de l'Image au Festival de Dubai ainsi que les trois prestigieux trophées au Festival National du Film de Tanger 2010, ce premier film a eu pas moins de six victoires : Grand prix FNFT, Meilleure l'interprétation féminine (Saadia Labid, Majdouline Drissi), Meilleure Musique originale (Wolfgang Funk), Meilleur son (Taoufik Mekraz), Meilleure image et Prix de la critique..

Quant à L'Orchestre des aveugles (2015), il est Tanit d'or 2016 à Carthage, Wihr d'or-à Oran, Prix Ousmane Sembène, Prix scénario et Mention spéciale d'interprétation (Ilyas El Jihani) au FCAK 2015 (Khouribga). Il a aussi été couronné Prix de la réalisation et Prix de la musique (Didier Lockwood) au Festival National du Film de Tanger, outre le Prix de la réalisation au Festival international de Bruxelles.
Cette année 2022, sa dernière production a encore obtenu le Grand Prix du Festival National du Film de Tanger. L'Automne des pommiers y a remporté trois autres lauriers : le Prix de la meilleure image 2020 (pour Raphael Bauche), le Prix de la Critique 2020 et le Prix de la Fédération des cinéclubs 2020.

Le titre du film, L'automne des pommiers, est très significatif. En effet, la pomme désigne la séduction et le pêché en même temps. En plus, elle désigne le début de la vie humaine loin du paradis. Si cette vie est pleine de blessures, elle est aussi pleine de joie. C'est le cœur du film et traité d'une façon très poétique ici.
Le film raconte une simple histoire : le personnage principal est tombé amoureux d'une femme. Mais un problème surgit entre eux, quand l'homme est plein de doutes envers sa conjointe. Il l'accuse d'adultère. Ainsi il n'a jamais accepté de l'épouser et de considérer l'enfant qu'il a obtenu avec elle comme son propre fils. Bien évidemment, il y a un autre homme qui va entrer dans le jeu qui n'est autre que l'instituteur du village, en tant que père supposé de ce garçon.

Ce récit filmique est présenté avec un regard cinématographique sur un rythme solide. Le réalisateur commence d'abord par se focaliser sur les lieux. Ensuite, il présente les personnages, en se basant surtout sur le conflit qui règne entre eux, tout en offrant au spectateur de temps à autre des signes qui peuvent l'aider à reconstruire ce récit avec tant de symboles qui reflètent le sens de la vie humaine tout entière et pas seulement de ce récit.
L'image a une très grande importance au cinéma, car elle permet de traduire le jeu (efficient ou pas) des acteurs et l'environnement où ils se meuvent. Ici, on remarque que la maitrise de l'image dans ce film se révèle par un cadrage tellement poétique où les acteurs peuvent incarner leurs rôles d'une façon remarquable. On peut citer ici à titre d'exemple le personnage d'Ahmed, formidablement joué par Saad Tsouli. Il arrive à restituer combien son personnage vit dans un état très complexe : entre la joie d'être reconnu en tant que père, en même temps tellement perplexe qu'il ne peut pas reconnaître ce fils préféré et maudit en même temps.

Même chose pour la grande actrice Naima Lemcherki qui interprète le rôle de la mère d'Ahmed. Elle crée une profonde relation avec son petit-fils en lui offrant toute la tendresse dont il a besoin. Nous n'oublions pas de mentionner le brio des autres acteurs : Fatima Kheir, Mohamed Tsouli, Anass Bajoudi, Hassan Badida et l'enfant (Ayoub Layoussoufi).
Pour dire que ce film est une œuvre cinématographique de haute volée. C'est un mélange artistique entre une esthétique adorable et une vision d'un monde très complexe où les chagrins sont toujours reliés avec des joies.

3- le cinéma et l'éloge de la philosophie

Premier long métrage du cinéaste algérien Omar Belkacemi, Argu jongle avec la poésie, la philosophie et la réalité, en bousculant avec maestria notre monde corseté.
Si on veut faire du cinéma qui nous fait du plaisir, le plaisir de voir le monde qui nous l'entoure autrement, on doit relier ce cinéma à la poésie. Et si on veut faire du cinéma qui pousse les gens à penser d'une façon qui dépasse les limites des coutumes et des traditions, on est obligé dans ce cas-là de relier la philosophie au cinéma. Mais si on veut faire un film poétique et plein de philosophie, on doit suivre le chemin du cinéma d'auteur. Le cinéma qui fait l'éloge de la particularité et de l'originalité et qui nous pousse vers un monde de rêve.

Parmi les films qui ont pu me faire penser à cela, il y a le film algérien Argu ("Rêve", en langue kabyle) d'Omar Belkacemi. Ce long métrage est tellement beau, au sens philosophique du mot, car il veut être un film de son auteur sans rien d'autre. Argu est une exceptionnelle œuvre d'art.
D'abord il aborde un sujet très intéressant : celui de la particularité de la personnalité de chacun de nous en tant qu'être humain. Ensuite, il traite du droit de l'être humain de vivre à sa propre manière, mais sans faire du mal aux autres. Le film commence par la capture d'une belle image du ciel, en gros plan. Puis, il capte l'espace intérieur d'une classe où un professeur de philosophie est en train d'expliquer son cours à ses élèves. Dans le tableau, il est écrit une phrase de Nietzsche disant que chaque interprétation peut changer le sens de la chose.

Pour ces raisons citées en haut, ce qui doit compter ce n'est pas la réalité mais l'interprétation qu'on lui donne. Cela nous montre, en tant que spectateurs, cet enseignant, nommé Mahmoud, dominé par sa vision du monde qui n'est qu'une vision réaliste et utopique en même temps. Même dans ses relations avec les femmes, le personnage ne se voit pas comme un futur mari fidèle au foyer conjugal. Cela fait de lui un homme étrange aux yeux de sa petite copine qui veut se marier et construire un foyer comme les autres femmes simples du village.
En plus, le petit frère de ce professeur de philosophie, essaie, lui aussi, de créer son propre monde, un monde de liberté. La liberté d'esprit et pourquoi pas du corps en plus. Ce frère s'appelle Koukou ; il est très différent des hommes du village qui sont presque morts, au sens figuré du mot, selon l'expression de Mahmoud, l'enseignant de philosophie. La seule exception parmi les habitants masculins est un homme a vécu avec sa femme française dans ce village même avant que cette dernière l'abandonne et en amenant avec elle leur fille unique. Cet homme se distingue fortement.

Ces villageois ("morts") ne veulent ni voir la vie, ni y vivre comme il faut. Ils sont sous l'influence des regards strictement fermés. C'est pourquoi ils sont devenus jaloux de Koukou, surtout que leurs femmes l'admirent en tant qu'ami, ou plutôt comme un frère. C'est parce qu'il les aide et parle avec elles d'une façon simple pleine de respect.
Mais ces comportements sont jugés surprenants par les chefs / sages du village, alors, ils le mettent dans un asile psychiatrique. Nonobstant cela, son frère Mahmoud les voit comme des hommes bouchés et il se fait un devoir de le faire sortir de cette prison. Y arrivera-t-il ?

Le réalisateur algérien Omar Belkacemi réussit à nous plonger dans un monde de rêve et de liberté. Il filme l'espace magnifique d'une grande montagne où les deux frères réclament à travers leurs corps leur envie de partir au-delà des limites morales de leur village.
La philosophie prend une grande place dans ce film. Elle se manifeste à travers le personnage Koukou, qui est devenu un fou aux yeux des gens du village dit sages et pour cela il doit être enfermé loin d'eux. Puisque chaque vrai fou n'hésite pas de dire la vérité, il devient un danger pour ceux qui ne peuvent pas la dire à cause de leurs intérêts.

La seule solution qui reste pour que Mahmoud puisse sauver son frère Koukou, sa mère et sa sœur Jura du pouvoir sadique de son père et celui des gens du village, est de partir. Partir vers un autre horizon plein de liberté, métaphorisé par un oiseau en cage à qui la liberté est rendue.
Les richesses de ce film si fort s'incarnent dans son thème et de ses images de toute beauté. Pourtant, malgré d'être enraciné dans le réel, ces images sont pleines d'imagination. Elles reflètent la beauté des espaces vivants.

La règle fondamentale du jeu cinématographique, selon l'expression du philosophe Henri Bergson, est que le cinéma est un art collectif. C'est ainsi que la force de la réalisation de ce film réside dans le fait que le cinéaste a pu rassembler plusieurs éléments narratifs, en s'appuyant sur des acteurs qui sont si justes dans leur interprétation, qui poussent ce film poétique à trouver son propre public. Ces points sont la relation entre la vie, la philosophie et la poésie. La philosophie fait penser, la poésie fait rêver et la réalité fait réveiller les gens. Ainsi, Argu est une réussite cinématographique de haut niveau.

4 - Le cinéma de de la rhétorique de l'espace ouvert

Faire un film qui appartient au domaine du cinéma, c'est-à-dire plonger dans un monde plein d'imaginaire. Un monde où tout est possible, soit par l'esprit, soit à travers le rêve. Car le cinéma est un champ de rêve d'après le sociologue français Edgar Morin (Le Cinéma ou l'homme imaginaire) (3). Et celui qui veut vivre dans le monde du cinéma, il faut qu'il sache cette vérité. Ainsi, chaque vrai réalisateur du cinéma, ne peut pas être loin de cette réalité, surtout s'il veut faire des films, des bons films. Et je pense que le réalisateur du film Oliver Black traduit bien cette vérité.

Ce film qui prend comme objectif artistique de présenter une simple histoire simple qui parle de l'être humain dans sa diversité, et dont le thème est la puissance de l'âme humaine, l'âme qui possède un rêve et qui veut le réaliser à tout prix. Mais, pour que ce rêve soit une réalité il faut de l'intelligence, et une profonde connaissance de la nature humaine, pour que ce rêve ne se transforme pas en un cauchemar.

Le récit filmique représente un jeune homme appelé "Vendredi". Ce jeune homme était en train de traverser le Sahara avec un but bien déterminé, c'est d'atteindre le Maroc, pour travailler dans le cirque en tant qu'un artiste de tallent. Pour lui le cirque représente un monde de paix, et de tolérance. Puisque dans le cirque on essaie de créer un monde plein de joie et de sincérité. Mais, son destin lui veut pour un autre chemin, un chemin plein de tristesse où règne le terrorisme. "Vendredi " qui était un jeune homme innocent, il ne suit que les paroles de sa mère va rencontrer un vieil homme qui se montre devant lui comme un sage homme plein de bonté et de sagesse, mais dans sa vraie nature il est un vendeur des êtres humains. Il les vend au groupe terroriste.
Le film en nous présentant cette triste histoire, il la représente d'une façon indirecte, puisque tous les spectateurs, en suivant la logique narrative du récit filmique, ils ne pensent jamais que ce vieil homme va être de cette mauvaise nature, et il va trahir celui qui a aidé à survivre et de rester en vie. Celui qui n'a pas voulu le laisser en pleine désert, et continuer son chemin. Mais la vie est remplie par des mauvaises surprises.

Durant tout le parcours du film, on voit un vieil homme qui essaie de traverser le chemin Saharien tout seul, pour aller rejoindre le Maroc, pour assister à la cérémonie du mariage de sa fille, Il était bien équipé. Il possède une petite tente, et deux draps, et tout ce qu'un voyageur a besoin de lui. Cet homme, se montre sage, et il ne veut pas de la compagnie, mais "Vendredi" le suit. Ils sont devenus des compagnons de route voire plus : des amis. Le film à travers sa caméra, plonge dans l'espace du désert, et il nous montre une beauté naturelle très frappante. Les sables du désert symbolisent les images qui décrivent le chemin mené par ces deux personnages, le vieil homme et le jeune homme. Et cela pousse le film vers le cinéma d'auteur.
De prime abord, on peut dire que le film Oliver Black de Tawfiq Baba est un récit qui peut paraitre simple. Pourtant, il est tellement riche de significations. Il traite de deux visions du monde tout à fait différentes l'une à l'autre. Il y a celle d'un vieil homme jouant un double jeu, celui de la sagesse et celui de la ruse, tandis que son camarade de route est un jeune sub-saharien très innocent au sens propre du mot. L'intrigue glisse vers un dynamisme narratif très élevé et donne au film un rythme magnifique. La réalisation est bien structurée et le mouvement des images crée une sensibilité visuelle très puissante. Le film possède, d'après les thèmes traités, une richesse culturelle cinématographique très remarquable.

L'écran cinématographique réformasse, comme le souvenir de "Vendredi" concernant sa relation avec sa mère, ou même son rêve de rejoindre le Maroc, terre de paix et de tolérance. Ses personnages sont très vivants et très significatifs, mais chacun de son côté tout à fait loin de l'autre. Puisque le récit filmique va dans ce sens même. La fin de ce film était triste, puisque "Vendredi" va tomber dans les bras des terroristes, mais il reste toujours de l'espoir pour qu'il puisse fuir d'eux et rejoindre Le Maroc. Et ce que peut le spectateur ressent en plongeant dans ses idées et ses réflexions.

Ce genre du cinéma, est une sorte d'une esthétisation de l'espace d'une part et une représentation des personnages d'une autre part. D'où, il faut évoquer, ici et là, le jeu de l'image aux mille nuances selon l'expression du philosophe français Henri Bergson (La pensée et le mouvant) qui nous fait plonger dans un monde ouvert vers l'infini. Ce genre du film mérite d'être vu et revu, et en plus il mérité d'être recomposé bien évidement.

* Vers un cinéma culturel

Le cinéma en tant qu'un art qui représente le vécu avec une vision artistique doit être un cinéma qui fait la distinction entre le subjectif et l'objectif. C'est-à-dire penser le réel mais avec une vision très ouverte et pleine d'une sensibilité remarquable, pour qu'il puisse à travers son regard imaginaire, selon l'expression de Gilles Deleuze, peut faire "du réel quelque chose d'imaginaire, en même temps qu'il devient réel à son tour et nous redonne de la réalité" (4).
Car "ces richesses, dont nous n'avons surpris que les reflets sur un écran d'ombres et de lumières, nous les considérons comme illusions. Pourtant, si les images du cinéma sont trompeuses, elles ne le sont pas beaucoup plus que celles de la réalité". (5)
Et cela fait de ce genre du cinéma, un cinéma très intelligent, un cinéma qui dépasse le naturel et qui essaie de réaliser son propre existence, l'existence cinématographique culturelle au sens philosophique et artistique du terme.

par Noureddine MHAKKAK (1)

(1) - Noureddine Mhakkak (Chercheur universitaire - Université Ibn Tofail, Kénitra, Maroc).

(2) - Roland Barthes : "L'effet de réel", Communication, n° 11. Mars 1968. pp 88.

(3) - Edgar Morin, Le cinéma ou l'homme imaginaire. Les éditions de Minuit. Paris, 1956. p. 84.

(4) - Gilles Deleuze, Cinéma 2 (L'image -Temps). Les éditions de Minuit. Paris, 1985. p 17.

(5) - Claude Mauriac, L'amour du cinéma. Éditions Albin Michel. Paris, 1954. p 177.

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